Cet article est inspiré du livre « Savoir aimer en des temps difficiles, les trois combats » de Charles Rojzman et Nicole
Rothenbühler. Il est la suite de celui-ci.
L'autonomie et une relation
apaisée avec toutes les figures d'autorité restent pour bon nombre d'entre nous
un objectif lointain et difficilement accessible.
Au moment où l'enfant dans son développement commence à penser
par lui-même, il commence à voir le monde à travers ses yeux à lui ; il
commence à exprimer le monde avec ses mots, à travers sa perception. Il est en
train d'explorer sa pensée propre. Il est un enfant. Sa pensée n'est pas
parfaite, mais elle se cherche. Elle est un mélange d'intuition, de manque de
connaissance, de tâtonnement, de paranoïa et de raisonnement logique. En plus
de cela, il a des illusions. Il ne voit pas le monde à travers sa raison
critique. Il expérimente sa vision du monde et de la réalité.
La manière dont on va réagir à ses peurs et à ses fantasmes
d'enfant, à ses réflexions logiques, va être décisive.
Tout en respectant sa poésie, sa
manière de voir le monde avec des illusions, ses parents et son entourage vont
petit à petit l'aider à avoir une meilleure perception de la réalité, lui
apprendre à accepter les limites du réel (par exemple, le fait que le père Noël
n'existe pas). Le rôle de la frustration est fondamental pour l'autonomie et la
découverte de la réalité.
Quand l'enfant essaie
d'échafauder sa connaissance, il tente de raisonner. S'il ne peut le faire en
ayant droit à l'erreur, si on ne l'aide pas à trier le juste du faux, si on ne
l'aide pas à faire la part des choses entre l'approximatif et le correct,
c'est-à-dire à se diriger à l'intérieur de lui et dans toute la complexité que
constitue une pensée, il va développer des peurs : peur d'être humilié,
abandonné, culpabilisé. Il va ensuite, soit être soumis à la pensée des autres
sans la remettre en question avec sa pensée propre, soit être constamment en
rébellion avec la pensée des autres, en réaction au fait que sa pensée n'a pas
été entendue.
L'autonomie est un état qui vient à la suite d'un processus
où l'enfant construit au fur et à mesure sa pensée propre.
Qu'est-ce qui l'empêche de
réaliser ce processus favorable ? Qu'est-ce qui l'amène à ne pas être conscient
du filtre qui trouble sa vision de la réalité ?
Qu'est-ce qui crée en lui une
insécurité si profonde qu'elle l'empêche d'accepter la complexité, qu'elle
suscite en lui un désir de contrôle ou le fait qu'il ne peut plus remettre en
question ses certitudes ?
Lorsque l'enfant veut se
distancier, se détacher des certitudes et des croyances de sa famille, de son
milieu, et qu'il veut construire sa propre vision de la réalité, on lui fait
sentir que sa recherche de la vérité représente une trahison des siens. Ainsi,
il se trouve devant ce choix douloureux d'appartenir et de se soumettre, donc
de renoncer à sa propre vision du monde ou de se rebeller et d'adopter les
positions contraires à sa famille.
Ainsi, il ne saura plus quoi penser de la réalité, perdu
entre la rébellion et la soumission. Dorénavant, c'est surtout avec ses
émotions qu'il verra le monde.
C'est l'amour qu'il voudra conserver, ou au contraire
rejeter, qui dictera ses prises de position, qu'il cherchera ensuite à
rationaliser pour qu'elles aient un semblant de cohérence et d'objectivité.
Qu'engendre l'autonomie blessée ?
Le doute permanent qu'on ne peut pas survivre sans l'assistance de quelqu'un de
plus fort que soi. Dans un groupe, ils espèrent recevoir de nous l'assurance
que tout se passera bien, sans heurts et sans anicroches. Leur manque
d'autonomie se traduit par une soumission à l'autorité. Tant que tout se passe
bien.
À condition que tout se passe
bien. En fait, ils ne s'intéressent pas vraiment aux autres. Seul compte le
cadre sécurisant, et ce cadre doit être donné par l'autorité : l'heure de début
et de fin du travail en groupe, le respect des règles, la place exacte et
équivalente donnée au temps de parole de chacun, l'assurance qu'il n'y aura pas
de violence, que des règles permettront d'assurer la vie harmonieuse du groupe,
qu'il n'y aura pas de dérapages verbaux, pas d'insultes.
Leur objectif, c'est le cadre.
Leur rêve, c'est que tous se conforment et restent uniformes.
Nécessairement, ce cadre est
détenu et assuré par l'autorité qui en est entièrement responsable. La blessure
de l'autonomie ? Oui, ils ne peuvent exister sans ce cadre qui les définit, eux
et les autres, et ils pensent d'ailleurs qu'ils n'ont aucun pouvoir pour
changer ce cadre.
Mais quand l'autorité est
défaillante, montre ses limites, fait des erreurs, alors ils seront en colère,
ils vont se rebeller, s'insurger, et déclarer avec force et agressivité que
l'autorité n'est pas compétente. Pour eux, c'est comme la sortie brutale du
Paradis, de ce rêve où ils sont pris en charge, où ils se sentent bien, même
s'il n'y a pas de vie réelle. Ce qu'ils désirent, c'est la sécurité.
Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.
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