mardi 20 octobre 2015

Mantras, mudras et énergies des cinq dhyani-bouddhas dans le bouddhisme vajrayana



 
Le bhumisparsamudra, mudra du dhyani-bouddha Akshobya, la prise de la Terre à témoin à la manière du bouddha Shakymuni avant son Eveil. 



Comme je l’ai expliqué dans mon précédent article, dans la méditation vajrayana, on demande d’abord au pratiquant de visualiser un des dhyani-bouddha comme une réalité spirituelle. En même temps, le mantra de ce bouddha est récité et le geste symbolique de la main qui lui est associé (mudra) est effectué.

1) Les mantras.
Le mot mantra vient du sanskrit « man » qui signifie « esprit » et « tra » protéger. Le mantra est donc une formule sacrée qui protège l’esprit du méditant.

Il y a plusieurs catégories de mantras mais on peut en privilégier deux :

a) Les syllabes-germes (bijamantras) : Elles constituent le fondement et le noyau de tous les mantras. Comme leur nom l’indique, elles « donnent naissance ». Elles sont donc utilisées pour engendrer les différents éléments d’une visualisation. Les plus célèbres sont les « trois graines », les syllabes secrètes OM, AH et HUM, qui sont respectivement l’essence du corps, de la parole et de l’esprit de tous les bouddhas. Les cinq dhyani-bouddhas sont chacun liés à une syllabe-germe : HRI pour Amitabha, AH pour Amoghasiddhi, HUM pour Aksobhya, TRAM pour Ratnasambhava et OM pour Vairocana.

b) Les mantras des déités : Ils sont considérés comme les déités elles-mêmes sous forme de sons et, du fait qu’ils représentent des êtres éveillés, contiennent leurs énergies (exemple : le mantra d’Amitabha est « Om amideva hrih» et représente l’énergie d’Amitabha, celle de l’amour universel qui parvient à apaiser notre avidité).


2) les mudras.

C’est un terme sanskrit qui désigne un geste symbolique de la main que font les dhyani-bouddhas et que répète le pratiquant en méditation. Il y a dix mudras universels bouddhistes. Un très beau site aborde en détail ce sujet.


3) Les cinq dhyani-bouddhas, leurs mantras, leurs mudras, leurs énergies.

a) Amitabha est rayonnant de la couleur rubis de la compassion. Il est le bouddha de la lumière infinie, le bouddha de la « Terre pure ».
Il met les mains sous le nombril, l’une sous l’autre, dans le mudra de la méditation (dhyanamudra).
Amitabha représente comme émotion négative l’avidité qu’il transforme par son énergie, la sagesse de l’amour universel.
Il ne voit pas seulement l’unité ou la diversité de la réalité mais il perçoit les deux à la fois.
Son mantra est : « Om Amideva Hrih ».

b) Amoghasiddhi est vert sombre. Il est le bouddha de l’action qui a la capacité de tout accomplir sans entrave, dont le succès est infaillible. Il tient dans sa main gauche un double vajra (instrument rituel), symbole de puissance, qui représente la possibilité de tout transformer.
Sa main droite est levée paume en avant à la hauteur de sa poitrine dans le mudra du sans-peur (Abhayamudra).
Il représente comme émotion négative la jalousie qu’il transforme par son énergie, la détermination de mener les choses à bien.
L’Esprit éveillé aide naturellement et spontanément tous les êtres vivants et désire leur bien-être. Pour cela, il conçoit de nombreux « moyens habiles ».
Son mantra est : « Om Amoghasiddhi ah hum ».

c) Akhshobya est bleu foncé, de la couleur du ciel de minuit. Il est l’inébranlable, l’immuable. Sa main gauche tient un vajra doté de cinq pointes acérées (qui incarne l’indestructibilité de la conscience nue).
Sa main droite effectue le mudra dans lequel la terre est prise à témoin, main pointée vers le sol (Bhumisparsamudra). C’est une référence à la vie du bouddha Shakyamuni lorsqu’assis sous l’arbre de la Boddhi, il s’apprêtait à atteindre l’Eveil. Une des dernières ruses de Mara, le démon, fut de lui dire que personne n’était témoin des mérites lui permettant d’obtenir l’Illumination. Le Bouddha toucha alors le sol de la main droite et Vasundhara, la déesse de la terre, apparut pour attester de son état d’accomplissement.
Il représente comme émotion négative la colère-haine qu’il transforme par son énergie, l’acceptation tranquille du mauvais comme du bon.
Comme un miroir reflète tous les objets, la sagesse de cet Eveillé reflète tout mais ne s’attache à rien.
Son mantra est : « Om vajra Aksobhya hum ».

d) Ratnasambhava est d’un jaune doré. Il est celui qui est né du Joyau et qui produit des Joyaux. Il a dans la main gauche justement un joyau (le Chintamani, une pierre magique qui accomplit les souhaits). Sa générosité est sans limites. Il a la main droite largement ouverte vers le bas (varadramudra) et effectue le don suprême des trois joyaux : le bouddha, le dharma, la sangha.
Il a comme émotion négative l’orgueil qu’il transforme par son énergie, la conscience de l’identité fondamentale des êtres.
Tout comme les rayons du soleil tombent sur les toits d’or des palais ou sur une bouse de vache, l’Esprit éveillé brille avec amour et compassion sur tout et tous sans aucune distinction.
Son mantra est : « Om Ratnasambhava tram ».

