samedi 4 novembre 2017

La Qabale magique.



Les quatre mondes.

Cet article est la suite de celui-ci.

L'émanation des sephiroth successives a été représentée sous forme d'un éclair ou des replis d'un serpent zigzaguant d'une sephirah à l'autre. Afin d'incarner la lumière-Sans-Limite, le magicien doit acquérir une connaissance parfaite de l'Arbre de Vie et de ses correspondances. Il doit connaître le nom divin, l'archange, le chœur angélique, la planète associés à chaque sephirah. Il doit être familier avec les couleurs des sephiroth et des sentiers, différentes dans chacun des quatre Mondes. Par la manipulation de ces images et symboles au cours d'un rite, il tentera de contacter les puissances du macrocosme que recouvrent les sephiroth. Dans ce microcosme qu'il représente, il les utilisera pour éveiller et transmuter en lui les parties qui leur correspondent. Que ce travail s'effectue à l'extérieur (évocation) ou à l'intérieur (invocation) de lui-même. S'il est vrai que notre univers est notre reflet, le retour du monde vers sa perfection originelle en sera d'autant plus facilité.

Ces opérations ne cherchent pas à déranger l'ordre de l'univers, mais à le rétablir, à le restaurer. Car il serait blasphématoire de penser que le monde tel qu'il est fut celui voulu par le divin. Quelle piètre idée du ciel ! Si le Grand Architecte élabora un plan parfait, une simple observation montre que sa manifestation n'en est que le reflet déformé.

Car l'architecte n'est pas celui qui bâtit la maison. Et la réalisation de ce plan parfait implique que des ouvriers s'y attachent. Telle est la fonction du Magicien, qui, à l'instar de l'alchimiste mais selon des procédures différentes, insuffle dans la matière les énergies qui la transfigurent.

Si le qabaliste travaille avec une attitude noble et sacrée, si le rituel a pour objectif de rétablir une harmonie perturbée, d'aider autrui (ou lui-même) sans circonvenir aux plans divins, le pire résultat possible d'une opération est un échec sans conséquence. S'il travaille pour nuire, la force évoquée sera entremêlée des passions et instincts qui le motivent. A lui d'en assumer des conséquences d'autant plus inexorables qu'elles sont le résultat de lois mécaniques et non d'une « punition ». Là encore, notre univers est notre reflet.

Les quatre mondes

Le Macrocosme, la totalité de l’Existence Positive, est symbolisé par les quatre Mondes contenant chacun un Arbre de vie. A chaque monde est attribué un nom et à l’intérieur de chacun de ces quatre mondes, chaque sephirah porte également son nom.

Les dix sephiroth apparaissent dans chaque Monde. De même qu'Ain Soph Aur, la Lumière-Sans-Limite du non-manifesté, s'est concentrée en un point qui fut Kether, d'où les émanations se propagèrent jusqu'à Malkuth, de même la Malkuth d'Atziluth est conçue comme donnant naissance à la Kether de Briah, et ainsi de suite consécutivement sur les plans, la Malkuth de Briah donnant naissance à la Kether d'Assiah.

Le premier monde est celui d'en-haut où tout est noyé dans la gloire de l'essence divine, où les noms mêmes de cette essence brillent comme des flambeaux indépendants, où tout ce qui doit être existe déjà.

Puis vient le grand abîme dans le sein du Père-Mère où est nourrie la graine implantée d'en-haut.
Puis cet état dans lequel l'informe prend forme, où au néant éthéré est donné un lieu de séjour et un nom.

Et finalement cette sphère dans laquelle les sens de l'homme pèsent et mesurent, touchent, goûtent, entendent, voient et connaissent.

Ainsi se constituent ces êtres particuliers que nous nommons les Anges, les Génies ou les Dieux, êtres regroupés en dix divisions conventionnelles. Ce sont les neuf chœurs angéliques, auxquels s'ajoute celui des « âmes glorifiées » de la théologie judéo-chrétienne.

Les quatre Mondes ont été représentés de bien des façons, allant des cercles concentriques à l'image anthropomorphique d'Adam, à la succession des salles d'un palais ou des Collines sacrées d'un jardin. Mais il ne faut pas s'y méprendre : aucune image ne peut saisir la réalité ; pas plus qu'un portrait, si fidèle soit-il, ne peut exprimer plus d'un aspect de la personne qu'il représente. Aucune Image ne doit être considérée comme fixe, « vraie » et définitive.

