Une photo de moi, mais qui n'est pas de moi
Robert
Greene, dans son livre Atteindre l’excellence, identifie cinq stratégies pour
parvenir à identifier l’œuvre de sa propre vie (cet article est la suite de celui-ci).
1) Revenir à
ses origines – la stratégie de l’inclination primale.
2) Occuper
le créneau idéal – la stratégie darwinienne.
3) Éviter
les voies sans issue – la stratégie de la rébellion.
4) Se
libérer du passé – la stratégie de l’adaptation.
5) Trouver
le chemin du retour – jouer son va-tout.
Je traiterai
aujourd’hui de la deuxième partie : occuper le créneau idéal.
2) Occuper
le créneau idéal – La stratégie darwinienne.
Robert
Greene, pour illustrer son propos, raconte la vie du neuropsychiatre indien
Vilayanur Ramachandran et de la chercheuse japonaise en neurosciences, Yoki
Matsuoka, qui a créé la discipline appelée « neurobotique ».
Vilayanur
Ramachandran, pendant son enfance, savait qu’il était différent des autres. Il
n’était pas attiré par le sport comme beaucoup de garçons de son âge mais par
la lecture de livres scientifiques. Il était aussi émerveillé par l’incroyable
variété des coquillages et en faisait collection. C’était un domaine qu’il
possédait pour lui tout seul : personne dans son école n’en savait autant
que lui sur les coquillages. Bientôt, il s’intéressa à une variété rare, le
xénophore qui ramasse les coquilles vides pour s’en servir de camouflage. D’une
certaine façon, il était lui-même un xénophore, une anomalie. Dans la nature,
les anomalies ont souvent leur utilité dans le cadre général de l’évolution
(cf. Darwin et sa célèbre théorie) : elles permettent l’occupation d’un nouveau biotope, en
offrant de meilleures chances de survie. Ramachandran pouvait-il en dire autant
de sa propre étrangeté ?
Son père
craignait qu’il ne passe sa vie qu’à s’occuper d’anomalies et le persuada de
faire médecine. Mais la médecine ne suffisait pas à Vilayanur
Ramachandran. Il voulait faire des
expériences et des découvertes. Il se mit à compulser toutes sortes d’ouvrages
scientifiques qui ne faisaient pas partie de son programme.
Il lut l’ouvrage Eye and Brain de Richard Gregory,
neuroscientifique spécialisé dans les illusions d’optique et les points
aveugles. Ramachandran, motivé par cette étude, mena ses propres expériences et
parvint à en publier le résultat dans un journal prestigieux, ce qui lui valut
d’être invité par l’université de Cambridge à venir étudier les neurosciences
de la vision.
Il voulut
aller encore plus loin et s’intéressa au cerveau lui-même et au phénomène des
membres fantômes : chez les amputés, on a observé des douleurs
paralysantes d’un membre qu’on leur a coupé. Vilayanur Ramachandran en vint
finalement à effectuer des découvertes importantes sur le fonctionnement du
cerveau et le moyen de soulager les amputés de ce type de douleur.
Du jour au
lendemain, son sentiment de décalage et d’ennui disparut. Il savait à présent
qu’il allait consacrer le reste de sa vie à l’étude des pathologies anormales
du système nerveux. Ce thème 1) débouchait sur des questions qui le
passionnaient concernant l’évolution de la conscience, l’origine du langage,
etc. En quelque sorte, 2) il était revenu à son point de départ à l’époque où
il collectionnait les coquillages les plus rares. C’était un domaine où il pourrait 3) régner
sans partage pendant des années et qui contribuerait 4) au progrès de la
science et de l’humanité.
Je vous
parlerai dans un prochain article de la vie de Yoki Matsuoka et de la
philosophie de réussite que l’on peut tirer de l’existence de ces deux
chercheurs : « Occuper le créneau idéal ».
Amitiés à
tous.
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