Je viens de lire un livre que
j’ai trouvé à la fois formidablement bien écrit, original et passionnant. Je
voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit
de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls.
Voici le résumé de l’ouvrage.
Autre obstacle : les 200 livres
exigées pour l'immigration. Mais, par miracle, la chose s'arrangea. Bientôt
nous reçûmes un prêt qui couvrit le montant de la garantie et du voyage.
Le dernier obstacle était celui
de la langue. A part le latin, le grec et le français, j'avais étudié un peu
d'anglais en classe. Mais, si j'aimais le français et le possédais à fond,
jamais je n'avais éprouvé de sympathie pour la langue anglaise. Maintenant il
fallait l'apprendre, et vite. J'ai utilisé une approche multiple : pendant les
trois semaines de voyage sur le Balmoral Castle j'ai lu toutes les histoires
faciles et amusantes qui me tombaient sous la main, comme des romans policiers.
Je lisais sans m'inquiéter des détails, devinant par le contexte ce qui se
passait. J'étudiais aussi la grammaire et le vocabulaire à l'aide de la méthode
Langenscheidt.
J'ai aussi surmonté ma timidité
en engageant la conversation avec l'équipage et les passagers. Plus tard,
j'allai au cinéma, restant voir le même film plusieurs fois de suite. Je n'ai
jamais perdu mon accent allemand, ce qui m'a longtemps gêné, mais je n'ai
jamais pris de leçons de diction. Plus tard, aux Etats-Unis, j'ai été souvent
dérouté par la différence entre l'accent américain et l'accent britannique.
Comme on voit affiché dans certains magasins parisiens : « On parle anglais, on
comprend l'américain. »
Nous avons été très bien reçus.
Je me suis fait une clientèle et j'ai créé l'Institut sud-africain de
psychanalyse. En l'espace d'un an, nous sommes devenus propriétaires d'une
maison de style « Bauhaus », dans un quartier chic, avec un court de tennis et
une piscine, et avons engagé une nurse (nous avions un deuxième enfant), une
gouvernante et deux domestiques indigènes.
Les années suivantes, j'ai pu me
consacrer à mes violons d'Ingres : tennis et ping-pong. J'obtins mon permis de
pilotage. Mes amis aimaient voler avec moi, bien que Lore n'ait jamais eu
confiance. Mon plus grand plaisir était d'être seul dans l'avion, de couper le
moteur et de me laisser redescendre en vol plané dans ce silence et cette
solitude magnifiques.
Nous avions aussi une très grande
patinoire. Comme j'aimais danser sur la glace ! Les larges courbes, la grâce et
l'équilibre de ce sport ne peuvent se comparer à rien d'autre. J'ai même gagné
une médaille dans un concours.
Des randonnées jusqu'à la mer, la
nage dans les vagues chaudes de l'océan Indien, tant et tant d'animaux sauvages
à observer, tourner des films d'une envergure modeste, mettre en scène des
pièces de théâtre (j'avais étudié avec Max Reinhardt) et faire donner le
meilleur d'eux-mêmes à des amateurs, rendre visite à des sorciers guérisseurs,
faire quelques inventions, apprendre l'alto, réunir une importante collection
de timbres-poste, vivre quelques
aventures amoureuses satisfaisantes, d'autres
moins, créer quelques amitiés chaleureuses et durables, quelle différence
avec notre vie précédente ! J'avais toujours réussi à gagner de quoi vivre,
toujours eu maintes occupations, mais rien de comparable avec cette explosion
d'activité, cette façon de gagner et de dépenser de l'argent. Lore me traitait de mélange de prophète et
de fainéant. Et je courais le risque de cesser d'être l'un et l'autre.
J'étais coincé par les tabous
rigides de la psychanalyse : les séances de cinquante minutes, pas de contact
physique, visuel et social, pas d'engagement personnel (contre-transfert !).
J'étais pris au piège de tous les ornements du citoyen honnête et respectable :
famille, maison, serviteurs, et toujours plus d'argent que je n'en avais
besoin. Pris dans la dichotomie du travail et du jeu ; lundi à vendredi
s'opposant au week-end. Je me suis tiré de là par ma fureur, par ma révolte
pour éviter de devenir un cadavre calculateur comme la plupart des analystes
que je connaissais.
La première rupture se produisit
en 1936, année de grandes espérances et de sombres désillusions. Je devais
faire une communication au Congrès international de psychanalyse qui se tenait
en Tchécoslovaquie. Je voulais faire mon petit effet, non seulement avec mon
topo, où Freud était dépassé, mais en faisant moi-même les 4 000 miles à
travers l'Afrique aux commandes d'un avion à moi, en solitaire : le premier
analyste volant. Je trouvai un avion d'occasion, un Gypsy Moth qui pouvait
voler à 160 à l'heure. Il coûtait 200 livres, mais quelqu'un me le souffla au
dernier moment. La chose était donc exclue et je dus partir en bateau.
Ma communication portait sur «
les résistances orales », toujours écrite dans le jargon freudien. Elle
rencontra une vive opposition. Le verdict : « Toutes les résistances sont
anales », me laissa pantois. Je voulais contribuer à la théorie
psychanalytique, mais je ne me rendais pas compte, à l'époque, à quel point ce
texte était révolutionnaire, ni combien il pouvait ébranler et même raser
certaines bases fondamentales de la théorie du Maître.
Voilà. C’est tout pour le moment.
Amitiés à tous.
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