"Emprise", le spectacle de Viktor Vincent
Lorsqu’on
me demande quel est mon écrivain préféré, je refuse de répondre parce que les
auteurs, pour moi, sont tous différents. Il en est de même pour les mentalistes
de talent : selon moi, ils ont tous leur personnalité et leurs spectacles
ne se ressemblent pas. Pourtant, si l’on insiste et que l’on me repose la
question, bien qu’ayant chroniqué des performers remarquables comme Xavier Nicolas, Pourang, Fabien Olicard et Jean-Michel Lupin, je dois dire que le
spectacle que je préfère est celui de Viktor Vincent,
« Emprise » : c’est subtil, c’est extraordinaire, c’est drôle et
intrigant, cela dépasse de beaucoup les limites du mentalisme
traditionnel ! Beaucoup de gens comparent Viktor Vincent à Derren Brown ou
à Banachek, mais il est Viktor Vincent, qui est simplement unique par son
professionnalisme et son charisme.
Quand
les spectateurs s’installent dans la salle du théâtre « Gaité
Montparnasse », un écran géant
diffuse un message à leur attention : « Pensez à un dessin et ne le dites à personne. Des papiers vont
vous être distribués. Effectuez votre dessin sous une forme simplifiée. Si vous
souhaitez participer, levez la main et vous pourrez le mettre dans une urne qui
passera parmi vous. »
A peu près,
une vingtaine de dessins sont collectés et disposés dans un saladier
transparent posé sur un guéridon sur scène. Une cage y est suspendue avec une
enveloppe dedans et on la fait progressivement remonter à plusieurs mètres du
sol.
Un film bref
est diffusé sur les pratiques des médiums au dix-neuvième siècle, sur les
séances d’occultisme qu’ils organisaient et l’« emprise » qu’ils
avaient sur les gens du monde. Viktor Vincent nous propose de reconstituer une
de celles-ci.
Il choisit
une spectatrice de manière aléatoire dans la salle et la fait asseoir sur un
petit carton où sont inscrits quatre nombres de cinq chiffres. Il est proposé à
la jeune femme d’effectuer mentalement, en développant une aptitude dormante en
elle-même, l’addition de ces cinq nombres. Elle propose, semble-t-il au hasard,
en état d’hypnose, un nombre de six chiffres qui s’avère être le total des
quatre nombres écrits sur le carton. Avant de
repartir dans la salle, la spectatrice choisit librement une enveloppe parmi
six numérotées, qu’elle gardera sur elle jusqu’à la fin du spectacle (comme
toutes les personnes suivantes qui monteront sur scène).
Le
mentaliste invite un autre spectateur au hasard et lui fait prendre un dessin
dans le saladier transparent. Le spectateur ferme les yeux pour se concentrer
sur celui-ci et Viktor Vincent dessine exactement la figure à laquelle il a pensé.
Le spectateur repart avec une enveloppe numérotée, qu’il choisit en toute
liberté, et la met dans sa poche. Le mentaliste devine ensuite quelles sont les
deux personnes dans la salle qui ont effectué deux dessins choisis par lui dans
le bol.
Mais à
présent, c’est le début de la séance d’occultisme menée par Viktor Vincent.
Après avoir demandé à toutes les femmes de la salle de se lever, il en choisit
une en vue de troublantes expériences.
Dans une très
belle mise en scène qui projette les deux ombres du mentaliste et de la
spectatrice sur l’écran du fond, Viktor Vincent réalise une remarquable
démonstration de touches à distance. Alors qu’il est à 2 mètres d’elle, la
spectatrice répond que le mentaliste l’a effleurée à plusieurs reprises.
Mais une
planchette Ouija, utilisée par
les spirites, a été installée sur scène. Sur cette planchette sont écrits les
26 lettres de l’alphabet, les dix chiffres et les mots « oui » et
« non ». Viktor Vincent confie à la spectatrice une clochette spirite qui tinte quand
elle reçoit une fréquence déterminée. Le mentaliste demande à la médium de se
concentrer sur une personne chère. Ensuite, il passe une craie sur les lettres
de la planchette et s’arrête à chaque tintement de la clochette. Viktor Vincent
écrit ainsi une succession de lettres dans le désordre sur le tableau de la
planchette qui, une fois remises dans le bon ordre, forment un prénom, celui pensé
par la spectatrice. Elle prend elle aussi une enveloppe dans celles qui
restent.
Viktor Vincent
choisit alors de manière aléatoire un couple de spectateurs. Ils serviront de
médiums pour la prochaine expérience avec un globe de mariés du dix-neuvième siècle.
A l’intérieur de celui-ci se trouve un coffret qui renferme une prédiction. Pour
l’anecdote, ce globe où étaient déposés plusieurs objets, couronne de mariés,
cadeaux, etc., était traditionnellement offert aux deux futurs époux. Deux
ardoises sont alors données au couple de spectateurs. Au son d’une clochette,
ils devront écrire sur leurs ardoises chacun deux lettres qui leur viendront à
l’esprit. Le globe de mariés est ensuite soulevé, un spectateur ouvre le
coffret renfermant la prédiction et y trouve un papier à l’intérieur d’un cylindre
: il y est écrit quatre lettres identiques à celles qui étaient venues à
l’esprit du jeune couple. Les deux spectateurs
repartent avec une enveloppe qu’ils choisissent librement.
C’est
maintenant la démonstration finale, là où tout le spectacle converge. Des
dizaines de livres sont apportés sur la scène. Une spectatrice
opère un choix en désignant une pile de livres parmi les cinq piles, un livre
de cette pile parmi les dix, une page de ce livre et finalement un mot dans
cette page, ce qui sera le mot final. La cage avec
l’enveloppe du début du spectacle est descendue sur la scène. Le papier à l’intérieur
de l’enveloppe révèle le nom de l’auteur du livre, le titre du livre choisi, ainsi
que la page et le mot désignés.
Les cinq
personnes qui ont participé au spectacle et choisi une enveloppe numérotée
reviennent sur scène dans leur ordre d’apparition. Le mentaliste annonce que
dans l’une des enveloppes se trouve un billet de cent euros. Chacun ouvre la
sienne et ne trouve qu’un papier avec une lettre marquée dessus. Le billet est
dans l’enveloppe qui est revenue in fine à Viktor Vincent. De plus, coïncidence
hallucinante, les cinq derniers chiffres du numéro de série du billet
correspondent à l’ordre des chiffres des enveloppes que détiennent les cinq spectateurs
sur scène. Les lettres écrites sur les papiers sortis des enveloppes forment un
mot de six lettres, celui qui a été choisi dans le livre.
Ces nombreuses
révélations finales créent un incroyable climax qui défie l’entendement des
spectateurs. Bravo à Viktor Vincent de nous avoir peu à peu plongé, sans que
nous y prenions garde, dans son monde de rêve !
Voilà. C'est tout pour aujourd'hui. La suite au prochain numéro comme dans les romans feuilletions du dix-neuvième siècle ou les séries télévisées américaines actuelles.
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