mardi 24 juillet 2018

Compte rendu du livre « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls (quarante et unième partie).




Un autre livre sur la Gestalt-thérapie.


Je viens de lire un livre que j’ai trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans »  de Fritz Perls.

Cet article est la suite de celui-ci


Voici le résumé de ce livre.

A ce point, je n'ai pas envie de parler des niveaux et de « l'économie » de l'abstraction. Nous avons ce qu'il nous faut pour notre prochaine étape, mais je veux cependant préciser que le plus haut niveau d'abstraction est le nombre, d'où tout le concret a été banni, toute caractéristique balayée : de la chose, du fait ou du phénomène il ne reste que le nombre.

Avec le jeu des nombres, l'impossible devient possible. Par exemple, une personne vivant en Amérique du Sud peut avoir 1,2 piqûres de moustique par jour, tandis que sa part augmenterait considérablement si elle vivait au Kenya.

Laissez-moi répéter une fois de plus notre jeu des sigles. Nous avons T pour toxique, et N pour nourrissant. Nous avons Z pour la zone ou le lieu où se produit un événement. Ce système s'appelle la topologie. Nous avons distingué en gros Z.E., la zone extérieure ; Z.M., la zone de Moi, pour ainsi dire la zone sous la peau, et j'ai écrit qu'à l'intérieur de la Z.M. il y a la Z.D.M. qui empêche la communication directe entre le moi et les autres, qui nous empêche d'être « en contact ». La Z.D.M. est appelée souvent « esprit » ou conscience, ce qui crée la confusion eu égard à ce qui se passe réellement. Si je sens une démangeaison, j'en suis conscient, mais si je dis que cette démangeaison est dans ma conscience, je peux être taxé de folie. Le mouvement Christian Science fait bon usage de cette confusion. Je peux d'ordinaire repérer facilement les adeptes de la « Science chrétienne » et leurs enfants par leur genre de confusion.

L'un de mes deux « parasites » de San Francisco était une femme d'un certain âge qui était venue me voir à Miami dans un état schizoïde. Elle avait été élevée dans une atmosphère saturée de Christian Science et de moralité. Chaque signal qu'elle captait était aussitôt déformé et utilisé pour son propre système hallucinatoire.

Si nous appelons « l'esprit » imagination et utilisons la théorie de la conscience, nous nous trouvons sur le terrain solide de la réalité. Le terme imagination/fantaisie occupe une position clé dans ma philosophie de la Gestalt. Il est aussi important pour notre existence sociale que la formation de la Gestalt pour notre existence biologique.

Il est tout à fait banal d'opposer imagination et rationalité, en ce sens que toute fantaisie ou imagination est chose « loufoque » et que l'on tient la rationalité pour l'épitomé de la santé mentale. J'utilise les mots fantaisie et imagination comme des synonymes, bien que le second implique quelque chose de plus actif : je veux partir en vacances. Alors je fais des projets. Ces projets sont de l'imagination rationnelle. Je pourrais m'appuyer sur des éléments de la Z.E. comme des cartes, les conseils des agences de voyages, etc., mais pour la plus grande part mon imagination travaille sous la forme d'anticipations, de besoins ou de souvenirs. Alors je rogne sur mon imagination ou lui laisse libre cours, jusqu'à ce que dans ma tête, ou de concert avec l'agent de voyages, je parvienne à une décision en accord avec mes besoins, le temps dont je dispose et mon portefeuille.

J'ai déjà dit que toutes les théories et hypothèses sont des produits de l'imagination qui n'ont de valeur que s'ils concordent avec des faits observables.

En d'autres termes, c'est imagination rationnelle que l'on entend dans l'expression : « Il est sain d'esprit. »

Le lecteur : « Bien, Fritz, jusqu'ici je peux vous suivre. Mais les souvenirs ? Vous semblez les inclure. Si vous mêlez souvenirs et imagination, vous perdez la tête ou vous mentez. »

C'est juste. On parle de mémoire fidèle, ce qui déjà laisse planer un doute sur la mémoire en général. On pose que chaque souvenir est l'abstraction d'un événement. Ce n'est pas l'événement lui-même. Si vous lisez un journal, le journal lui-même reste dans la Z.E. Vous ne mangez pas, vous n'avalez ni ne digérez le journal lui-même. Qui plus est, vous choisissez ce qui vous intéresse. En outre, la façon dont les nouvelles sont rapportées dépend de la position politique du journal. Bien plus, ce qui en paraît est choisi par le journaliste en fonction de son pouvoir d'observation, des occasions qui se présentent à lui et, qui sait, de son besoin de sensationnel.

Le lecteur : « Je suis d'accord, mais si je vis une expérience, je puis m'en souvenir très clairement. »

A quel point vous souvenez-vous de l'expérience ? A quel point êtes-vous partial ? A quel point vous rappelez-vous le ton de la voix, les hésitations ? Avez-vous digéré l'incident, ou bien revenez-vous vraiment sur cet événement par la mémoire — ce qui est impossible, puisque l'événement est passé, tandis que le retour, lui, est actuel ? Ce retour nous donne déjà beaucoup plus, un matériau beaucoup moins déformé, que les souvenirs figés qui, en fait, sont déformés par notre attitude présente à leur égard — hostile ou favorable.

Il existe beaucoup d'études sur la partialité et la sélectivité de la mémoire, par exemple, chez les témoins d'un accident. J'aimerais que vous ayez vu le film Rashomon afin de vous rendre compte combien chaque personne interprète différemment les mêmes évènements selon les besoins de son amour-propre.

En d'autres termes, même l'observation la plus fidèle est une abstraction. Je vois déjà qu'il me faudrait écrire encore bien des pages pour montrer clairement le rôle capital de l'imagination.

En psychopathologie, les fantasmes les plus importants sont ceux dont le patient ne peut reconnaître l'irrationalité. Le cas le plus extrême serait celui d'un schizophrène paranoïde qui imagine et est persuadé que son médecin a l'intention de le tuer. Pour éviter cela, il sort dans la Z.E. Autrement dit, il tire pour de bon sur le médecin.

Nombre d'entre nous imaginent des situations catastrophiques sans se donner la peine de vérifier si cela est rationnel ou non, développent des phobies, et cessent de vouloir prendre des risques raisonnables.

Nous sommes nombreux aussi à imaginer des situations « anastrophiques », sans nous donner la peine de vérifier si cela est rationnel ou non. Nous perdons toute prudence et cessons de faire attention.
Certains d'entre nous sont en équilibre entre ces deux tendances : ils prennent des risques rationnels en fonction des événements possibles.

Les rôles et les jeux joués en imagination sont d'une infinie variété, allant de la torture extrême de soi-même à l'assouvissement sans limite du désir.

Je voudrais pouvoir m'arrêter ici. Cependant, il me faut poursuivre jusqu'à cette abstraction qui a engendré l'existence imaginaire d'un « esprit ».

J'en étais resté là la nuit dernière, et je me suis réveillé aujourd’hui avec une espèce de rancune : « Non, je ne vais pas en faire tout un discours. Je ne veux pas couper les cheveux en quatre jusqu'à l'idée du «  mot «  en tant qu'abstraction d'une abstraction, ni de la pensée en tant que langage «  subvocal », façon de parler en imagination. »



Voilà. C’est tout pour le moment comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.