mercredi 18 juillet 2018

Compte rendu du livre « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls (trente-septième partie).



  

Peinture.


Je viens de lire un livre que j’ai trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans »  de Fritz Perls.

Cet article est la suite de celui-ci.

Voici le résumé de ce livre.

Mes premiers souvenirs en fait de peinture remontent à une visite à la Galerie nationale de Berlin. Je devais avoir huit ans quand ma mère m'y mena. Je fus fasciné par les tableaux de femmes nues ; ma mère en était gênée et rougissante. Je pris les tableaux religieux pour ce qu'ils étaient : de la propagande pour Jésus-Christ. Certains tableaux me frappèrent par leur beauté, une grande Madone bleue de Raphaël avec de gentils angelots, et l'Homme au casque d'or de Rembrandt. A l'école, j'étais très fort en dessin. Même quand je faisais la grève pour toutes les autres matières, j'aimais bien le cours de dessin. Non, il y avait une autre exception, les mathématiques, qui me fascinaient si fort que je ne pouvais me résoudre à ne pas y assister.

En général, je ne faisais aucune préparation scolaire. J'étais déjà trop engagé dans ma tentative de devenir acteur. Je fus appelé un jour au tableau noir pour résoudre un problème difficile. Je l'examinai et m'en tirai, sur quoi le professeur commenta : « Ce n'est pas de cette manière-là que je vous l'ai expliqué hier. Vous aurez une bonne note en travail et une mauvaise en application. » Cela m'impressionna.

Dessiner, ce fut toujours copier des choses — les ombres, la perspective. Il en fut ainsi pendant longtemps. Je me faisais une pauvre idée de l'art, essentiellement dictée par la gloire du peintre. Il m'a fallu longtemps pour considérer Picasso comme ce qu'il était, un massacreur, Gauguin comme un producteur d'affiches et Rousseau comme un « chosificateur ». Quelques peintres grandirent dans mon estime : Klee, Van Gogh, Michel-Ange et Rembrandt. Pour Klee, j'éprouve une affection de plus en plus grande. Chez Van Gogh, ce qui me fascine et me renverse, c'est son déchaînement. Le plafond de la Sixtine est pour moi comme un parent bien-aimé que je chéris avec une loyauté indéfectible. Mais Rembrandt, pour moi, est, comme Goethe — un moi unifié —, un centre transcendant débordant d'une intense vitalité. Je me suis assis une fois plus d'une heure devant sa Ronde de nuit au Rijksmuseum d'Amsterdam.

J'ai parfois violemment envie d'un tableau et alors il faut que je l'achète. Bien sûr, cela n'est pas toujours possible. Le peintre risque d'être trop connu et je ne suis ni un homme riche ni un collectionneur de tableaux.

Évidemment, « si » j'avais été avide et malin, j'aurais pu acheter des tableaux avec les cinq cents dollars que j'avais gagnés à Bremerhaven, mais alors je n'aurais peut-être pas voulu m'en séparer et je me serais retrouvé dans un camp de concentration, où les tableaux auraient été brûlés comme art dégénéré. Ainsi nous voilà revenus à : « Si ma tante avait des roues, elle serait une automobile. »

Après mon arrivée aux États-Unis, je commençai à prendre la peinture plus au sérieux. La vie de plein air et les sports que je pratiquais en Afrique du Sud semblaient disparaître à New York, ville de pierre, de fièvre et de culture. Lore écrivait des poèmes et des nouvelles. Et elle avait son piano. Elle était bonne pianiste ; dans sa jeunesse, elle avait hésité entre l'étude du droit et, plus tard, de la psychologie et une carrière de soliste.

Je devins sur-le-champ un esclave professionnel de l'heure, à l'heure, à l'exception de mes longues vacances d'été à Province-town, au Cap Cod.

Nous y allions tous les étés et Lore y va encore. Pour moi, cet endroit est gâté depuis qu'on lui a ôté son innocence et offert la laideur en échange. A vrai dire, j'exagère.

La population estivale était composée de pêcheurs, d'artistes et de psychanalystes. Je m'adonnai bientôt activement à la voile et à la peinture. Comme en avion, je préférais naviguer seul. De même qu'en avion j'aimais le profond silence de l'air, lorsque, moteur coupé, on glisse vers la terre en vol plané.

Je n'ai jamais pu me faire à la pêche, je n'ai pêché que de petits poissons et un carrelet.

Je me donnai intensément à la peinture, c'en était presque une obsession. Bientôt je pris professeur sur professeur. A Ein Hod, en Israël, je fis de même.

J'aime bien l'atmosphère d'une classe, avec l'émulation jalouse des élèves et la fierté qu'ils retirent de leur production. J'aime cette plongée dans l'isolement qui accompagne la relation objet-peintre-toile. J'aime cette anticipation des groupes de rencontre, avec les critiques et les louanges mutuelles des « chefs-d’œuvre » de chacun. J'aime que la toile soit le seul lieu où l'on peut commettre impunément n'importe quel crime.

J'ai bien aimé presque tous mes professeurs avec leurs phrases stéréotypées : « Tout ce que je veux, c'est que vous vous exprimiez », mais qui cachent la deuxième partie de leur pensée : « Pour autant que vous le fassiez comme je le désire. »

Il n'y a que quelques années que je suis devenu vraiment peintre. J'avais appris un tas de trucs, techniques, composition, mélange de couleurs. Tout cela contribua simplement au renforcement du Fritz synthétique, de l'approche délibérée, calculatrice de la vie, ratiocinante et scrutative. Et c'est très rarement que j'ai pu réaliser quelque chose qui approche de la réalité du soi se projetant sur la toile.

Pour sûr, j'ai vendu quelques toiles. La plupart sont maintenant chez moi. Nombre d'entre elles soutiennent la comparaison avec celles du peintre américain moyen qui, voulant être différent de ses confrères, ne révèle que la même ennuyeuse identité du besoin d'être différent, d'avoir son propre truc, qu'il nomme son style.

Et puis, il y a quelques années, « cela » a marché avec certaines aquarelles. Un jour, mañana, je me remettrai à peindre.

D'une certaine façon, je compare la peinture avec mon écriture actuelle ; soudain, après des décennies, c'était ça. Dans les deux cas, écrire et peindre, je sais que j'ai dépassé le statut d'amateur et progressé, en passant d'un symptôme à une vocation.


Voilà. C’est tout pour le moment comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire