lundi 18 juin 2018

Compte rendu du livre « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls (treizième partie).



Un admirateur de Fritz Perls.


Je viens de lire un livre que j’ai trouvé à la fois formidablement bien écrit, original et passionnant. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls.

Cet article est la suite de celui-ci

Voici le résumé de ce livre.

Aux États-Unis, nous assistons à la désintégration des religions organisées. L'Église en tant que centre de la communauté, le prêtre en tant que guide spirituel et Seelsorger (médecin des âmes), perdent toute signification. Une tentative désespérée de sauvetage de Dieu est en cours. De nombreuses confessions, aplanissant des différends qui jusque-là alimentaient le feu d'une haine intense, font appel à la compréhension entre les cultes. « Prêtres du monde entier, unissez-vous ! » « Unissez-vous pour faire mentir le verdict de Nietzsche : Dieu est mort. » Bien des prêtres commencent à se fier plus à la psychothérapie qu'à la prière.

Enfant, j'ai assisté à une désintégration analogue de la religion juive. La famille de ma mère observait les coutumes orthodoxes. C'était une famille où il se passait d'étranges fêtes, souvent belles et chaleureuses. Mes parents, et particulièrement mon père, étaient des juifs « assimilés ». C'est-à-dire qu'il faisait un compromis entre le fait d'avoir honte de ses origines et de vouloir maintenir certaines des traditions juives — se rendant à la synagogue à l'occasion des grandes fêtes, pour le cas où il y aurait un dieu quelque part. Je ne pouvais accepter cette hypocrisie et, dès mon jeune âge, je me déclarai athée. Ni la science, ni la nature, ni la philosophie, ni le marxisme ne pouvaient remplir le vide de ma maison spirituelle. Aujourd'hui je sais que j'attendais cela de la psychanalyse.

Après 1936 j'avais essayé de me réorienter. Mes doutes au sujet du système freudien, inexprimés et endigués, grandirent et me submergèrent. Je devins un sceptique, presque un nihiliste — niant tout. Le bouddhisme — le Zen — une religion sans Dieu ? J'acceptais alors, il est vrai, une bonne part du Zen, froidement, intellectuellement.

Puis vint l'illumination : plus besoin de soutien, ni spirituel, ni moral, ni financier, d'aucune sorte. Toutes les religions étaient de grossières constructions humaines, toutes les philosophies des jeux d'adaptation intellectuelle inventés par l'homme. Il me fallait donc prendre moi-même toute la responsabilité de mon existence.

Je m'étais piégé moi-même. A Francfort, absorbé par la psychanalyse, j'étais resté à l'écart des existentialistes qui s'y trouvaient, comme Buber, Tillich, Scheler. Tout ce que j'en avais retenu c'était que la philosophie existentielle exige que l'on prenne la responsabilité de sa propre existence. Mais laquelle des écoles existentialistes détient la vérité avec un grand V ?
Sceptique, j'ai cherché plus avant et voici ma position actuelle. Malgré toutes les tendances anticonceptuelles et prophénoménologiques, il n'y a pas de philosophie existentialiste qui tienne debout.

Je ne parle même pas de l'existentialiste américain moyen qui prêche et baratine à propos de l'existence, mais erre sur la terre aussi mort qu'un ordinateur. Non, je parle des existentialistes de base. Y en a-t-il un seul qui n'ait besoin d'aide extérieure, généralement d'un support conceptuel ? Que sont Tillich sans son protestantisme, Buber sans son hassidisme, Gabriel Marcel sans son catholicisme ? Pouvez-vous imaginer Sartre sans le soutien de ses idées communistes, Heidegger sans celui du langage, ou Binswanger sans la psychanalyse ?

Ne peut-on alors envisager une orientation ontique où le Dasein — le fait et les moyens de notre existence — puisse se manifester et être compris sans qu'il soit besoin d'explications ; une façon de voir le monde autrement que par le biais de quelque concept, mais où nous comprenions ce qu'il y a de parti pris dans la formation des concepts ; une perspective où nous ne nous contentions pas de prendre une abstraction pour l'image entière — où, par exemple, l'aspect physique serait pris pour la totalité de ce qui est ?

Cela existe, en effet ! Mais, si étonnant que ce soit, dans une branche qui n'a jamais revendiqué le statut de philosophie, d'une science cachée au fin fond de nos universités, une approche appelée psychologie de la forme, de la Gestalt.

Gestalt ! Comment faire comprendre que cette Gestalt est autre chose qu'un concept de plus créé par l'homme ? Comment dire que cette Gestalt est — et pas seulement pour la psychologie — quelque chose d'inhérent à la nature ?

Si, au temps des dieux ou des différentes sortes d'énergie, quelqu'un avait dit que la plus petite particule indivisible — nommée atome — est investie de toutes les énergies, il aurait été la risée du monde entier. Aujourd'hui, il est acquis que l'énergie atomique est l'énergie des énergies. La bombe atomique, c'est bel et bien une réalité.

Je comprends parfaitement que vous puissiez ne pas me suivre dans la théorie que tout est conscience, mais je ne puis accepter votre réserve à l'égard de l'idée de Gestalt, et je vais patiemment vous exposer quelques aspects de sa signification.

Mais d'abord, pour nous situer : 1926, Francfort, Kurt Goldstein, Clara Happel, Lore et le professeur Gelb, alors maitre de conférences en psychologie de la forme, élève de Wertheimer et de Köhler.

Je suis en train de jouer avec le nombre « 6 » :

1896 — Mes parents déménagent. Ils quittent un quartier juif pour un quartier plus élégant du centre de Berlin. Je n'ai pas de souvenirs antérieurs à cette époque.
1906 — Bar Mitzvah, crise de la puberté. Je suis un garnement et donne bien du souci à mes parents.
1916 — Je suis versé dans l'armée allemande.
1926 — Francfort.
1936 — Congrès de psychanalyse.
1946 — Immigration aux Etats-Unis.
1956 — Miami, Floride. Liaison avec Marty, la femme la plus importante de ma vie.
1966 — La Gestalt-thérapie est sur les rails. J'ai enfin trouvé une communauté, un lieu d'existence : Esalen.

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.