L'Institut d'Esalen.
Je viens de lire un livre que j’ai
trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la Gestalt-thérapie.
Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il
s’agit de « Ma
Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans »
de Fritz Perls.
Cet article est la suite de celui-ci.
Voici le résumé de ce livre.
Vive l'american
way of life, vive sa médiocre excitation et son complément, la violence !
Ou alors, faudra-t-il prescrire chaque matin, à chaque citoyen, une bonne dose
de tranquillisant ?
Je vis à l'Institut d'Esalen. Comme
d'habitude, je me suis couché tard et me suis réveillé tôt, et je regarde par
la fenêtre. Les falaises de Big Sur, les vagues agitées, le varech qui flotte
en grandes nattes brunes. L'année dernière, les pentes du terrain qui entoure
ma maison étaient presque dénudées. A présent, elles sont couvertes de toutes
sortes de buissons. Des fleurs s'y mêlent, ruisselantes de couleurs qui
attendent leur Corot ou leur Renoir.
La plage n'a pas de sable, elle est
faite de gros galets et de rochers qui attendent que les vagues jouent avec
eux. Et les voici, l'une après l'autre, rampant lentement, puis sautant et
dansant, s'embrassant et se mêlant, mourant dans la blancheur.
Un des rochers qui touchent la plage a
une signification historique. Elizabeth Taylor s'est assise là, pour un de ses
films. Je ne suis jamais descendu me prosterner devant ce rocher. Et l'on m'a
dit, mais je ne puis l'affirmer, que pour le tournage de cette scène on avait
recouvert de caoutchouc-mousse et repeint le rocher pour le rendre plus
photogénique ou confortable, ou en guise de protection contre le froid. Le cul
d'une star, après tout, est un accessoire probablement assuré pour une somme
fabuleuse !
Les loutres de mer qui jouent là ne
semblent pas apprécier le caractère sacro-saint de ce rocher. Ma maison est
perchée sur la falaise, à cent mètres au-dessus des célèbres sources
sulfureuses auxquelles nous devons notre adresse. Il y en a entre vingt et
trente. Leur température est de cinquante-cinq degrés. L'odeur de soufre n'est
pas déplaisante, l'eau est très très douce. Les bains donnent sur la mer et, la
nuit, sur un ciel piqueté de diamants. Souvent il y a du brouillard, et la
pluie est violente en hiver. Cependant, il ne gèle jamais et les journées
vraiment très chaudes sont rares.
Ce documentaire touristique ne vous dit
rien du rôle joué par les bains. Il y a des deux côtés baignoires et bassins.
Parfois, plus de seize personnes se tassent dans un bassin. Vous vous lavez et
faites votre shampooing dans les baignoires, c'est très mal vu de faire ça dans
les bassins. A certains moments les sexes sont séparés, à d'autres, non,
habituellement après les séminaires du soir. Les groupes de rencontre s'y
réunissent parfois dans l'après-midi, et les familles du personnel le soir
avant le dîner.
Je recommande ces bains en commun à mes
groupes non professionnels, mais les exige pour les professionnels,
psychiatres, psychologues, ministres du culte, etc. Nombre d'entre eux arrivent
constipés, n'ayant d'autre soutien personnel que leur rôle professionnel,
effrayés de descendre jusqu'à nous, pauvres mortels, souvent peu désireux de
souscrire aux beautés de la découverte de Whittaker au sujet de « la part du
malade chez le thérapeute » (trop peu de thérapeutes sont disposés à admettre
le statut de patient, encore moins d'y être élevés). Ils sont toujours — je ne
pense pas avoir vu plus d'une ou deux exceptions — déçus par l'absence de
délicatesse excessive et de câlinerie, et stupéfaits que la nudité ne produise
pas d'aussi vives émotions qu'ils s'y attendaient. On peut tout voir, des corps
qui se laissent flotter, détendus, aux étreintes ardentes, du chant en commun à
des resucées de discussion sur la séance de séminaire. Parfois ils s'ennuient
et sont gênés et tombent au niveau de la plaisanterie vulgaire. Ils se touchent
essentiellement sous la forme de massages. Les relations sexuelles sont rares,
ainsi que la violence.
Il y eut une fois une vraie garce qui
monta deux hommes l'un contre l'autre. L'un, qui avait apparemment besoin de
plastronner, parlait d'une façon extravagante, le regard plein d'une folie meurtrière.
Quand il arriva près de moi dans le bassin, je me levai et, en dépit de mon
âge, lui donnai un grand coup de poing
dans le nez. A mon étonnement, il
s'effondra sans offrir la moindre résistance et se mit à pleurer.
J'ai rarement peur. Un bon psychiatre
doit risquer sa vie et sa réputation s'il veut parvenir à quelque chose
d'authentique. Il doit prendre position. Les compromis et la serviabilité ne
servent à rien. Une femme, qui se révéla une thérapeute de premier ordre, finit
par exploser de rage en travaillant avec moi. Elle brandit au-dessus de ma tête
une énorme chaise, prête à m'assommer. Je lui dis calmement : « Allez-y, j'ai
vécu ma vie », et elle se réveilla de ses transes.
Voilà. C’est tout pour le moment comme
dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième
siècle. Amitiés à tous.
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