lundi 7 mai 2018

Nouvelles précisions sur la Gestalt-thérapie (deuxième partie).



Frederick Perls

Des amis m’ont demandé d’apporter des approfondissements sur la gestalt-thérapie, la psychothérapie que je préfère actuellement. J’ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises dans ce blog. En voici quelques exemples :


Cet article est la suite de celui-ci.

Le livre de référence sur le sujet est Gestalt-thérapienouveauté, excitation et développement de Frederick Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline. Je vais, pour que vous compreniez bien la démarche de la Gestalt, vous citer une partie de son introduction.

La prise de conscience est caractérisée par le contact, la sensibilité, l'excitation et la formation d'une gestalt. Son bon fonctionnement appartient à la psychologie normale ; toute perturbation se place sous le signe de la psychopathologie.

Le contact en soi est possible sans prise de conscience, mais il est indispensable pour prendre conscience. Se pose alors la question cruciale : avec quoi est-on en contact ? L'individu qui regarde une peinture moderne peut croire qu'il est en contact avec le tableau, alors qu'en fait il est en contact avec le critique d'art de son journal favori.

La sensibilité détermine la nature de la prise de conscience, qu'elle soit lointaine (acoustique), proche (tactile), ou corporelle (proprioceptive). Nous incluons dans ce dernier terme la sensibilité des rêves et des pensées.

L'excitation semble, du point de vue linguistique, un bon terme. il recouvre l'excitation physiologique aussi bien que les émotions indifférenciées. Il inclut la notion freudienne de catharsis, l'élan vital de Bergson, et il nous donne une base pour une théorie simple de l'anxiété.

La formation d'une gestalt accompagne toujours la prise de conscience. Nous ne voyons pas trois points isolés, nous les relions en un triangle. La formation d'une gestalt complète et exhaustive est la condition de la santé mentale et de la croissance. Seule une gestalt achevée peut être organisée comme une unité fonctionnant automatiquement (réflexe) dans l'organisme tout entier. Une gestalt incomplète représente une « situation inachevée », qui catalyse toute l'attention et empêche la formation d'une gestalt nouvelle, vitale. À la place de la croissance et du développement, nous trouvons alors la stagnation et la régression.

Configuration, structure, thème, relation structurelle (Korzybski) ou totalité signifiante et organisée, sont les termes qui s'approchent le plus du mot allemand Gestalt, pour lequel n'existe pas d'équivalent en anglais ou en français. Voici un exemple linguistique : « mon » et « nom » contiennent les mêmes éléments, mais le sens dépend de l'ordre des lettres à l'intérieur de leur Gestalt. Bridge peut signifier un jeu de cartes ou un appareil de prothèse dentaire. Cette fois, le sens dépend du contexte dans lequel le mot « bridge » est utilisé. La couleur lilas apparaît bleuâtre sur un fond rouge, rouge sur un fond bleu. Le contexte dans lequel un élément apparaît est appelé, en Gestalt psychologie, le « fond » sur lequel se détache la « figure ».

Dans la névrose, et plus encore dans la psychose, l'élasticité de la formation figure/fond est perturbée. On se trouve souvent en présence d'une rigidité (fixation) ou d'un manque de formation de la figure (répression). Fixation et répression interfèrent dans l'achèvement normal d'une gestalt correcte.

Chez l'individu sain, la relation entre la figure et le fond est un processus de flux et de reflux permanent et signifiant. L'interaction de la figure et du contexte est à la base de la théorie présentée dans ce livre : l'attention, la concentration, l'intérêt, la considération, l'excitation et la grâce sont représentatifs d'une formation saine figure/fond, alors que la confusion, l'anxiété, les amnésies, la stagnation et la gaucherie indiquent des troubles dans la formation figure/fond.


Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

Nouvelles précisions sur la Gestalt-thérapie (première partie).



Frederick Perls


Des amis m’ont demandé d’apporter des approfondissements sur la gestalt-thérapie, la psychothérapie que je préfère actuellement. J’ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises dans ce blog. En voici quelques exemples :


Cet article peut être considéré comme la suite de celui-ci.

Le livre de référence sur le sujet est Gestalt-thérapie, nouveauté, excitation et développement de Frederick Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline. Je vais, pour que vous compreniez bien la démarche de la Gestalt, vous citer une partie de son introduction.

