Un nouveau livre traduit en français sur l'art du pickpocket.
Pour tout ce qui concerne les
rapports d’Alexandre Dumas avec la prestidigitation, l'hypnose, le magnétisme et la
voyance, qu’on pourrait rassembler sous le même nom de
« mentalisme », je vous renvoie à l’excellent article de Fanch
Guillemin dans la Revue de la Prestidigitation
n° 613 (mai 2016) : « Alexandre Dumas et la magie ».
En 1865, Alexandre Dumas se rend
en Italie accompagné d’Alphonse Esquiros (1812-1876), auteur du livre Le magicien (1837) et d’Adolphe
Desbarolles, un grand spécialiste de chiromancie, la lecture des lignes de la
main (pour voir un résumé de ses livres et de ses théories, téléchargez cet
ouvrage sur Gallica).
Ils y rencontrent un des plus
grands prestidigitateurs italiens de l’époque, Manicardi, aujourd’hui
injustement oublié (voir à ce sujet sur le site Virtual Magie
l’article « La magie des années soixante est passée » de Gérard
Kunian).
Il est cité comme un grand
magicien dans le livre du fameux prestidigitateur Robert-Houdin, paru en 1868, Confidences et révélations, Comment on devient sorcier : « En province, ce sont
Adrien fils, Alberti, Anguinais (Mlle), Bosco fils, Conus fils, Girrood,
Lassaigne, Manicardi et plusieurs autres encore dont les noms m’échappent. »
Manicardi eut à partir de 1865 un
spectacle à Paris, d’abord rue Coquillière, puis au 10, boulevard Montmartre.
Mais ce qui intéresse
Alexandre Dumas, c’est sa maîtrise
parfaite dans l’art des pickpockets. Voici un extrait de sa conférence sur l’Italie
et Manicardi :
« Il faut que je vous
raconte comment je fis la connaissance du célèbre Manicardi, et vous allez
voir si nos prestidigitateurs italiens valent
en habileté nos prestidigitateurs français. Nous logions dans un petit glacier
de la Via Fernando à Naples, attendant l’entrée triomphale de mon illustre ami
Giuseppe Garibaldi et de ses chemises rouges, prévue pour le lendemain…
Non loin de notre table, vint s’asseoir
un petit monsieur grêle et sec qui sembla prendre intérêt à notre conversation.
Il avait beaucoup remué, beaucoup tourné et s’était levé à différentes
reprises.
Soudain, Esquiros voulut se
moucher. Il chercha son mouchoir mais l’avait oublié. Desbarolles voulut
prendre une prise. Il chercha en vain sa tabatière… Je voulus regarder l’heure ;
et bien que j’eusse conscience d’avoir apporté ma montre, je ne la trouvai
point non plus ! Nous nous fouillâmes tous : nos porte-monnaie
avaient aussi disparu ! Évidemment, un voleur était passé et qui devait se
trouver dans le café, car personne n’était sorti depuis notre entrée. Nos
soupçons se portèrent sur ce monsieur aux allures suspectes. J’interrogeai le
glacier : lui non plus ne le connaissait pas.
Deux agents passaient : il
leur fit signe d’entrer. Deux minutes après, ils sommaient notre homme de se
fouiller. Celui-ci se défendit énergiquement : il gesticulait, parlait
anglais quand on lui causait italien, allemand quand on l’interrogeait en
français, si bien que les agents, de plus en plus convaincus, le menacèrent d’user
de violence. Il se décida enfin, tout en maugréant, à se laisser faire. Mais
cette fouille n’eut aucun résultat ; on ne trouva sur lui rien d’insolite…
Les agents italiens, plus polis que les agents français, lui firent des
excuses. « Je ne demanderai qu’une seule chose comme réparation, nous
dit-il en bon français. J’ai subi un fait outrageant : je demande qu’on le
fasse subir à quelqu’un que je soupçonne fort. Alors, veuillez prier messieurs
les agents de se fouiller eux-mêmes. »
Les agents, croyant à une
mauvaise plaisanterie, semblaient prêts de se fâcher. Quant à nous, nous avions
été pris d’un fou rire à cette idée baroque. Mais l’inconnu plongea vivement la
main dans la poche de l’un, et en tira deux montres et trois mouchoirs. L’hilarité
était à son comble, sauf pour les policiers sur qui on retrouva tous les objets
volés, dans les poches ou les bottes. Et l’homme crut devoir alors s’expliquer :
« Messieurs, dit-il, je suis prestidigitateur et peut-être aussi un
sorcier quoique je ne sente pas le roussi. Cette petite séance a été donnée au
profit de monsieur Dumas. Je pars demain pour Paris : voudra-t-il me
confier quelques lettres pour ses amis ? Je m’appelle Manicardi. »
L’aventure était plaisante. Les
agents, qui n’avaient rien de mieux à faire, restèrent avec nous, et nous passâmes
une partie de la nuit à célébrer le talent du célèbre Manicardi… »
Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. Amitiés à
tous.
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