mardi 23 juin 2015

La table de rappel (ou peg system)





Aimé Paris, sans doute un des plus grands mnémotechniciens de tous les temps, qui a popularisé la table de rappel.



La table de rappel (ou peg system)


Outre le Grand Système, il y a une méthode indispensable en mnémotechnie pour retenir des chiffres mais aussi des objets, c’est la table de rappel (en anglais « Peg system » ou « système des chevilles »). Quelle est son histoire ? C’est une méthode inventée en 1651 par Henry Herdson dans son livre Ars Memoriae, the Art of Memory Made Plaine, reprise ensuite par le moine allemand Grégoire de Fenaigle (Notice sur la mnémonique ou l’art d’aider et de fixer la mémoire en tout genre d’études,de sciences ou d’affaires) au début du dix-neuvième siècle et vraiment popularisée par le français Aimé Paris en 1825 dans son livre Exposition et pratique des procédés mnémotechniques, à l’usage des personnes qui veulent étudier la mnémotechnie en général, comme un moyen d’abréger l’étude de toutes les connaissances humaines. Cette technique est encore utilisée de nos jours par les plus grands mnémotechniciens comme Harry Lorraine.

Qu’est-ce donc qu’une table de rappel ? C’est un repère fixe et fiable, sur lequel on peut « accrocher » des informations. Elle permet de traduire et donc de substituer les chiffres et nombres en information concrète, visuelle et mémorisable. Les tables de rappel sont parfois différentes selon les mnémotechniciens. Nous allons utiliser celle d’un mathématicien qui a créé un site très intéressant sur la mnémotechnie et les mathématiques en général, Gérard Villemin : http://villemin.gerard.free.fr/. Elle est très inspirée par celle d’Aimé Paris (comme l’était celle de Tréborix, comme l’est celle de Vincent Delourmel, etc.). La voici :

  


Cette table est basée sur le principe que vous connaissez déjà du Grand Système. Les dix chiffres sont remplacés par dix sons, toujours des consonnes (0 = s, 1 = t ou d, 2 = n, 3 = m, 4 = r, 5 = l, 6 = ch ou j, 7 = k ou qu, 8 = f ou v, 9 = p). Aucune voyelle pour la simple et bonne raison que ces voyelles permettront de créer des mots, de remplir des blancs. Par exemple 11 est composé de deux 1. D’après notre code, 1 correspond à t ou d. 11 peut donc se coder TT, DD, TD ou DT : TuTu, DouDou, TauDis, Date ou encore TaTa (qui a été choisi par Gérard Villemin). Vous comprenez ? Tout de suite une petite démonstration :
58 = LouF (le L pour 5 et le f pour 8)
33 = MaMan (le M deux fois pour deux 3)
14 = TaRe (le T pour 1 et le R pour 4)
99 = PaPa (le P deux fois pour deux 9)
En résumé, comme il peut être fastidieux de constamment devoir inventer des mots correspondant à un nombre, la table de rappel vous est proposée toute prête et permet de résoudre immédiatement un problème de mémorisation de chiffres.

Naturellement, pour commencer, il vous faudra l’apprendre par cœur. Mais, comme vous l’avez vu, son apprentissage est facilité du fait que le principe de construction des mots est toujours le même, celui des équivalences entre les dix premiers chiffres et les consonnes du Grand Système. Personnellement, je n’ai pas eu cette facilité en 1983 en suivant la méthode d’Adrien Bullas du livre Un secret magnifique pour retenir toutes les dates. Il a construit sa table sans ce principe et j’ai dû apprendre par cœur une liste de 100 objets indépendamment de toute logique. Je me souviens encore de cette table, le début était constitué ainsi de manière aléatoire : 1 cigare, 2 volet, 3 poussin, 4 pipe, 5 passoire, 6 tank, 7 bouteille, 8 éléphant, 9 mouchoir, 10 couteau, etc.

Bien que vous puissiez reconstituer par la logique du Grand Système la table de rappel de Gérard Villemin, je vous conseille de quand même l’apprendre à petites doses. Tous les jours, pendant dix jours, vous allez mémorisez dix mots de la table, pas un de plus. Vous les écrirez sur un papier et vous tenterez de vous en souvenir le lendemain toujours par écrit. Au bout de dix jours, à raison de ces quelques minutes par jour, vous connaîtrez cette table parfaitement.

Vous la mettrez de côté 3 ou 4 jours avant de la relire. Puis vous patienterez une semaine et vous vous testerez. Là, si vous avez oublié quelques mots, ne vous inquiétez pas ! Une fois revus et retrouvés, il y a de fortes chances pour qu’ils restent longtemps gravés dans votre mémoire, moyennant quelques révisions de temps à autre (je vous suggère ensuite de vous relire et de vous mettre à l'épreuve une fois par mois).

Comment se servir de la table ? Vous l’aurez sans doute compris, le principe de l’usage de la table de rappel est de remplacer un chiffre, un nombre par une image, par essence infiniment plus concrète. Vous pouvez par exemple avec votre table de rappel, comme avec le Grand Système, mémoriser un numéro de téléphone.

Supposons que vous voulez retenir le numéro 01 56 32 97 23 en Région Parisienne. Pour commencer, nous ôtons tout naturellement l’indicatif 01 commun à tous les numéros dans cette zone. Il suffit d’isoler les quatre nombres de deux chiffres restants et de les traduire grâce à notre table de rappel.
-          56 = LâCHe
-          32 = MaNne
-          97= PacK
-          23 = NeM
Vous obtenez quatre mots parfaitement compréhensibles. Il ne vous reste plus qu’à les lier entre eux par une petite histoire et le tour est joué : imaginez un individu très LÂCHE, qui regarde toujours derrière son dos, qui ne ramasse pas la MANNE tombée du ciel devant lui, et qui en revanche se baisse pour récupérer un PACK (paquet) où se trouvent des NEMS.

Vous venez de mémoriser un numéro de téléphone sans difficulté et de façon ludique. Pour vous le rappeler, il vous suffit d’associer le ou la propriétaire du numéro au premier mot (LÂCHE) et tout s’enchaînera automatiquement. Supposons que ce numéro soit celui de mon ami Éric Bodin : je visionne Éric discutant avec un individu très LÂCHE qui regarde toujours derrière son dos. De la MANNE divine tombe du ciel mais il ne la ramasse pas. En revanche, il s’incline pour prendre sur le sol un PACK (paquet) remplis de NEMS.

Cette méthode sera complémentaire du répertoire de votre téléphone. Elle vous permettra de mémoriser des numéros, des codes, des nombres à la volée : à vous ensuite de les noter dans votre carnet de contacts tranquillement chez vous.

Voilà ! C’est tout pour aujourd’hui. Rappelez-vous bien que mémoriser la table de rappel demande un travail quotidien. Lancez-vous : cela en vaut la peine !

La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries de télévision américaines actuelles. Amitiés à tous.