Ce livre a pris naissance sous la forme d'un manuscrit écrit par Frederick Perls. Paul Goodman en a développé le contenu et Ralph Hefferline l'application pratique. Tel qu'il se présente actuellement, il est le résultat des efforts conjoints des trois auteurs. Le travail commencé par l'un a été terminé à trois — avec une participation égale.

Nous avions un but commun : mettre au point une théorie et une méthode qui élargiraient les limites et l'application de la psychothérapie. Nos points de vue étaient différents, mais plutôt que de nous taire poliment, nous avons discuté de nos divergences et sommes souvent arrivés à des solutions qui nous ont surpris. Nous avons repris nombre d'idées présentes dans le manuscrit original, mais nous en avons ajouté autant d'autres, fruits des efforts communs des trois auteurs. Elles ont pris un sens nouveau dans le contexte du livre sous sa forme actuelle.

Les découvertes de la Gestalt psychologie se sont révélées fructueuses dans l'approche de l'art et de l'éducation. Et dans le domaine académique, les travaux de Wertheimer, Köhler, Lewin, etc., ne sont plus contestés. Cependant, l'intérêt soulevé par le béhaviorisme, orienté vers les données observables de l'organisme, a eu pour conséquence d'exagérer l'aspect perceptuel du gestaltisme dans les cercles académiques. Le magnifique travail de Goldstein en neuropsychiatrie n'a pas encore trouvé la place qu'il mérite dans la science moderne. L'application du gestaltisme en psychothérapie, seule théorie qui traite, d'une manière satisfaisante et logique, de la psychologie du normal et de l'anormal, n'a pas encore été entreprise. Ce livre tente d'en poser les fondements.

Il est indispensable — pour écrire ce livre comme pour le comprendre pleinement — d'adopter une attitude qui permette d'appréhender le contenu et la méthode en tant que théorie. Le lecteur se trouve donc, apparemment, devant une tâche impossible : pour comprendre le livre il lui faut avoir une mentalité « gestaltiste » et pour l'acquérir, il lui faut comprendre le livre.

Heureusement, la difficulté est loin d'être insurmontable, car les auteurs n'ont pas inventé cette mentalité. Au contraire, nous croyons que le point de vue gestaltiste est l'approche originale, authentique et naturelle de la vie, c'est-à-dire de la pensée, des actions, de la sensibilité de l'homme. L'individu moyen, élevé dans un milieu fragmenté, a perdu sa Totalité, son Intégrité. Pour les retrouver, il lui faut concilier la dualité de sa personne, de sa pensée et de son langage. Il est habitué à penser en termes de contradiction — infantile et adulte, corps et esprit, organisme et environnement, moi et réalité — comme si c'étaient des entités opposées. La vision unitaire capable d'abolir cette approche a beau être obscurcie, elle n'est toutefois pas détruite et, comme nous voulons le démontrer, nous sommes en mesure de la redécouvrir pour notre plus grand avantage.

L'un des thèmes de ce livre est l'assimilation. L'organisme se développe en assimilant de l'environnement ce qui lui est utile pour sa croissance. Bien qu'on admette ce principe en ce qui concerne le processus physiologique, on a largement ignoré les étapes de l'assimilation mentale. (À l'exception du concept freudien d'introjection qui en rend compte au moins partiellement.) Ce n'est que par l'assimilation que les éléments hétérogènes peuvent être unifiés en un nouveau Tout. C'est ainsi que nous pensons que, ayant assimilé tout ce que les sciences psychologiques de notre époque ont à offrir de valable, nous sommes à présent à même de jeter les bases d'une psychothérapie solide et pratique.

Pourquoi, dans ce cas, comme le titre le suggère, donnons-nous la préférence au terme « gestalt », alors que nous prenons également en considération la psychanalyse freudienne et para-freudienne, la théorie reichienne de la cuirasse, la sémantique et la philosophie ? À cela, nous répondrons que notre éclectisme n'est pas gratuit. Nous n'avons pas assimilé les disciplines mentionnées ci-dessus pour en faire une synthèse artificielle. Nous les avons examinées avec un esprit critique et les avons organisées en une nouvelle théorie totale et complète. Dans ce processus, nous avons trouvé qu'il fallait déplacer l'objet de la psychiatrie : au lieu de vouer un culte à l'inconnu, une adoration inconditionnelle à I'« inconscient », il était préférable de s'attacher aux problèmes et aux phénomènes de la prise de conscience. Quels sont les facteurs qui opèrent dans la prise de conscience et comment les facultés qui fonctionnent avec efficacité dans l'état de conscience perdent soudain cette propriété ?


Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.