Je viens de lire un livre que
j’ai trouvé à la fois formidablement bien écrit, original et passionnant. Je
voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit
de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls.
Cet article est la suite de
celui-ci.
Voici le résumé de ce livre.
Si nous n'exerçons pas de contrôle, si
l'organisme n'est pas dirigé par des ordres, comment sommes-nous capables de
fonctionner ? Comment peut se réaliser la coopération de ces milliards de
cellules ? Comment sont-elles capables de pourvoir à leur subsistance et aux
autres exigences de la vie ? Si nous rejetons même la dichotomie esprit/corps,
quel pouvoir miraculeux nous anime ?
Avons-nous en nous un dictateur
qui prend les décisions ? Un conseil qui décide à l'unanimité, un gouvernement
doté du pouvoir exécutif ? Y a-t-il un inconscient, ou des émotions, ou un
cerveau électronique faisant le boulot ? Y a-t-il un Dieu, une âme imprégnant
le corps et prenant à son compte toutes ses exigences et ses buts avec une
sagesse infinie ?
Nous ne savons pas ! Nous ne
pouvons que faire des suppositions, des modèles, des plans, des hypothèses de
travail, et vérifier à chaque seconde leur exactitude et leur fiabilité. Et
même si nous savions, à quoi cela nous avancerait-il ?
Aucune théorie n'est valide, si elle admet une seule exception. Si
nous trichons, si nous dissimulons les preuves, nous sommes non pas des
scientifiques mais des manipulateurs, des hypnotiseurs, des charlatans, ou du
moins des propagandistes au service de notre propre importance.
Des brumes de l'ignorance,
émerge-t-il des pierres qui permettent de bâtir une théorie fiable, complète,
unifiée et applicable, de l'homme et de ses fonctions ?
Il y en a quelques-unes, pas très
nombreuses encore, mais suffisantes pour nous donner une direction digne de
confiance pour nos buts spécifiques.
J'ai fait de la conscience le
centre de mon approche, reconnaissant que la phénoménologie est le premier pas
indispensable vers la connaissance de tout ce qu'il y a à savoir.
Sans conscience il n'y a rien.
Sans conscience il y a le vide.
La moyenne des gens se méfie du
néant. Elle le trouve étrange et inquiétant. Il lui paraît absurde qu'on puisse
avoir recours à lui et s'en servir en philosophe.
Il y a plusieurs existants : les
choses, les êtres, les substances chimiques, l'univers, les journaux, et ainsi
de suite, à l'infini. Nous ne les classons certainement pas tous dans la même
catégorie.
Je ne vois pas beaucoup de
catégories de néant, et je crois qu'il vaut la peine, qu'il est indispensable
même pour notre propos, de parler de quelques-unes d'entre elles. Prenons comme
exemple l'histoire de la création.
D'après tout ce que nous savons,
le temps est infini, sans commencement ni fin. Nous apprenons déjà à compter en
milliards d'années. L'homme n'a pu tolérer l'idée qu'il n'y ait « rien » au
commencement. Alors il a inventé des histoires sur la façon dont fut créé le
monde, histoires qui varient selon les différentes cultures et qui fort à
propos laissent dans l'ombre le problème
de la création du créateur. Ces histoires remplissent un néant que nous
pourrions appeler un vide, une vacance, d'une étrangeté inquiétante.
Parfois le néant prend un aspect
désirable, comme quand il est vécu dans le contexte de la peine, de la détresse
ou du désespoir. Shalom, le salut hébreu, est paix, absence de conflit. Le
Nirvana est la cessation de la difficulté de vivre. Le Léthé, c'est l'état
d'oubli, l'effacement de l'intolérable.
Parfois le néant est le résultat
de la destruction, et, en psychanalyse, du refoulement : l'annihilation de
choses, personnes ou souvenirs indésirables.
On peut aussi opposer le néant,
dans le sens occidental du terme, à l'idée orientale du néant : no-thing-ness,
le « ne-rien-être ». Les choses n'existent pas, chaque événement est un processus,
la chose est simplement une forme transitoire d'un processus éternel. Parmi les
philosophes pré-socratiques, c'est Héraclite qui soutenait les mêmes idées :
Panta rhei, tout est « en fluence », nous ne mettons jamais les pieds deux fois
dans le même fleuve.
Dire à une femme qu'elle a la
tête vide est pour nous une insulte. Pour un Oriental, cela peut être un grand
compliment : sa tête n'est pas obstruée, mais disponible.
Ma première rencontre
philosophique avec le néant a été le rien sous la forme du zéro. Je l'ai
découvert sous le nom de l'indifférence
créatrice, grâce à Sigmund Friedlander.
Je reconnais trois gourous dans
ma vie. Le premier était Sigmund Friedlander, qui se donnait lui-même pour
néo-kantien : j'ai appris de lui la signification de l'équilibre, centre-zéro
des extrêmes. Le deuxième est Selig, notre sculpteur et architecte de
l'Institut d'Esalen. Je sais qu'il serait furieux de savoir que je parle de
lui. Il s'agit d'une véritable intrusion dans sa vie privée. Ecce homo ! Voici
vraiment un « Mensch », un être humain absolument dépourvu de prétention, sage,
humble, plein de savoir-faire. En tant que citadin, je n'ai pas eu beaucoup de
contacts avec la nature. A le regarder, à voir ses relations et sa compréhension
des êtres humains, des animaux et des plantes, à comparer sa discrétion et sa
confiance avec mon émotivité et mes airs de prima donna, à sentir enfin la
présence d'un être qui m'est cent fois supérieur, et, pour finir, le sentiment
de respect mutuel et d'amitié qui s'est fait jour, j'ai appris à surmonter
presque tout ce qu'il y a de pompeux chez moi et d'affecté.
Mon dernier gourou a été Mitzie,
une magnifique chatte blanche, qui m'a appris la sagesse de l'animal.
Voilà. C’est tout pour le moment.
Amitiés à tous.
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