vendredi 11 mai 2018

Nouvelles précisions sur la Gestalt-thérapie (dixième partie) (première partie, Orientation du Moi. chapitre 1, Le point de départ).





Un autre livre sur la Gestalt-thérapie


Des amis m’ont demandé d’apporter des approfondissements sur la gestalt-thérapie, la psychothérapie que je préfère actuellement. J’ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises dans ce blog. En voici quelques exemples :


Cet article est la suite de celui-ci.

Le livre de référence sur le sujet est Gestalt-thérapienouveauté, excitation et développement de Frederick Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline.

L’ouvrage est divisé en deux parties distinctes. La première partie porte sur l’orientation du moi et se subdivise en 4 chapitres. Le chapitre 1 définit l’aspect scientifique de la gestalt-thérapie. Le chapitre 2 présente différentes expériences visant à développer ou à accroître chez l’individu sa capacité à entrer en contact avec son environnement. Les chapitres 3 et 4 présentent les différentes techniques de prise de conscience intégrée du soi. La deuxième partie de l’ouvrage porte sur la manipulation du moi. On y retrouve également 4 chapitres qui traitent globalement de 3 types de mécanismes névrotiques à l’origine des troubles psychologiques vécus par les individus. Ces mécanismes sont : la rétroflexion, l’introjection et la projection.

Je vais, pour que vous compreniez bien la démarche de la Gestalt-thérapie, aborder le thème de la première partie, l’orientation du moi.

Première partie, Orientation du Moi. Chapitre 1, Le point de départ.

 Dans la mesure où la thérapie individuelle est chère et exige du temps, elle est restreinte aux rares personnes qui peuvent se l'offrir comme un luxe ou doivent l'acheter comme une nécessité. C'est ainsi qu'elle a été limitée aux individus complètement « névrosés ». Mais que faire pour la grande majorité des gens qui, tout en ne fonctionnant pas mal selon les critères médicaux ordinaires, tout en n'étant pas incompétents au point de ne pas pouvoir travailler, et bien que n'ayant pas besoin d'une aide urgente, ne sont cependant pas heureux comme ils pourraient l'être ?

On peut se demander finalement, dans ce cas, si la société en miniature mentionnée ci-dessus, le médecin et le patient, ne peut pas, pour répandre ses bénéfices à un plus grand nombre de personnes, se réduire à une seule personne — le lecteur d'instructions et de discussions imprimées. Nous avons mis cette question à l'épreuve il y a un an. En utilisant le matériel présenté dans ce livre sous une forme plus développée, nous avons découvert que la réponse à notre question était un oui décisif !

Nous avons mis le matériel entre les mains d'étudiants de première année en psychologie de trois universités. À l'une d'entre elles, où l'âge des étudiants variait de 18 à presque 70 ans, et où la plupart d'entre eux travaillaient à temps partiel ou complet à diverses occupations, nous l'avons présenté simplement comme le « travail à faire chez soi » d'un cours ordinaire. Des rapports écrits furent ramassés à intervalles réguliers pendant quatre mois. Lorsqu'on donna le cours, la fois suivante, un nombre plus important d'étudiants travaillèrent sur une forme révisée et étendue du matériel. On obtint la permission d'une centaine d'étudiants d'utiliser leurs rapports sans dévoiler leur identité, pour donner, dans leurs propres termes, certaines indications sur l'étendue et le genre de réactions provoquées par ce programme. Pour nombre de personnes, quatre mois représentent une période trop courte — à peine le temps de s'échauffer au-delà d'effets superficiels —, mais nous avons eu plusieurs cas où l'on a vu le développement, commencé pendant le cours, se poursuivre à un rythme accéléré, alors même que le matériel ne faisait plus partie de « leur travail à domicile ». Il y a toute raison de croire que ce peut être le cas pour vous.

L'effort principal est de vous aider à prendre conscience de la façon dont vous fonctionnez actuellement comme organisme et comme individu. Puisque vous êtes le seul qui puisse faire les observations nécessaires, notre objet sera donc ce qu'on appelle des « évènements privés ». L'endroit où se déroulent ces évènements est — selon l'ancienne terminologie qui, jusqu'à présent, a survécu aux tentatives répétées et déterminées de le détruire — l'« esprit ». Nous ne nous poserons certainement pas en défenseurs du sens traditionnel d'une chose désincarnée qui transcende le fonctionnement organique. En fait, nous sommes du côté des destructeurs — avec une différence. Nous insisterons plus tard fortement sur le fait que nous refusons tout statut indépendant à l'« esprit », au « corps », et au « monde extérieur ». Ces mots s'appliquent à certaines fabrications d'une tradition dualiste qui a cherché à les insérer dans le fonctionnement de l'organisme humain. Si on les abandonne et qu'on développe un langage unitaire qui rapporte ce qui existe pour des observateurs non dualistes, on verra qu'on n'omettra rien d'important.

En faisant des déclarations aussi dogmatiques, nous risquons de perdre des amis des deux côtés. Ceux qui chérissent l'« esprit » et ont l'intention de s'y accrocher jusqu'au bout n'accepteront pas notre façon de procéder si nous montrons si peu de compréhension de la manière dont ils expérimentent leur personne — c'est-à-dire comme « esprit » non physique faisant fonctionner un « corps » physique dans un « monde extérieur ». Cette manière de se comprendre est le fruit du processus de socialisation que nous subissons depuis l'enfance. Nous examinerons cela plus en détail plus tard et nous nous contenterons de dire, à ceux qui refusent de faire un pas de plus sans leur « esprit », qu'ils trouveront, selon leurs termes, que notre travail élargit et étend le domaine de l'« esprit ».

