Mnemosyne, la déesse de la mémoire.
Récemment est paru en livre de
poche L’art et la science de se souvenir de tout qui est en fait le même livre que l’ouvrage en grand format Aventures au cœur de la mémoire (tous
les deux la traduction de Moonwalking
with Einstein).
Aventures au cœur de la mémoire est un livre référence dans le
monde de la mémoire. Il y est question de l’histoire de la mémoire et de la
mnémotechnie, de la naissance des Mémoriades, les Championnats du monde de
mémoire, en 1991, mais surtout de la manière dont un journaliste indépendant,
Joshua Foer, est devenu champion de mémoire des États-Unis en 2006 alors qu’il
ne savait même pas ce qu’était une technique de mémorisation un an auparavant !
Cet article est la suite de celui-ci.
Joshua Foer le présente ainsi : « Pour
des raisons quelque peu obscures, il avait été décidé que les trois concurrents
en tête du classement général au terme des trois premières épreuves auraient le
privilège de sauter un tour, c'est-à-dire de ne pas participer à l'événement
final de la matinée : le poème. En dépit d'un score assez bas aux nombres en
cinq minutes, j'avais réussi, grâce à mon record aux cartes, à me hisser en
seconde position derrière Maurice et devant « Ice Man » Chester. Nous allions
donc tous les trois directement en quart de finale.
Ben Pridmore nous proposa
de quitter la salle de la compétition pour nous rendre à la cafétéria Con
Edison. Nous primes une table tous ensemble et nous offrîmes un déjeuner
cordial, quoique peu bavard. De retour au championnat, nous fûmes rejoints sur
l'estrade par le consultant en stratégie Ram Kolli, le marathonien de
quarante-sept ans Paul Mellor et la jeune nageuse Erin Luley. Pendant notre
absence, elle avait enregistré un nouveau record des États-Unis, son second de
la journée, à l'épreuve du poème.
La deuxième phase du championnat,
conçue pour amplifier la tension dramatique de l'événement au profit des
caméras de télévision, pouvait commencer. À l'avant de la salle, un écran géant
diffusait des animations graphiques en 3D plutôt sophistiquées. Des projecteurs
de théâtre inondaient l'estrade de lumière. Il y avait là six fauteuils de metteur
en scène et six micros de revers avec leurs transmetteurs.
La première manche de
l'après-midi, baptisée « Des mots à ne pas oublier », était une épreuve de mots
aléatoires modifiée au profit de la télévision. Normalement, dans un
championnat national classique, les concurrents se voient remettre une liste de
quatre cents mots ; ils ont quinze minutes pour en mémoriser le maximum,
prennent ensuite une courte pause, puis disposent de trente minutes pour
retranscrire le plus grand nombre possible de ces mots sur une feuille de
papier. Ce n'est pas à proprement parler télégénique.
Pour le championnat des
États-Unis, il avait été décidé que le « spectacle » se passerait sur la scène
— avec l'espoir qu'il comporterait les furieuses torsions de mains, les mines
parfois décomposées, parfois radieuses, et toutes les autres grimaceries de
kabuki qui font des retransmissions de concours d'orthographe des moments si
passionnants. Mes cinq adversaires et moi, nous défilerions donc l'un après
l'autre sur la scène et prononcerions chacun notre tour, dans l'ordre de la
liste, les mots que nous aurions mémorisés. Les deux premiers athlètes mentaux
qui sécheraient sur un mot seraient éliminés.
La liste que l'on nous distribua
comportait une jolie collection de substantifs et de verbes concrets comme «
reptile » et « couler », qui sont les plus faciles à visualiser, assortie de
quelques mots abstraits plus difficiles à imaginer comme « pitié » et « grâce
». Dans une épreuve normale de mots aléatoires, le concurrent essaie en général
d'en mémoriser autant que possible, quitte à se la jouer un peu téméraire en
remplissant son palais de mémoire à ras bord. Mais Ed et moi étions convenus
que le système mis en place pour le championnat des États-Unis nécessitait une
stratégie plus sage : mémoriser moins de mots — je devais me contenter d'en
retenir tout juste cent vingt —, mais être certain de les avoir parfaitement en
tête. Nous estimions que la plupart de mes adversaires seraient sans doute en
mesure d'en mémoriser davantage que moi, mais que certains d'entre eux
tenteraient d'en absorber bien au-delà de leurs capacités. Je ne devais pas
commettre cette erreur. »
Voilà. C’est tout pour le moment.
Amitiés à tous !
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