e) Vairocana a un corps blanc et brillant. Il est « l’illuminateur », celui qui diffuse rayonnement et lumière. Sa couleur blanche inclut toutes les couleurs, elle est celle de l’absolu. Son mudra est celui du Dharmacakra. C’est celui du sermon de Bénarès du Bouddha Shakyamuni, de la proclamation initiale des Quatre Nobles Vérités, de la mise en route de de la Roue de la Loi. Les deux mains sont devant le corps au niveau de la taille, la paume droite tournée vers l'extérieur, la gauche vers l'intérieur, pouce et index joints formant deux cercles tangents, la main droite à la verticale, la gauche à l'horizontale
Il a comme émotion négative l’ignorance qu’il transforme par son énergie, la conscience de la vacuité.
Il est la Sagesse de base, celle des quatre autres dhyani-bouddhas en étant un aspect particulier. Il contemple le Cosmos, il contemple la réalité. Mais, pour lui, tout n’est que vacuité : « La forme n’est que vacuité, la vacuité n’est que forme. » (comme il est écrit dans le Sutra du cœur).
Son mantra est : « Om Vairocana hum ».

Vous pourrez trouver un excellent résumé, très complet, des attributs des cinq dhyani-bouddhas sur ce site (l’auteur a puisé à de nombreuses sources qu’il cite en introduction.) Une de mes inspirations pour écrire cet article a été le cours de Danielle du Centre bouddhiste Triratna.

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries télévisées américaines contemporaines.

Amitiés à tous.









Le Vajrayana (Véhicule du diamant)

Le mandala des cinq bouddhas, un des supports de l'initiation Vajrayana



Je me suis rendu compte que j’avais parlé des différentes initiations de Sangharakshita au Vajrayana mais que je n’avais pas présenté cette branche du bouddhisme. Ce sera le sujet de cet article. Le Vajrayana commença dans le milieu du premier millénaire, principalement dans le nord-est et le nord-ouest de l’Inde. De l’Inde et de l’Asie centrale, celui-ci gagna progressivement le Tibet. Né du besoin d’étendre la pensée bouddhique à d’anciennes pratiques « magiques », il se caractérise par l’importance accordée à l’exécution des rites, considérée comme une sorte de méthode psychologique. A l’origine, le Vajrayana était constitué de petits groupes rassemblés autour d’un maître. Il fallut attendre un stade relativement tardif dans l’évolution du mouvement pour constater l’apparition de textes (Tantras) fixant la doctrine du Vajrayana. Une de ses caractéristiques est par exemple l’utilisation de syllabes sacrées ou mantras.

Les théories du Vajrayana constituent une tradition ésotérique alliant des éléments de yoga et d’anciennes religions à la pensée bouddhique originale. Les influences en provenance du nord-ouest de l’Inde eurent un effet décisif, car elles introduisirent une puissante symbolique de la lumière ; les influences du nord-est imposèrent leur culte de la sexualité qui marqua profondément l’iconographie.

De tradition strictement orale à ses débuts, cette école commença à élaborer des systèmes de pensée cohérents entre le VI ° et le X ° siècle. Les ouvrages les plus importants sont le Guhyasamaja-Tantra et le Kalachakra-Tantra. Outre l’ensemble complexe des Tantras, les chants spirituels ou poèmes chantés des Mahasiddhas (ascètes possédant une connaissance parfaite des tantras) contribuèrent également à la transmission de la doctrine Vajrayana.

Au moment de son introduction au Tibet, la tradition Vajrayana avait déjà réussi à s’imposer au sein du bouddhisme. Le préalable indispensable à une bonne maîtrise des méthodes du Vajrayana dans le bouddhisme tibétain est la compréhension de la théorie de la Prajnaparamita (perfection de la sagesse). La sagesse (prajna) est un concept central du Mahayana, puis du Vajrayana ; elle désigne une conception du monde intuitive et immédiate et non un principe abstrait et soumis à l’intellect. L’instant décisif est celui de la compréhension et de la prise de conscience de la Vacuité (Shunyata) qui est la Vraie Nature du monde. Prajna est l’une des « Perfections » (Paramitas) réalisées par les bodhisattvas au cours de leur cheminement (Bhumi). Donc, ne vous inquiétez pas, si vous ne la possédez pas tout de suite, cela vient après bien des années de pratique et de méditation !

L’initiation, par un maître reconnu, à la forme de méditation enseignée par les différents textes (Sadhanas) est indispensable. Ces ouvrages décrivent en détail les divinités présentées comme réalité spirituelle (voir au sujet de celles-ci l’article de mon blog sur les dhyani-bouddhas) et retracent tout le processus psychique allant de la visualisation concrète de ces bouddhas à l’extinction totale de la pensée. 

Il faut comprendre que, pour le bouddhiste du Vajrayana, la visualisation d’une divinité n’a rien d’un acte magique, ni d’une supplication adressée à une entité extérieure. Il s’agit de l’identification du fidèle avec un certain principe d’énergie dont la présence lui paraît évidente (par exemple le dhyani-bouddha Amitabha représente l’énergie de l'amour universel et parvient grâce à celui-ci à transformer notre avidité). Parmi les moyens enseignés au cours de cette initiation ayant pour but la sublimation de l’individu dans sa totalité, on trouve la récitation des mantras, la contemplation des mandalas (par exemple le mandala des cinq bouddhas) et l’exécution de certains gestes rituels appelés mudras.

Peu à peu, en rédigeant cet article, j'ai pris conscience qu’il fallait, pour compléter cette courte initiation au Vajrayana et à ses méthodes, que je vous parle du cours remarquable que j’ai suivi avec Danielle, une des membres du centre bouddhiste Triratna, où elle a détaillé les mantras, les mudras et les énergies des cinq dhyani-bouddhas. Vous pourrez ainsi effectuer votre pratique personnelle de la méditation Vajrayana.

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries télévisées américaines contemporaines.

Amitiés.