Atziluth

Atziluth (terme hébreu signifiant proximité) est le premier monde surgissant hors de l'Existence Négative. Son nom ou titre est le Monde Illimité des Noms Divins.

Atziluth, c'est Dieu, sous tous ses aspects sans doute, mais sans contact avec les créatures. Dieu y agit de manière directe et non pas à travers ses ministres.

Chaque lecteur de la Bible a remarqué que Dieu est mentionné sous des Noms divers (Elohim, Adonaï, Yahvé, etc.). Ce ne sont pas là des artifices littéraires en vue d'éviter des répétitions, mais des termes désignant les différents attributs et fonctions d'un seul et même Dieu. Selon le Nom employé, nous pouvons connaître l'aspect de la force divine auquel se réfère le rédacteur du texte. Dix noms hébreux représentant dix attributs différents du divin sont assignés aux dix sephiroth de ce monde.

Dans ce monde s'élabore l'intention de créer. C'est le monde des archétypes, des idées. Toute la dynamique et toutes les lois inhérentes au monde d'Atziluth sont achevées, hormis que rien n'est survenu et que rien ne surviendra tant qu'il n'y a pas mouvement dans le temps et l'espace. Elle aurait pu rester ainsi, seule dans sa condition originelle si Dieu n'avait pas voulu le déroulement de la Création. Son mouvement gigantesque commence au sein d'Atziluth et opère selon les lois engendrées par les sephiroth. Bien que parfaite, Atziluth n'est pas pleinement réalisée en elle-même ; c'est comme la volonté d'avoir une maison. Cette volonté est devenue consciente mais le principe de la maison n'a pas été défini, sa forme n'a pas été dessinée, elle n'a pas été construite - et pourtant, la volonté contient déjà en germe tous ces processus.

Briah

Briah, le deuxième monde, émane de la dixième sephirah d'Atziluth ; c'est le Monde archangélique de la Création.

Briah dérive de la racine hébraïque BRA (Bériah), signifiant « engendrer ou créer ». Ici, l'idée est animée d'une volonté de se manifester, de devenir quelque chose.

A chacune de ces sephiroth est attribué le nom d'un archange. L'archange exécute les décrets de Dieu et leur donne une forme. Selon la tradition, les archanges sont les messagers de Dieu, ceux du plus haut rang. Ce sont les contremaîtres qui supervisent et dirigent l'œuvre voulue par Dieu. Ils sont les représentants de Dieu pour les êtres « inférieurs ». Il est écrit que personne, c'est-à-dire aucun être humain, ne peut voir Dieu ou entrer en contact avec lui directement, mais qu'il est possible de communiquer avec lui par l'intermédiaire de ses représentants, les archanges.

Yetzirah

Yetzirah, le troisième monde, émane de la dixième sephirah de Brlah. C'est le Monde Angélique de la Formation. Le mot « Yetzirah » dérive du mot chaldéen ITzR, signifiant « former ou faire ».

«En ce monde, écrit I. Meyer dans Quabbalah, résident les créatures intelligentes et immatérielles, enveloppées chacune dans un vêtement lumineux ; elles sont asexuées et capables, par permission divine, de prendre une forme perceptible aux hommes quand elles apparaissent. Ce sont aussi des esprits, des énergies ou des forces secourables qui accomplissent la Volonté de Dieu. Ce monde est Immédiatement au-dessus du monde terrestre et le premier qui contacte la conscience de l'homme quand elle s'épanouit. Il a les caractéristiques générales que nous entendons par le mot astral.»

A chacune de ces sephiroth est attribué le nom d'une classe d'anges. Ces anges sont les travailleurs de Dieu dirigés par les archanges.

Les êtres angéliques de ce Monde sont désignés sous le nom de Chœurs (les chœurs angéliques), et agissent sur les tâches considérées mineures pour les archanges. Ces Etres spirituels, innombrables, sont totalement différents de la race humaine. Situer ces « Etres » et vouloir les comparer à quoi que ce soit serait s'en faire une idée erronée.

