Le livre de François Boutonnet.
Mnémosyne, une histoire des arts de la mémoire de l'antiquité à la création multimédia contemporaine de François Boutonnet est un beau résumé de l'histoire de la mnémotechnie. C'est lui qui décrit le mieux la vie et le système de Giordano Bruno
Giordano Bruno, né en janvier
1548 à Nola en Italie et mort le 17 février 1600 à Rome brûlé vif par l’Inquisition,
était un frère dominicain et un philosophe. Il fait partie du mouvement néo-platonicien qui se développe à la Renaissance.
Au XVI ème siècle, Giordano Bruno
se propose déjà de mémoriser l'univers tout entier grâce à la série des
correspondances et des associations, unifiées par le système céleste. Il porte
ainsi à leur apothéose les Arts de la Mémoire. Les trois courants que sont l'Hermétisme, la
Mnémonique et le Lullisme se trouvent étroitement emmêlés dans la personnalité
complexe et la mission de Giordano Bruno qui se passionne pour l'Art de Raymond
Lulle et compose sur le sujet plusieurs ouvrages en latin : De la lampe
combinatoire de Lulle, De la lampe à traquer la logique... Tandis que la
vieille physique aristotélicienne s'épuisait dans une crise mortelle, se firent
jour les doctrines alchimiques et magiques, c'est-à-dire les techniques ayant
pour but de changer les choses, les arts expérimentaux qui, dans leur impiété,
entendaient transgresser les lois naturelles et renverser l'ordre physique,
désorbiter les astres, transformer les vivants et ressusciter les morts.
Giordano Bruno tente une synthèse hardie de l'Art de la Mémoire classique et de
l'Art lullien, en animant des combinatoires d'images. Il a l'idée de disposer
sur les roues dentées des dispositifs de Raymond Lulle, non plus des lettres,
mais les scènes frappantes et les êtres étranges des anciens Palais de Mémoire.
« Le cercle intérieur constitue la roue des images stellaires, la centrale
d'énergie de la mémoire qui fonctionne magiquement.» Des roues dentées où
s'inscrivent des images en mouvement ?
Les dispositifs de Giordano Bruno
se révèlent bien plus complexes que de simples artifices mnémotechniques. Ils
valent surtout comme modèle de connaissance idéale, comme instrument
heuristique susceptible d'actualiser l'infinité des relations et des
combinaisons composant la trame du réel. Construire les images, travailler avec
elles, n'est pas pour Giordano Bruno (comme il en était déjà pour Giulio
Camillo) se livrer à une opération quelconque, à un acte arbitraire, seulement
lié à des critères subjectifs d'efficacité ; cela veut dire au contraire
prendre possession des ombres, des sceaux que les idées ont laissés dans le
monde, et reparcourir ces traces d'ombres projetées dans la pluralité des
choses visibles.
Le héros de Giordano Bruno est un
manipulateur accompli des fantasmes et des images. Dans ses fureurs, dans ses
transes, il atteint une sorte d'état second, la forme suprême de l'extase,
celle où l'imaginatum caelum (le monde intelligible ainsi qu'il est imaginé par
l'opérateur au cours de sa pratique de manipulation des fantasmes) correspond à
la réalité transcendantale. Giordano Bruno prétend à une sorte de magie
opérative, de maîtrise opérationnelle des fantasmes. Dans De vinculis in genere
(Des liens en général), il s'agit de lier, de prendre, de fidéliser ceux sur
qui on veut avoir de l'influence. Giordano Bruno et tout le courant
néoplatonicien de la Renaissance attribuent une grande puissance aux fantasmes,
à l'apprentissage de leur manipulation et à leur transmission. Le fantasme
prend ainsi la primauté absolue sur la parole, précédant à la fois
l'articulation et l'entendement de tout message linguistique. Les
questionnements ouverts par Giordano Bruno avec la manipulation des fantasmes,
concernent donc d'abord le statut des images. A l'anima mundi, se substitue
l'imago mundi.
Dans Des ombres des idées (De
umbris idearum - 1582), Giordano Bruno propose une version occulte de l'Art
lullien de la mémoire, et fait appel aux imageries magiques pour disposer les
astres et tous leurs attributs sur les roues combinatoires de Lulle. C'est
aller précisément à l'encontre de la méthode de Lulle, qui avait soigneusement
évité les images. Son nouveau système mnémotechnique se fonde sur des roues
concentriques de trente compartiments, qui correspondent aux vingt-trois
lettres de l'alphabet latin, à quatre caractères grecs et trois caractères
hébraïques. Giordano Bruno charge ces lettres d'une symbolique empruntée aux
hiéroglyphes égyptiens qui prenaient pour désigner des objets particuliers, des
figures empruntées à la nature ou aux parties des choses. Ce dispositif est
inspiré de l'Ars brevis de Raymond Lulle, et de la combinatoire de la Cabale.
Il permet de produire des images de mémoire correspondant à tous les mots, en
associant des figures mnémoniques à leurs différentes syllabes. Les
combinaisons potentielles de ces roues engendrent l'infinité des mots, et leurs
représentations imaginaires.
Voilà. C’est tout pour le moment.
Amitiés à tous.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire