lundi 4 mars 2019

Compte rendu de « La part d'ombre du chercheur de lumière » de Debbie Ford (neuvième partie, « Recouvrer sa part d’ombre »).



  
Un autre ouvrage de Debbie Ford.


Beaucoup de chercheurs ont travaillé sur la partie de notre esprit qu’on peut appeler part d’ombre. Jean-Louis Bernard dans Les archives de l’insolite décrit l’ombre comme un moi caricatural, anarchique et brouillon, un mime, un domestique peu fidèle. Chez la majorité, l’ombre est inconsistante, mal centrée, un peu folle. C’est Debbie Ford qui a pour moi (bien que son livre La part d’ombre du chercheur de lumière soit difficile d’abord) le mieux abordé ce sujet important.


Cet article est la suite de celui-ci.

Recouvrer sa part d’ombre

Nous aspirons généralement tous à connaître la paix de l'esprit. C'est une quête s'étendant sur la vie entière, une tâche qui n'exige rien de moins que de recouvrer la totalité de notre être. Partir à la découverte des cadeaux que même nos défauts les plus détestables nous réservent constitue une démarche créatrice qui requiert seulement une attitude composée des éléments suivants : un désir réel d'écouter et d'apprendre, une volonté de se débarrasser des croyances et des préjugés irrationnels et l'aspiration à se sentir mieux. Votre moi authentique ne juge pas. C'est seulement l'ego, dominé par la peur, qui se sert des jugements comme d'une armure - protection qui, ironiquement, fait obstacle à la réalisation de soi.

Nous devons nous préparer à accueillir et aimer tout ce que nous avons redouté et fui. Ainsi que l'affirme Un cours en miracles : « Mes plaintes font écran à la lumière du monde. »

Pour aller au-delà de l'ego et de ses défenses, il vous faut acquérir du calme ainsi que du courage, et être à l'écoute de votre voix intérieure. Derrière le masque social que l'on porte, se cachent des milliers de visages. Chaque visage possède sa personnalité propre. Chaque personnalité est dotée de traits caractéristiques. En entretenant un dialogue intérieur avec ces personnalités mineures - ou sous-personnalités - vous transformerez vos préjugés et jugements égoïstes en cadeaux inestimables. A mesure que vous accueillez en vous les messages émis par chaque aspect de votre ombre, vous recouvrez le pouvoir que vous avez octroyé à d'autres, et vous tissez un lien de confiance avec votre moi authentique. Lorsque vous les laissez émerger à votre conscience, les voix de vos aspects occultés vous rétabliront dans l'équilibre et l'harmonie de vos rythmes naturels. Ainsi vous sera restituée votre capacité à résoudre vos propres problèmes et à percevoir la direction de votre mission de vie. Ces messages vous guideront vers la découverte de l'amour authentique et de la compassion.

Avant de pouvoir communiquer avec mes personnalités mineures, je devais m'en remettre aux autres pour m'aider à découvrir ce qui ne fonctionnait pas en moi. J'allais d'un thérapeute à un autre. Je consultais tout ce que la ville comptait de médiums, voyantes et astrologues pour obtenir les réponses que j'anticipais. S'il m'arrivait d'éprouver un malaise intérieur, ou de me sentir agressive, triste, ou même exaltée, je devais prendre le téléphone ou donner de l'argent à quelqu'un pour qu'on me dise de quoi il retournait. Quelle pitoyable façon de vivre ! Si leurs propos correspondaient à ce que je voulais entendre, je trouvais ces personnes particulièrement brillantes. Dans le cas contraire, j'allais en consulter d'autres, à tour de rôle, jusqu'à ce que j'obtienne la réponse espérée.

Je savais qu'il y avait une autre façon de vivre. Pourquoi Dieu nous aurait-il créés ainsi, que nous ne sachions comment nous comprendre nous-mêmes ; qu'il nous faille payer une autre personne pour se faire expliquer des choses sur nous ? J'ai pris maintenant conscience que nous sommes en fait équipés d'une façon remarquable pour nous guérir nous-mêmes et redevenir des êtres unifiés. Quelquefois, cependant, nous pouvons avoir besoin d'un peu d'aide. Le fait de s'entretenir avec ses personnalités mineures constitue un excellent exercice pour accélérer le processus.

Nous pouvons utiliser l'étude de nos sous-personnalités comme un outil pour nous aider à recouvrer les parties égarées de nous-mêmes. Il nous faut en premier lieu les identifier, leur attribuer un nom, pour être capable par la suite de s'en dégager. Le fait de les nommer crée une distance effective. Roberto Assagioli, le concepteur de la psychosynthèse, exprime ce phénomène en ces termes : « Nous sommes sous l'emprise de tous les éléments auxquels notre moi se trouve identifié. Nous pouvons maîtriser et contrôler tous les éléments dont nous pouvons nous différencier. » Si je prends l'un de ces aspects que je déteste en moi, par exemple la plaignarde, et que je la baptise alors du nom de « Paula la plaignarde », ce travers m'apparaît tout à coup beaucoup moins menaçant. D'une drôle de façon, dès que je donne un nom à ces aspects de moi-même, j'éprouve de la sympathie pour eux. Je suis en mesure de prendre du recul, et je peux les considérer de façon objective. Ce procédé sert à relâcher progressivement l'emprise que ces comportements exercent sur votre vie.

La première fois que j'ai expérimenté le concept des personnalités mineures, ce fut lors d'un cours de psychologie transpersonnelle, à l'université John F. Kennedy d'Orinda, en Californie. Chaque semaine, nous faisions l'étude et l'expérience pratique d'une méthode différente de guérison des émotions. La semaine portant sur la psychosynthèse a transformé ma vie. C'est là que j'ai amorcé un dialogue avec différents aspects de moi-même - ce que nous appelions les « sous-personnalités » -, et que j'ai commencé à découvrir qui elles étaient et ce qu'il leur fallait pour réintégrer la totalité de l'être. Le but était évidemment de trouver les cadeaux qu'elles recélaient. En recevant ce cadeau, c'est une partie reniée de moi-même que je me trouvais à accepter.

Suzanne, notre professeure, dirigeait en premier lieu une visualisation qui nous entraînait dans une randonnée imaginaire en autobus. Elle nous demandait de voir en notre esprit un autobus rempli de passagers. Le mien était rempli de personnes de genres très différents. Certaines étaient âgées, d'autres, jeunes. Il y avait une grande diversité dans leurs vêtements, et cela pouvait aller de la minijupe aux pantalons à pattes d'éléphant. Je voyais toutes sortes de filles, des grosses, des maigres, des brunes, des rousses, certaines avec des poitrines plantureuses, d'autres, inexistantes. Il y avait des gens de tout acabit, de forme et de taille aussi variées que je pouvais imaginer, des grands, des petits, des personnages de cirque, des gens de toute couleur et nationalité. Il y avait des putains et des saintes. C'était un grand autobus, bondé de personnes dont, pour la plupart, je n'avais pas l'intention de faire la connaissance. Ma première pensée fut la suivante : « Oh non, tu peux faire mieux que ça. » Suzanne nous informa que nous devions faire la connaissance de toutes les personnes présentes dans notre autobus, autant celles qui nous attiraient, que celles qui nous répugnaient.

Chacun de ces passagers représentait un aspect de moi-même qui détenait pour moi un cadeau particulier. Ils étaient tous là, chacun offrant quelque chose d'unique, à condition que j'aille les rencontrer et prêter l'oreille à leur leçon de sagesse. Nous devions descendre de l'autobus, accompagnés d'une de nos sous-personnalités. Et c'était Grosse Bertha Grande Gueule qui était là, devant moi, et me tendait la main. C'était la première personnalité mineure qui voulait avoir une conversation avec moi. En voyant son visage, je me suis mise à penser : « Il n'est pas question que je me balade avec cette femme. Je vais aller en trouver une autre. » Bertha faisait à peu près un mètre cinquante et devait peser au moins cent kilos. Elle était dans la soixantaine, et représentait, en termes d'apparence, mon pire cauchemar. Elle avait des cheveux gris clairsemés, décoiffés, qui lui tombaient dans la figure. Elle empestait le fixatif et la cigarette. Elle portait une robe hawaïenne, de style muumuu, beige à gros pois orange. Autour de ses épaules, un chandail de polyester beige était retenu par une vieille broche rouillée. Ses grosses jambes étaient recouvertes de bas déchirés. Elle portait des chaussures de plastique déformées.

Je regardais de tous côtés pour trouver quelqu'un qui me permettrait de m'échapper de Grosse Bertha. Personne ne se présenta. Bertha parut ennuyée, et finit par me saisir la main pour m'entraîner hors de l'autobus. Nous sommes allées nous asseoir sur un banc non loin, et Bertha commença à parler. Elle me dit qu'elle était l'une de mes sous-personnalités et que je devais apprendre à vivre avec elle. Elle ajouta qu'elle n'allait pas s'en aller et que, si je consentais à ouvrir mon esprit obtus, je verrais qu'elle avait beaucoup à offrir. Suzanne me guida de façon à ce que je demande à Grosse Bertha ce qu'elle avait à m'apprendre. Grosse Bertha me dit que je ne devrais pas juger les gens d'après leur apparence. Elle dit qu'elle pouvait tout à fait percer mon personnage spirituel factice. Je voulus protester, mais je me suis rendu compte tout à coup que j'avais eu tellement de préjugés contre Grosse Bertha lorsque je l'avais aperçue, que je ne voulais même pas discuter avec elle dans l'intimité de mon propre esprit.

Grosse Bertha continua à me dire que je ne pourrais pas progresser sur le chemin de mon développement spirituel si je n'arrivais pas à résoudre ce problème. Elle me rappela que j'avais toujours jugé les gens que je considérais gros et que seules faisaient partie de ma vie les personnes dont l'apparence extérieure me convenait. Dans mon for intérieur, je savais que Bertha avait raison. Je faisais semblant d'être évoluée spirituellement et prétendais ne pas me laisser influencer par les apparences et les signes extérieurs, mais je me dupais moi-même. J'avais cru en avoir fini avec ce problème depuis plusieurs années, alors que j'avais fait un certain travail là-dessus. Mais, là, il y avait Grosse Bertha qui me disait de me réveiller : il restait encore beaucoup à faire. Suzanne nous fit demander à nos sous-personnalités quels étaient leurs cadeaux. Grosse Bertha me répondit que le sien représentait l'unité de l'être. Si je pensais vraiment être une partie de cet univers holographique, je devais l'accepter, elle, que cela me plaise ou non. Toutes les personnes que je rencontrais, me dit-elle, je devais les regarder dans les yeux, avec amour et compassion, afin de me voir moi-même, intégralement. Et elle ajouta que notre rencontre allait être l'une des plus marquantes de ma vie. Elle avait raison.

Grosse Bertha Grande Gueule était une création de mon psychisme, fondée sur un aspect de moi-même que je ne pouvais pas accepter. Par l'entremise de cette visualisation guidée, elle fut capable de s'exprimer et de m'enseigner de grandes leçons. C'est une expérience qui m'a pris des mois à assimiler pleinement. Tout en elle était si réel, si entier, si naturel. Comment cette personne pouvait-elle faire partie de mon subconscient ? D'où pouvait-elle venir ? Comment se faisait-il qu'elle possède toute cette sagesse ? Je n'arrêtais pas de me poser ces questions. Même si j'avais eu tant de résistances à accepter Bertha, j'en redemandais encore.

