lundi 27 juillet 2015

Le Bouddhisme et l‘Occident (deuxième partie)


 Une passionnante étude sociologique de Frédéric Lenoir


Après avoir constaté la très forte incursion actuelle du bouddhisme en Occident dans un premier article, il faut essayer maintenant d’en comprendre la genèse.

Frédéric Lenoir a en 1992 entamé une enquête sociologique sur le sujet qui lui a permis d’effectuer sa thèse de doctorat (l’enquête est parue sous le titre Le bouddhisme en France). A noter que ses données portent essentiellement sur le bouddhisme tibétain et le bouddhisme zen. Au contact d’adeptes, il a constaté que, très souvent, beaucoup d’eux faisaient allusion à un livre qui les avait convertis, Le Troisième Œil de Lobsang Rampa. Publié en 1956 en Grande Bretagne et en 1957 en France, cet ouvrage se présentait comme l’autobiographie d’un moine tibétain et suscita un enthousiasme extraordinaire en Occident. Cependant, il s’agit d’une incroyable falsification, un faux banal, où les lamas tibétains sont doués de pouvoirs psychiques exceptionnels, capables de quitter leur corps par la pensée, de lire l’aura, etc. Des enquêtes conduites en 1958 ont montré que Lobsang Rampa, de son vrai nom Cyril Henry Hoskin, était un installateur d'équipements chirurgicaux au chômage et qu'il n'était jamais allé au Tibet ni ne parlait le tibétain !

On peut montrer que cette idée de lamas aux pouvoirs magiques provient initialement d’un groupe pseudo-ésotériste, la Société Théosophique, fondée en 1875 par le colonel Olcott et Helena Blavatsky. Justifiant toute leur doctrine par des enseignements occultes transmis par l’intermédiaire d’énigmatiques « maîtres tibétains », les théosophes fondèrent le mythe moderne d’un Tibet magique (allez voir pour votre édification les nombreux tomes de La doctrine secrète d'Helena Blavatsky).

Les autres développements en Europe du bouddhisme dans la philosophie de Schopenhauer ou dans celle de Nietzche au dix-neuvième siècle, ou dans des romans du vingtième siècle comme Siddhartha de Hermann Hesse, la percée récente du Zen et du bouddhisme tibétain, tout cela est évoqué de façon passionnante par Frédéric Lenoir. Donc, un conseil, achetez ou empruntez La rencontre du bouddhisme et de l’Occident et Le Bouddhisme en France. Ce sont des lectures capitales.

Cependant, s’il est très intéressant de suivre d’une manière historique comment la représentation du bouddhisme en Occident a évolué, cela n’est pas suffisant. Frédéric Lenoir énumère les différentes expressions utilisées pour le désigner (toutes fausses ou approximatives) : « Christianisme dégénéré, nihilisme désespérant, catholicisme d’Orient, rationalisme, mystique athée, religion superstitieuse, philosophie, sagesse ésotérique, humanisme moderne, sagesse laïque, etc. »

Ces définitions sont absurdes et font référence à la perception que nous avons du bouddhisme et non à un bouddhisme authentique. La question brûlante est alors de savoir comment trouver ce bouddhisme authentique, ce qui devient alors extrêmement problématique. 

La vie et les enseignements essentiels du Bouddha sont en effet connus par des traditions tardives (les textes les plus anciens en notre possession ont été rédigés plusieurs siècles après la mort de Siddharta Gautama) et sont interprétés de manière fort différente selon les aires culturelles dans lesquelles le bouddhisme s’est répandu au fil des temps.

La discussion sur un bouddhisme « authentique » est encore rendue plus difficile par la nature même de cette religion : le bouddhisme, premièrement, ne prétend pas s’appuyer sur une révélation divine et deuxièmement ne possède aucune institution gardienne de l’orthodoxie du dogme. Il faut donc faire confiance à certaines croyances fondamentales comme les quatre nobles vérités et le noble sentier octuple, puis à son expérience et à sa raison individuelle comme validation de ces croyances. Autrement dit, chaque disciple du Bouddha est théoriquement libre de se réapproprier et de formuler à sa manière ses enseignements. Il y a sur ce sujet un sutta (sermon du Bouddha) le Kalama Sutta dont j’ai déjà parlé dans ce blog et que, à mon avis, il faut absolument avoir lu pour comprendre la profondeur de la pensée du Bouddha. Personnellement, je recommande aussi le site canonpali.org sur les textes du bouddhisme du petit véhicule originellement écrits en langue pali qui est d'une richesse exceptionnelle.

Comme je vous l’avais expliqué précédemment, j’ai d’abord  lu le plus possible sur le sujet, pendant des dizaines d’années, puis j’ai choisi de suivre les cours du Centre Bouddhiste Triratna de Paris qui m’ont passionné. A présent, je vais le plus souvent possible aux soirées de la Sangha le mercredi. Le centre bouddhiste Triratna de Paris fait partie d’une communauté internationale, la communauté bouddhiste Triratna fondée par un moine anglais, Sangharakshita (Dennis Lingwood). Une étude  très documentée dont je vais vous parler dans un prochain article a été écrite sur celle-ci par Bernard Stevens, un philosophe et traducteur belge.


Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons. Amicales salutations