Albert le Grand.
Voici l'histoire de la mnémotechnie (qu'on appelait alors "Art de la mémoire") au Moyen Age.
1) Marcianus Capella
et le De nuptiis Philologiae et Mercurii.
Pendant la terrible période de
catastrophe que fut la première moitié du Vème siècle (le sac de Rome par Alaric
en 410, la mort de saint Augustin pendant le siège d’Hippone par les Vandales
en 430…), le Carthaginois Marcianus Capella écrivit son De nuptiis Philologiae et Mercurii, ouvrage qui préserva, pour le
Moyen Âge, le schéma du système pédagogique de l’Antiquité, fondé sur les sept
arts libéraux (grammaire, rhétorique, dialectique, arithmétique, géométrie,
musique, astronomie). Au cours de l’exposé qu’il fait des parties de la
rhétorique, Marcianus donne, dans le chapitre consacré à la mémoire, une brève
description de la mémoire artificielle. On lisait La Rhétorique à Hérennius dans les cercles de rhétorique d’Afrique
du Nord : Marcianus, saint Augustin, saint Jérôme le connaissaient donc
parfaitement.
Cependant, Marcianus semble
recommander surtout Quintilien et sa méthode pour mémoriser : visualiser la
tablette, ou la page du manuscrit, sur laquelle est écrite la matière à retenir
— cette matière doit être divisée en parties clairement définies et
accompagnées de signes distinctifs, ou notae, pour renvoyer à des points
particuliers —, et la confier à la mémoire en murmurant doucement.
2) Albert le Grand et
Saint Thomas d’Aquin.
Albert le Grand et saint Thomas
d’Aquin lurent le De l’invention oratoire
de Cicéron et accordèrent toute leur attention aux définitions qu’il donne des
quatre vertus cardinales et de leurs parties : la prudence, la tempérance,
la force et la justice. C’est pourquoi
leurs traités scolastiques sur l’Art de la mémoire ne font pas partie d’un
ouvrage sur la rhétorique, comme c’était le cas dans l’Antiquité, mais se sont
déplacés de la rhétorique à l’éthique. Albert le Grand et saint Thomas d’Aquin
traiteront de la mémoire comme d’une partie de la Prudence. Cette vertu nous apprend quatre choses : le
souvenir du passé, la disposition du présent, la prévoyance de l’avenir, et la
discrétion dans les choses douteuses.
L’éducation de la mémoire, conçue comme activité vertueuse et recommandée par Albert le Grand et son élève saint Thomas, dans sa Somme théologique, va connaître un développement extraordinaire. Ils ont considéré comme acquis que « la mémoire artificielle » concernait le souvenir du Paradis et de l’Enfer, ainsi que les vertus et les vices conçus comme « signes mnémoniques », qui doivent nous aider à gagner le Ciel et éviter l’Enfer.
Albert le Grand et saint Thomas
d’Aquin feront également l’examen des préceptes de la mémoire artificielle en
utilisant les termes de la psychologie aristotélicienne exposée dans son traité
De la mémoire et de la réminiscence.
En général, la rhétorique était plutôt rabaissée par la scolastique mais cette
partie de la rhétorique qu’est la mémoire artificielle quitte sa place à
l’intérieur du système des arts libéraux pour devenir une partie
d’une vertu cardinale, la Prudence.
Voilà. C'est tout pour le moment. Amitiés à tous.
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