Un des livres-interprétations du Sutra du cœur par Gueshe Kelsang Gyatso, maître bouddhiste tibétain qui enseigne actuellement en Angleterre
Arrivé à ce point du blog et de mes articles sur le bouddhisme, je me
suis dit qu’il fallait effectuer une pause et relire ce que j’avais écrit (soyez
rassurés, je continuerai par la suite sur le bouddhisme tibétain). J’ai décidé
de retranscrire simplement pour l’instant l’un des sutras que je trouve parmi
les plus beaux et les plus instructifs, le Sutra du cœur. En voici la deuxième partie que j‘ai arbitrairement séparée du
reste du sutra :
« Il n’y a pas non plus de douleur, ni cause de la douleur,
Ni cessation de la douleur,
Ni noble chemin menant hors de la douleur ;
Ni même sagesse à atteindre !
L’atteinte aussi est vacuité.
Sachez donc que le bodhisattva
Ne s’attachant à rien qui soit,
Mais demeurant dans la sagesse prajna,
Est libéré d’obstacles illusoires,
Débarrassé de la peur nourrie par ceux-ci,
Et atteint l’éclatant nirvana.
Tous les bouddhas du passé et du présent,
Les bouddhas du temps futur,
Utilisant cette sagesse prajna,
Arrivent à une vision complète et parfaite.
Sachez donc que la Prajnaparamita est le grand dharani,
Le radieux mantra, sans égal,
Dont les mots apaisent toute souffrance ;
Écoutez et croyez en sa vérité !
Gate gate paragate parasamgate boddhi svaha
Gate paragate parasamgate bodhi svaha
Gate paragate parasamgate boddhi svaha. »
Explications : Avant-dernier paragraphe ; la Prajnaparamita signifie en sanskrit
« La réalisation de la
sagesse ». Je rappelle que, comme je l’ai écrit dans l’article
précédent, le Sutra du cœur
appartient à un recueil de sutras intitulé le Prajnaparamita sutra. La conception bouddhiste de la sagesse, prajna, est très différente de la
nôtre. C’est une sagesse intuitive et immédiate et non une sagesse abstraite et
soumise à l’intellect. L’instant décisif dans celle-ci est celui de la
compréhension et de la prise de conscience de la Vacuité (Shunyata), qui est la
vraie nature du monde. Prajna est aussi l’une des six perfections (Paramitas)
réalisées par les bodhisattvas au cours de leur cheminement.
Dans le même paragraphe ; un dharani
désigne un bref sutra contenant des formules « magiques » et constitué de syllabes au contenu
symbolique (ici : « Gate gate paragate parasamgate bodhi svaha »). Dharani est aussi le féminin de dharana, qui
est l'art de la mnémotechnique. En ce sens, c’est une formule mémorielle par laquelle
on peut retenir de longs textes, tout simplement un moyen mnémotechnique (dont j’ai beaucoup parlé
au début de ce blog). Dans une culture essentiellement orale, on devine
aisément l'importance des techniques de mémoire artificielle. Ainsi, Ananda, l’intendant personnel et le cousin de Bouddha Sakyamuni,
était doué d'une grande érudition et d'une excellente mémoire, mais aussi
utilisait des formules mnémotechniques. Il put ainsi participer à
l'établissement du premier canon bouddhique, en récitant par cœur tous les discours qu'il avait entendu
le bouddha prononcer.
C'est vraisemblablement à partir de
cette acception mnémotechnique que s'est opéré un glissement de sens vers la
magie. Celle-ci, en parvenant à condenser l'essentiel d'une instruction ou d'un
enseignement, semble douée d'une efficacité mystérieuse aisément réorientée
vers le surnaturel. Quoi qu'il en soit, dharani en vint à signifier « formule
magique ».
Je vous donne la traduction de ce dharani-mantra mais il dépasse totalement son sens littéral : « Aller, aller, aller au-delà, au-delà du par delà, que l'éveil soit réalisé ! »
Voilà. Vous avez pu lire la fin du sutra du cœur, un texte que je
trouve très parlant, très évocateur. La prochaine fois, je reprendrai mes articles sur l'ésotérisme du bouddhisme tibétain avec la pratique du premier des six yogas secrets de Naropa, Tumo.
La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du
dix-neuvième siècle ou les séries télévisées américaines actuelles.
Amitiés à tous.
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