Tous les noms hébraïques qui leur sont attribués sont exprimables en Français. Les Haioth Ha Qodesh sont les « Animaux Saints » d'Ezéchiel, les Ophanim : les « Roues fulgurantes », les Aralim : les « Puissants », les Hhashmalim ; les « Dominateurs Etincelants »... les Ischim : les âmes humaines glorifiées.

Le Monde de Yetzirah est la sphère de l'existence dans laquelle l'homme s'aventure quelquefois durant des états d'extase ou de rêves volontairement induits. C'est ici que l'on atteint le véritable pinacle de ce qui est nommé le Soi ; ce Soi duquel proviennent les instructions pour aider dans la croissance de l'individu par le développement physique, mental et spirituel. Le Soi (également nommé Saint Ange Gardien) qui demeure en ce monde est considéré comme un être angélique. Travaillant avec les chœurs angéliques, il affecte bénéfiquement nos activités quotidiennes... quand on apprend à l'écouter !

Assiah

Assiah, le quatrième monde, est le Monde élémentaire de l'Action.

Vers ce plan sont dirigées les forces et les puissances des trois autres mondes. Dans ce monde, les qualités et les essences des trois autres sont affaiblies et déformées. En lui, nous voyons obscurément comme à travers un verre. Le plan divin d'Atziluth peut être entrevu, mais seulement brièvement comme un idéal tout à fait inaccessible ; même les créatures archangéliques de Briah ne peuvent pas être saisies par nos sens limités et les formes divines de Yetzirah ne sont perçues que d'une façon déformée, comme des dieux à pieds d'argile. Notre monde est un monde crépusculaire d'incertitude et, comme des aveugles, nous sommes toujours incapables de distinguer quelque chose nettement. Le voile de l'illusion recouvre tout.

La première sephirah d'Assiah est désignée comme le Primum Mobile ou « Premier tourbillon » qui devrait être symbolisé par un point représentant la source, le commencement. La dixième sephirah d'Assiah est la Sphère des quatre Éléments : Feu, Terre, Air et Eau. Elle représente la création en son entier fonctionnant dans le royaume de la substance.

La matière est le résultat de toutes les sephiroth des quatre mondes fonctionnant comme un processus simultané. Ce qui suggère que tout le Macrocosme est contenu dans la dernière sephirah du quatrième Arbre de Vie.

Assiah est le monde dans lequel nous vivons. Il est non seulement influencé par les forces de lumière, mais aussi par les forces des ténèbres. C'est le terrain apparemment neutre sur lequel se rencontrent ces deux forces opposées, sur lequel elles se livrent bataille ; d'où l'association duelle de ce monde.

Ce monde est soumis aux mutations, au changement, à la corruption et à la destruction qui le réduit à néant, au matériau brut prêt à être réemployé pour habiller de nouvelles formes élaborées dans le monde précédent.

En Assiah, Dieu agit à travers ces centres plus denses que sont les Éléments, les planètes et les constellations. A chacune de ses sephiroth est donc attribuée une correspondance astrologique.


Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

Abraham Aboulafia, inventeur de la Kabale mystique (première partie).



Une biographie d'Abraham Aboulafia.


ABOULAFIA, ABRAHAM BEN SAMUEL - Né en 1240 à Saragosse, en Aragon, mort aux environs de 1291, en un lieu inconnu. C'est à Tudèle, où s'installèrent ses parents, qu'il reçut un enseignement poussé de la Bible et du Talmud. À l'âge de vingt ans, deux ans après la mort de son père, il commença sa vie d'errance.

Son premier voyage, ayant pour but de découvrir la rivière mythique du Sambation, ainsi que les dix tribus perdues, le conduisit en Terre sainte. Mais, arrivé à Saint Jean d'Acre, il dut renoncer, en raison des évènements en Terre Sainte, liés aux Croisades. Il se résigna et décida de se rendre à Rome, mais, sur le chemin, décida de s'arrêter à Capoue, afin de se livrer avec passion à l'étude de la philosophie, sous la tutelle du médecin-philosophe : Hillel ben Samuel ben Éliézer de Vérone. Il accentua l'étude de l'enseignement de Maïmonide. Toutefois, malgré le fait qu'il ait toujours tenu cet enseignement en très haute estime, il se sentit insatisfait, au regard d'autres philosophies qu'il avait étudiées.