Lentement, je parvins à rassembler mon courage pour aller jusqu'à l'arrière de l'autobus afin de rencontrer d'autres personnes. Je me dirigeai à l'aide de la visualisation, et me posai la question de savoir quelle sous-personnalité viendrait à ma rencontre. Lors de ce premier face-à-face seule avec ce groupe inquiétant, c'est Alice Agressive qui se manifesta. Elle était frêle et petite, avec des cheveux rouge vif dressés en l'air, broussailleux et crêpés. Ses premiers mots ont été ceux-ci : « Même si je suis petite, je suis coriace. Alors n'essaye pas de me chercher ! » Alice me dit qu'elle en avait marre que je m'efforce de me débarrasser d'elle. Elle me déclara qu'elle était probablement la meilleure amie que j'aie jamais eue. Ma colère était là pour me guider et m'avertir et, lorsque j'étais en danger, Alice criait à tue-tête après moi. Étant donné que j'avais toujours ignoré ses avertissements, il fallait, pour capter mon attention, qu'elle fasse des scènes et crie après tous ceux qui m'entouraient. Elle me révéla que son cadeau représentait ma forte intuition, qui me conduirait toujours vers des relations saines. Elle ajouta que la raison pour laquelle je n'avais que rarement eu l'expérience de relations saines, c'était que je passais trop de temps à parler, plutôt que d'écouter mes voix intérieures.

C'était difficile d'accueillir Alice Agressive à bras ouverts, étant donné que j'avais toujours cru que j'exprimais ma colère de façon inappropriée. J'avais essayé depuis des années de me débarrasser de mon agressivité. Mais Alice n'avait nul besoin de disparaître ; ce qu'elle voulait, c'était être acceptée et aimée. Elle désirait que j'écoute mon cœur plutôt que ma tête. Dès que j'ai perçu Alice comme une alliée, elle a commencé à s'apaiser. De saines et cohérentes manifestations de colère ont alors pris la place de mes explosions incontrôlables.

Celles dont je fis ensuite la rencontre étaient Greta Goinfre, qui ne pouvait s'empêcher de manger un gâteau au chocolat au complet, et Carmen Canaille, qui avait l'habitude de porter des jupes ultracourtes et de tenir des propos orduriers. Tout en se dandinant sur elle-même, Greta Goinfre me dit qu'elle était une grande amie de Grosse Bertha Grande Gueule. Son cadeau était la compassion et le lien intérieur avec tous les autres êtres humains. Elle me conseilla aussi de ralentir et de m'accorder davantage d'attention. D'après elle, j'étais complètement inconsciente du fait que je courais tout le temps dans tous les sens. Je suis effectivement un bourreau de travail, et Greta est celle qui panique et engloutit la nourriture afin de se sentir ancrée dans la réalité. Carmen Canaille, de son côté, apporta le cadeau de la grâce. Ce qu'elle voulait, c'est que je me traite de façon royale et que je me comporte de manière digne. Lorsque je ne le faisais pas, elle explosait et faisait des scènes pour se rendre intéressante et devenir le centre de l'attention. À mesure que j'explorais leur côté positif, et que je les accueillais en moi-même, tous ces aspects négatifs ont cessé de diriger ma vie. Ils se sont révélés de grands instructeurs de ma psyché. À partir du moment où j'ai donné suite à leur demande de recevoir de l'affection de ma part, ou à leur simple conseil de ralentir, ils sont devenus partie intégrante de ma conscience, et ont enrichi mon estime de moi-même et mon sentiment de complétude. Une fois que j'eus accueilli ces défauts, il n'a plus été nécessaire pour moi d'engloutir un litre de crème glacée, ou de porter des jupes ultracourtes. En devenant mes amis, ils ont cessé de faire irruption dans ma vie de façon déplacée.



La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons. Amitiés à tous.


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