samedi 28 juillet 2018

Compte rendu du livre « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls (quarante deuxième partie).




Un masque à gaz.


Je viens de lire un livre que j’ai trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans »  de Fritz Perls.

Cet article est la suite de celui-ci.


Voici le résumé de ce livre.

Je tiens à signaler ici combien cela me stupéfie que, chaque fois qu’il me prend fantaisie d’écrire sur un sujet donné, un thème différent émerge, tirant une construction ancienne de ma poubelle (mentale, cette fois je l'admets) et j'apprends quelque chose de nouveau. Je suis même prêt à reconnaître que ma poubelle n'existe pas du tout, que je l'ai inventée seulement pour jouer à mon jeu de réorientation. A nouveau, je regarde autour de moi, je regarde mon bureau, moins encombré que d'habitude, le ressac, les montagnes. Est-ce que j'ai envie de parler d'Esalen ou de m'habiller et de descendre prendre mon petit déjeuner au bâtiment central ?

« M'habiller » semble drôle. Je suis en pyjama, et tout ce que je fais, c'est d'enfiler une de mes combinaisons, mon vêtement préféré. J'en ai plein, et les meilleures sont en tissu éponge — particulièrement agréable pour aller aux bains chauds.

Je descends rarement à pied. J'utilise ma petite Fiat qui fait un demi-mètre de moins que la VW. Je l'appelle mon landau motorisé. Ma maison est juchée à une centaine de mètres au-dessus des bains, en plein sur la falaise. Elle est en grande partie creusée dans la .montagne, de sorte qu'elle regarde à la fois vers l'infini de l'océan — des milliers et des milliers de kilomètres carrés — et vers les falaises sauvages, en pente douce, qui stoppent le travail de sape, le harcèlement opiniâtre des flots, et ne condescendent à donner aux vagues, à leur molle exigence, que quelques gros galets.

On ne sort pas par la porte. On émerge, non pas comme autrefois dans une nature vierge, mais dans un mélange de paysage magnifique, de marches de pierres naturelles qui sont l'extension du mur d'enceinte, et de bus, de cabines et de voitures.


Descendre au pavillon central et en remonter n'est pas un gros effort pour la plupart des gens. Pour moi, si. D'habitude, j'y vais en voiture. De là aux bains, il m'en reste encore autant à faire à pied. Peu à peu, j'arrive mieux à grimper. Parfois, je puis le faire sans forcer mon cœur, ni les muscles de mes jambes.

A mon arrivée à Esalen, mon cœur était assez mal en point.

J'ai envie de parler de mon cœur. Je tâtonne en quête d'un commencement de compréhension. La poubelle devient un manège de cauchemar. Les « voyages » à la psilocybine, leur contenu : failli mourir, failli mourir, j'y renonce. Non ! Revenons à la vie, revenons.

Le tourbillon s'arrête. Me voici de nouveau dans les tranchées. 1916. Non, plus dans les tranchées. Je suis dans un hôpital militaire. Loin des misères du front, j'ai rencontré un type bien, notre nouveau major. Nous causons ; il veut que je lui parle de l'anti-sémitisme. Cela abonde, oui, même dans les tranchées. Mais surtout de la part des officiers.

Notre compagnie a été déplacée vers un autre secteur du front. J'ai attrapé la grippe, avec une forte fièvre. Il m'envoie à l'hôpital. J'ai un vrai lit. Il me rend visite deux jours plus tard. Suis-je en mesure de le suivre ? La fièvre monte et elle est réelle, ni fabriquée ni simulée. Et cependant elle tombe dès que je suis loin de la zone des combats.

Le lendemain, au réveil, je rêve : ma famille, au premier plan ma sœur Greta, celle que j'aime, tous autour de ma tombe, me suppliant de revenir à la vie. Je bande mes forces, je tire, je fais un énorme effort et je réussis. Lentement, lentement, je reviens à la vie, désireux, sans l'être, tout en l'étant, de renoncer à la mort, la mort qui était tellement préférable aux horreurs de la guerre.

J'avais déjà réussi à m'endurcir et à me désensibiliser, mais il y avait deux sortes de mort que j'avais peine à regarder en face.

L'une était celle qui venait des attaques de commandos. Ils sortaient des tranchées une fois que les gaz asphyxiants avaient atteint les lignes ennemies. Ils étaient armés d'une espèce de long marteau élastique dont ils se servaient pour assommer et tuer quiconque donnait encore signe de vie. Je n'ai jamais pu savoir s'ils agissaient ainsi pour économiser les munitions, pour éviter d'être découverts, ou par pure jouissance sadique.

L'autre mort, je ne l'ai vue qu'une fois. Le matin, nous avions testé nos masques à gaz avec un gaz lacrymogène. Ils nous semblaient aller très bien. Cette nuit-là, nous fîmes une autre attaque aux gaz. Une dernière vérification des bouteilles d'acier, le météorologiste mesure la vitesse du vent, sa régularité, sa direction.

Les heures passent. La veille, l'attaque avait été ajournée. En sera-t-il de même ce soir ? Les heures passent. Je ne suis pas très tendu, assis dans ma cagna et lisant quelque publication savante. Finalement, les conditions de vent semblent favorables. Ouvrez les valves ! Le nuage jaune se dirige vers les tranchées d'en face. Tout à coup, un tourbillon. Le vent a changé de direction. Les tranchées sont en zigzag. Les gaz pourraient revenir sur nous. Et c'est ce qui arrive, bien des masques ne marchent pas. Nous sommes nombreux à respirer ce poison, plus ou moins. Je suis le seul médecin et n'ai que quatre petites bouteilles d'oxygène ; chacun en réclame désespérément et s'accroche à moi, et il faut que j'arrache la bouteille aux uns pour soulager les autres.

Plus d'une fois, j'ai eu la tentation de retirer mon masque de mon visage en nage.


Voilà. C’est tout pour le moment comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.