Le Zen.
Je viens de lire un livre que j’ai
trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la
Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de
ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une
poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls.
Cet article est la suite de celui-ci.
Voici le résumé de ce livre.
Un médecin japonais avait inventé une
méthode pour soigner les névroses. Trois jours au lit. Le patient n'est
autorisé à se lever que pour aller aux toilettes. Si j'essayais ! Quand ce
serait pour ne pas fumer pendant ce temps-là ! Un jeune docteur qui ne parle
pas anglais. Un assistant, qui n'est pas médecin, s'occupe de tous les
préparatifs. Je demande un interprète. Oui, mais je dois le payer en
supplément.
J'ai une bonne chambre pour moi tout
seul. Je suis peut-être le premier Européen. Les autres patients me regardent
comme une bête curieuse. La femme du médecin apporte la nourriture, me sert à
genoux. L'après-midi du deuxième jour, je passe devant le cabinet du médecin.
Il est assis, rigide, revêtu d'un costume superbe. Comme s'il attendait ma
visite depuis le matin. Je ne connais pas les coutumes, et mon interprète ne
sait que très très peu d'anglais.
Au bout de deux jours, je n'en peux
plus, je pique une colère et sors acheter des cigarettes. Je reçois la note.
Deux heures d'interprète coûtent trois fois le prix de trois jours de clinique.
Je ne me sens pas guéri.
Un psychologue japonais que j'avais
connu aux États-Unis me conseilla un maître du Zen, Roshi Thiguru. Le Zen
instantané — le satori — en une
semaine. Je ne plaisante pas ! M., un autre psychologue américain, et moi
sommes ses premiers élèves occidentaux. Avec huit jeunes gens japonais, nous
formons la classe. C'est un événement. La presse et les photographes sont
convoqués. J'ai encore les coupures de presse.
M. et moi avons une grande chambre à
nous, où nous devons installer nos matelas pour la nuit, parce que dans la
journée chacun de nous a quelques minutes d'audience privée avec le maître.
Pendant cette audience, il faut rester couché de tout son long à plat ventre
devant lui. Il me pose quelques questions banales et me voilà libéré pour la
journée. C'est un petit homme pompeux, à la voix aiguë, qui se prend très au
sérieux.
Nous nous levons à 5 heures du matin et
sommes censés rester « assis » dans la fameuse position du lotus, les jambes
tordues comme on sait, pratiquement toute la journée. Les deux « outsiders »
que nous sommes reçoivent bientôt la permission d'avoir des chaises. Au bout de
deux jours, le maître présenta sa spécialité. « Expirez en faisant le bruit
d'un aboiement. Faites-le un certain temps. » Quelle différence y a-t-il entre
« quelques minutes » et « plusieurs heures » ?
La nourriture est étonnamment bonne. La
femme du maître se met en quatre pour ajouter des plats européens aux plats
japonais. A la fin de chaque repas, nous buvons du thé dans le bol préalablement
nettoyé jusqu'au dernier grain de riz à l'aide d'une lamelle de légume.
Je crois que la race japonaise s'est
adaptée à la rareté de la nourriture en rapetissant, et peut ainsi se
satisfaire d'un régime pauvre en calories. Quand je me promenais dans la foule,
je me faisais l'effet d'un géant, bien que je ne mesure que 1 m 70.
En tout cas, je ne mourrais pas de faim,
encore que de temps en temps je sois sorti en douce grignoter un peu de
chocolat et fumer une cigarette.
Je ne crois pas qu'aucun de nous ait
atteint l'illumination ou satori mais
l'expérience était intéressante. J'eus un choc quand vint le moment de régler.
Le prix était de dix dollars, chambre, nourriture et enseignement compris, pour
une semaine. Je ne pouvais l'accepter, et offris trente dollars au maître, qui
les accepta gracieusement et me fit une peinture au pinceau sur laquelle sa
femme rajouta un dessin douceâtre représentant quelques fleurs.
Je fis une belle bourde. Le matin du
troisième jour, on m'avait dit que l'eau était prête pour le bain. Il y avait
là un grand baquet de bois d'un mètre de haut sur soixante centimètres de
diamètre, plein d'eau bien chaude. Je ne savais trop comment m'y plonger mais
réussis à grimper dedans et commençai à me savonner. J'utilisai la grande
louche qui était suspendue à côté du baquet pour m'arroser la tête. Tout cela
était inconfortable mais mieux que rien.
Puis j'entendis parler de mon crime.
L'eau était chauffée au prix de gros efforts et était propriété commune. La
louche servait à puiser l'eau dont on avait besoin au fur et à mesure pour se
laver. J'avais gâché le bain de toute la classe. Je fis des excuses tardives.
Nous sommes trop gâtés et tenons pour acquis ce qui pour d'autres gens est un
luxe durement gagné.
Je sais ce qu'est une expérience de satori, bien que je ne sois jamais
arrivé au stade de l'illumination totale, si tant est qu'une telle chose
existe. Siddhartha n'est après tout
qu'un produit de l'imagination sincère d’Hermann Hesse.
Voilà. C’est tout pour le moment comme
dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième
siècle. Amitiés à tous.
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