Abraham Aboulafia possédait un charisme particulier et savait fort bien communiquer. Il commença à rédiger des travaux kabbalistiques, philosophiques et grammaticaux, et s'entoura d'élèves.

De retour en Espagne, il commença à être sujet à des visions mystiques. Âgé de trente-et-un ans, il s'immergea dans l'étude du Séfér Yetsirah et de ses innombrables commentaires. Livre qui eut un impact considérable sur lui, particulièrement à travers l'éclairage et la méthode du mystique allemand Éléazar de Worms, dont le commentaire exerça, sur Abraham Aboulafia une profonde influence, répondant à son immense besoin d'éveil mystique. À partir du Séfér Yetsirah, pour Aboulafia toutes les lettres combinées et permutées deviennent expression d'existence. Elles possèdent un pouvoir d’illumination offrant l'accès aux mystères des noms divins. En se fondant sur des pratiques ascétiques particulières, Aboulafia aspire aux plus hautes expériences et à l'accès au statut de prophète, ouvrant la plus haute perception, permettant de pénétrer intuitivement dans la nature ineffable de la divinité.

Son disciple le plus important fut Joseph Gikatilla.

Abraham Aboulafia quitta de nouveau l'Espagne, et c'est en 1279 qu'il écrivit en Grèce l'un de ses premiers livres prophétiques, le Séfer haYashar (Le Livre de l'Intègre). Un an plus tard, sous l'influence d'une voix intérieure, il se rendit à Rome, dans le dessein de convaincre le Pape Nicolas III de se convertir. En dépit du fait qu'une condamnation l'attendait pour le conduire au bûcher, il pénétra dans Rome par une porte secondaire et entendit que le Pape était mort dans la nuit (information confirmée par une minute du Vatican). Il fut tout de même jeté en prison par les Dominicains, mais relâché quatre semaines plus tard.

On retrouve ensuite sa trace en Sicile, où il apparaît en tant que prophète et messie, provoquant une vive réaction de la communauté de Palerme, qui condamna le comportement d'Aboulafia.

Subissant la persécution du rabbin Salomon ben Adret, Abraham Aboulafia dût s'exiler sur la petite île de Comino, près de Malte, entre 1285 et 1288, où il rédigea son Séfér haOth (Le Livre du Signe). C'est en 1291 qu'il écrivit un dernier et important livre, Imré Shéfer, livre décrivant le système du Tsérouf (à la fois une mystique et une technique s’appuyant grandement sur le Séfér Yetsirah). On perd ensuite sa trace. Il s'attribue lui-même vingt-six ouvrages, dont vingt-deux prophétiques.

Abraham Aboulafia appelle son système kabbalistique, la « Kabbale prophétique », se distinguant ainsi de ses prédécesseurs. Le but de son enseignement est d'offrir aux humains un certain degré de communion avec Dieu. Pour cela, il utilise une approche particulière des noms de Dieu, surtout en ce qui concerne le tétragramme YHWH, la guématria, les combinaisons et les vocalisations des lettres, les permutations de mots. Ainsi, Aboulafia se donne parfois le nom de Raziel ou de Zekaryahou, mots ayant tous deux la valeur numérique 248, identique à celle d'Abraham. Il emploie également, de façon assez large le système du notarikon (utilisation des acrostiches) et du tsérouf (combinaisons des lettres).

Abraham Aboulafia a donné une tournure visionnaire à la Kabbale, ce que nombre d'écoles lui reprocheront, exaspérées par sa façon de jongler avec les noms de Dieu et des anges, d'utiliser la guématria dans ses formes les plus diverses. Les religieux lui reprocheront aussi d'avoir été le premier kabbaliste à permettre à l'idée  chrétienne de la Trinité de s'intégrer à la Kabbale, ouvrant ainsi la voie de la Kabbale chrétienne.

Il a aussi et surtout rédigé le Seva netivot ha-Tora, L'Épître des sept voies, selon lequel il y a sept voies d’accès à l’initiation kabbalistique, sept voies selon le degré d’avancement spirituel de l’individu qui veut s’y engager (j’en reparlerai dans un prochain article).


Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.