Un ouvrage déterminant sur l'histoire de la mnémotechnie.
Le célèbre Pierre de Ravenne
(Pietro Tommai), (1448-1518) auteur d’un petit traité de mémoire artificielle, La Phoenix seu artificiosa memoria, (Venise, 1494), qui aura un grand retentissement
et ne sera pas sans influence sur Giordano Bruno, affirmait pouvoir disposer de
plus de cent mille lieux qu’ils s’étaient construits afin de dépasser quiconque
dans la connaissance des écritures saintes et du droit. Il écrivait
ainsi : « Lorsque je quitte ma patrie pour visiter en pèlerin les
villes d’Italie, je peux dire véritablement « Omnia mecum porto », et
cependant je n’arrête pas de construire des lieux pour la mémoire. »
Devant son maître de jurisprudence, Alessandro Tatagnii di Imola, à
l’Université de Pavie, Pierre de Ravenne, à peine âgé de vingt ans, s’était
montré en mesure de réciter par cœur « totum codicem juris
civilis », texte et commentaires, et de répéter mot pour mot les leçons
d’Alessandro. Plus tard, à Padoue, il avait stupéfié le chapitre des chanoines
réguliers, en récitant par cœur les sermons entendus une seule fois.
Il parle
de son habileté à plusieurs reprises dans des pages où il où il associe une
subtile « propagande » au désir manifeste de susciter l’admiration
dans l’esprit de ses lecteurs : « L’université de Padoue m’en est
témoin : je lis chaque jour, sans avoir besoin d’aucun livre, mes leçons
de droit canon, exactement comme si j’avais mon livre devant mes yeux, je me
rappelle par cœur le texte et les commentaires et je n’omets pas la moindre
syllabe… J’ai placé sur dix-neuf lettres de l’alphabet vingt mille passages de
droit canon et de droit civil et, dans le même ordre, sept mille passages des
livres saints, mille chants d’Ovide… deux cents sentences de Cicéron, trois cents
maximes de philosophie, la plus grande partie de l’œuvre de Valère Maxime. »
Moins suspect que celui de l’intéressé
apparaît le témoignage d’Eléonore d’Aragon, qui appelait toute la ville de
Ferrare à témoigner de la prodigieuse mémoire de Pierre de Ravenne, ou celui de
Bonifacio del Monferrato qui, après avoir constaté son extraordinaire faculté,
le recommandait aux rois, aux princes, « aux magnifiques capitaines »
et aux nobles italiens.
L’immense réputation dont jouit
en Italie et en Europe cette figure singulière de juriste était due, plus qu’à
ses indéniables connaissances juridiques, au fait qu’il se présentait comme la
preuve vivante de la validité d’un « art » sur lequel se portaient
tous les espoirs et les aspirations de bien des gens. Professeur de droit à
Bologne, Ferrare, Padoue, Pietro Tommai contribua assurément à propager dans
toute l’Italie l’intérêt pour l’ars memorativa.
Il fit une grande tournée en
Europe, mais, accusé de « comportements peu corrects », il revint en Italie.
La notoriété de ce personnage aura d’importantes conséquences : son livre sur la mémoire artificielle,
La Phoenix seu artificiosa memoria, exercera une très grande influence sur
toute la production ultérieure de la mnémotechnie. Il fut traduit en allemand,
en français, en anglais et influença pour ainsi dire tous les grands
mnémotechniciens qui suivirent.
L’ouvrage est construit suivant
les canevas habituels de la tradition. Cependant, Pierre de Ravenne se soucie
davantage de la fonction exercée par les images que des règles concernant la
recherche des lieux. Pour être vraiment efficaces, celles-ci doivent se
présenter véritablement comme des « excitants » de l’imagination
(et pour exciter l’imagination, Pierre de Ravenne est le seul mnémotechnicien
que je connaisse qui utilise des images
de jeunes femmes !) : « Je place habituellement dans les lieux
de très belles jeunes filles qui excitent fort ma mémoire…. Et crois-moi :
si j’utilise comme images de très belles jeunes filles, je retrouve plus
facilement et plus régulièrement les notions confiées aux lieux. Tu possèdes
désormais un secret très utile à la mémoire artificielle, un secret que j’ai
longtemps tu par pudeur ; si tu veux te souvenir très vite, place dans les
lieux de très belles vierges ; en effet, la mémoire est merveilleusement
bien excitée par le recours aux jeunes filles… Ce précepte ne sera d’aucun
profit à ceux qui détestent et méprisent les femmes et ceux-là éprouveront les
plus grandes difficultés à recueillir les fruits de cet art. Que me pardonnent
les hommes chastes et religieux ; j’avais le devoir de ne pas taire une
règle qui m’a procuré dans cet art louanges et honneurs et je veux de toutes
mes forces laisser d’excellents successeurs. »
Voilà. C’est tout pour le moment.
Amitiés à tous.
Bonjour, je viens de découvrir votre blog, fort intéressant, et je voulais vous demander svp où vous avez trouvé le La Phoenix seu artificiosa memoria, je ne le trouve nulle part, et le lien que vous avez sur cette page ne fonctionne pas. Pourriez-vous me l'indiquer svp? Cordialement, Marie-Barbara Vieuxtemps.
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RépondreSupprimerje crains que 'auteur n'ayant en tête aucune pépée jeune et excitante ne puisse retrouver le lien demandé, sic transit....
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