Ceux qui épousent la position strictement expérimentaliste nous suivront avec délice quand nous attaquerons I'« esprit », mais se retourneront contre nous si nous touchons au « monde extérieur ». En insistant pour que nous soyons « objectifs », pour que nous nous limitions aux manifestations publiques plutôt que privées, ils exigent que nous placions toute chose dans le « monde extérieur ». Mais « extérieur » a-t-il un sens si ce n'est comme opposé à « intérieur » ?

Dans un sens, l'« intérieur » existe pour eux aussi, s'il est défini du dehors, c'est-à-dire « extérieurement ». Comment peut-on arriver à cela ? Eh bien, il y a des encéphalogrammes qui enregistrent l'activité électrique du cerveau, et des électromyographes qui définissent le potentiel d'activité d'un muscle contracté et des galvanomètres qui déterminent les changements de résistance de la peau au passage d'un courant électrique. Ces faits physiologiques sont acceptés universellement dans le monde scientifique comme étant liés à ce que l'être humain ainsi examiné appelle son « activité mentale ». Pour l'expérimentateur, ce n'est pas « mental ». C'est un « comportement caché », les réponses secrètes de l'organisme invisibles à l'œil nu mais détectables par certains instruments. À l'opposé, il existe un « comportement patent », les mouvements évidents de l'organisme dans l'« espace extérieur ». Notez, cependant, que ce que les expérimentalistes définissent comme « intérieur », ils ne l'acceptent en tant que tel que lorsqu'il est situé dans leur « monde extérieur » — ce que leurs instruments, cadrans, compteurs enregistrent.

Regardons d'un peu plus près cet « extérieur » et cet « intérieur » dont l'existence dans tout organisme n'est pas contestée, même par l'expérimentaliste. Pour ce dernier, de toute évidence, il s'agit de ce qui existe à l'intérieur ou à l'extérieur de la peau, et non pas de l'« esprit ». Quand il déclare que le sujet de ses expériences, de quelque espèce qu'il soit, répond à des changements de l'environnement, il veut dire, en général, que lorsque, lui, l'expérimentaliste, applique au sujet certains stimuli dans certaines conditions, celui-ci réagit de telle sorte qu'il est certain que les stimuli ont eu un effet. Ces stimuli peuvent être visuels, et/ou auditifs, olfactifs, etc. Pour que l'organisme y réponde, il faut qu'il possède des récepteurs appropriés ou « organes sensitifs », yeux, oreilles, nez, etc. On a reconnu cependant, au fur et à mesure des expériences, que les réponses ne sont pas sous le contrôle exclusif de stimuli à l'extérieur de la peau, que l'expérimentateur peut manipuler avec une relative facilité, mais que, outre ces extérocepteurs, l'organisme possède des récepteurs supplémentaires à l'intérieur du corps. Les intérocepteurs, par exemple, semblent largement restreints au canal alimentaire ; les stimuli appropriés pour leur excitation étant le gonflement ou la flaccidité des viscères ; par exemple, les « tiraillements » de l'estomac qui annoncent la faim, une vessie pleine, etc.

Les propriocepteurs, situés dans les muscles, les articulations et les tendons, forment une autre classe de récepteurs intérieurs. À une époque plus « subjective », les psychologues qualifiaient leur fonctionnement de « kinesthésie » ou de « sensation musculaire ». Dans la littérature courante, le terme « proprioception » l'emporte maintenant comme étant plus « objectif ». Il est intéressant, dans ce sens, de noter le dérivé de « proprio » du latin proprius, signifiant « le sien propre ».

Puisque tout mouvement d'un organisme ou même une augmentation du tonus musculaire (tension) donne naissance à des stimuli propriocepteurs, pour les expérimentalistes, ce sont des stimuli « provoqués par des réponses ». Leur importance dans le contrôle du comportement de l'organisme est de plus en plus reconnue par les expérimentalistes dans la mesure où ils essaient de répondre du « comportement verbal » qui, pour eux, remplace largement ce que les anciens « subjectivistes » appelaient les « processus mentaux élevés », qui comprenaient la conscience elle-même.

Nous pourrions consteller ce chapitre de références bibliographiques pour montrer avec quelle rapidité on a avancé dans ce domaine, mais cela nous éloignerait par trop de notre sujet : définir l'aspect scientifique de la technique que nous allons présenter. Nous mentionnerons simplement, en passant, un « indice d'éveil » récemment inventé, qui établit le niveau minimal de fonctionnement des propriocepteurs situés dans les muscles pour que l'organisme soit à l'état d'éveil. Si l'organisme se détend au-dessous de ce minimum — c'est-à-dire s'il réduit encore plus son tonus musculaire —, la proprioception baisse en deçà du niveau critique et l'organisme est alors endormi. En attachant au front d'un individu des électrodes qui enregistrent le potentiel d'activité des muscles frontaux, il est parfaitement possible de mettre au point un signal, disons une forte sonnerie, qui fonctionnera lorsque le volume potentiel tombera au-dessous d'un point prédéterminé et réveillera l'individu endormi. C'est ainsi que, paradoxalement, il se réveillera en s'endormant. Pour le pilote, le routier ou toute personne obligée de rester éveillée, un pareil instrument peut à l'occasion lui sauver la vie.

Il faut noter que cette approche du comportement interne de l'organisme, aussi éclairante et utile qu'elle soit, met l'accent sur le contrôle extérieur de ce comportement. Tout se passe comme s'il fallait utiliser cette connaissance si difficilement acquise pour faire agir l'organisme de manière donnée, involontairement, même si, dans le cas de l'être humain, le contrôleur est une partie de l'individu lui-même.

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.


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