mardi 8 août 2017

Compte rendu de « L’art de la mémoire » par Frances A.Yates, chapitre 6 : La mémoire de la Renaissance : le Théâtre de la Mémoire de Giulio Camillo (première partie).



Giulio Camillo.

Je me suis rendu compte, plusieurs semaines après avoir écrit mon article « Histoire de la Mnémotechnie : Moyen Âge, Renaissance & Dix-Septième siècle » sur le site Virtual Magie, que j’avais oublié de mentionner le travail de Giulio Camillo (1480-1544), un érudit italien, qui a consacré toute sa vie à la fabrication d’un édifice qu’il appela le Théâtre de la Mémoire et qui était un gigantesque théâtre décoré d’images, conçu afin de mémoriser l’ensemble des connaissances de l’époque.

Frances A. Yates est l’historienne qui a le mieux parlé de Camillo selon moi dans L'art de la mémoire (quoique Paolo Rossi dans Clavis universalis et Lina Bolzoni dans La chambre de la mémoire lui aient consacré des analyses tout à fait passionnantes) et j’utiliserai donc ses informations.

En fait, on sait peu de choses sur la vie de Giulio Camillo. Né en 1480, il enseigne quelques temps à Bologne, mais passe la majeure partie de son existence à Venise, occupé à la fabrication de son mystérieux théâtre d’images. C’est un Théâtre de la Mémoire, pour lequel il reçoit l’aide financière de François Ier et sur lequel il s’acharne jusqu’à sa mort sans avoir jamais réussi à l’achever. Il est basé sur les règles antiques de l’Art de la Mémoire mais Camillo lui donne une forme explicitement hermétique et cabalistique, alors même que cette technique est en train de tomber en désuétude, pliant sous les coups successifs de la scolastique et de l’humanisme, imposant définitivement la méthode éducative dite « dialectique » de Pierre de Ramus et l’apprentissage par cœur qui signent la victoire du mot sur l’image.

La mémoire artificielle de l’Antiquité a été fondée sur la méthode des lieux et des images. Les lieux doivent être aisément retenus par la mémoire (une maison, un escalier, une arche). Les images doivent être des formes, des objets ou des symboles. Elle fonctionne comme une écriture intérieure, et ceux qui la pratiquent peuvent mettre dans des lieux déjà édifiés les nouvelles informations qu’ils entendent et les redire aussitôt de mémoire. « Car les lieux ressemblent beaucoup à des tablettes de cire ou à des papyrus, les images à des lettres, l’arrangement et la disposition des images à l’écriture. » Ce qu’implique la mémoire artificielle, c’est la création architecturale d’un espace intérieur où nous pouvons placer tout ce dont nous désirons nous souvenir. Cet espace intérieur, Giulio Camillo tente avec le Théâtre de la Mémoire de lui donner une assise matérielle aux propriétés magiques, qui soit en mesure de faciliter son obtention à la manière d’un court-circuit psychique : « Il faut savoir que dans la grande machine de mon Théâtre se trouvent, disposés en lieux et en images, tous les lieux qui peuvent suffire à rassembler et gouverner tous les concepts humains, toutes les choses qui existent dans le monde entier. »

En 1532, le jurisconsulte hollandais Viglius Van Aytta est à Padoue. Il entend parler de ce mystérieux Camillo et écrit à Érasme : « On dit que cet homme a construit un certain Amphithéâtre, œuvre d’une adresse extraordinaire ; celui qui y est admis comme spectateur sera capable de discourir sur n’importe quel sujet avec autant d’aisance que Cicéron. J’ai d’abord cru que ce n’était qu’une fable, jusqu’à ce que Battista Egnazio m’en ait appris davantage. On dit que cet architecte a rassemblé sur des lieux déterminés tout ce qu’on trouve dans Cicéron sur n’importe quel sujet. Il y a disposé en ordre ou en rang des figures… » Excité, il se rend à Venise et pénètre dans la construction de Camillo, la décrivant ainsi : « L’ouvrage est en bois, marqué de nombreuses images et plein de petites boîtes ; il s’y trouve différents ordres et différentes rangées. »

Camillo travaille lentement à son gigantesque ouvrage. Les années passant et ne voyant rien venir, François 1er finit par lui couper les fonds. Camillo trouve un nouveau mécène dans la personne du marquis Del Vasto. Mais il meurt à Milan en 1544. À partir de cette date, nous perdons avec lui toute trace matérielle de son théâtre. On ne reparle vraiment de celui-ci que dans la seconde moitié du vingtième siècle. Giulio Camillo y est décrit, en compagnie de Marsile Ficin, Pic de la Mirandole, Giordano Bruno, Campanella et John Dee, comme une des six figures principales de la Renaissance hermétique, courant qui tenta de concilier la religion chrétienne et les sources antiques (néo-platoniciennes, pythagoriciennes et hermétiques) dans l’objectif implicite de justifier l’exercice de la magie. Un point commun entre ces grandes figures est l’importance qu’il donne à la mnémotechnie comme base de leur instruction spirituelle. C’est par la mémoire artificielle qu’on peut constituer cet espace intérieur dont les images opéreront dans nos vies comme des talismans.

Dans L’Art de la Mémoire, Frances Yates se fonde sur les notes de Camillo pour rétablir la forme de son Théâtre. En effet, à la fin de sa vie, Camillo consacra sept matinées à dicter une ébauche d’explicitation de son opus magnum. Publié en 1550, le texte nous informe que son Théâtre, analogue à celui de Vitruve, s’élève sur sept gradins, séparés par sept allées représentant les sept planètes. À la manière des théâtres antiques, dans lesquels les personnes de plus haut rang prennent les places les moins élevées, les choses les plus grandes occupent les lieux les plus bas. À chacune des allées correspondent sept portes, décorées par de nombreuses images.

Mais, faut-il le préciser, le Théâtre est conçu pour qu’une seule personne à la fois y soit présente. Le spectateur unique se tient debout là où devrait se trouver la scène et regarde vers l’auditorium (attention, à partir de maintenant, il va être fait allusion à des concepts ésotériques que je développerai plus tard). 

Ainsi, le spectateur se trouve placé devant les « sept mesures de la fabrique des mondes céleste et inférieur » correspondant aux Sept Sephiroth du monde supracéleste. Les Sephiroth du Zohar sont dix, mais comme les trois premiers sont inaccessibles à l’intelligence humaine, Camillo associe les sept restants aux « Sept Gouverneurs » d’Hermès Trismégiste : « Au neuvième chapitre des Proverbes, dicte Camillo, Salomon dit que la sagesse s’est construit une maison et qu’elle l’a appuyée sur sept piliers. Par ces colonnes, qui signifient l’éternité la plus stable, nous devons comprendre les sept Sephiroth du monde supracéleste, qui sont les sept mesures de la fabrique des mondes céleste et inférieur et où sont contenues les Idées de toutes les choses comprises à la fois dans le monde céleste et dans le monde inférieur. (…) Si les orateurs de l’Antiquité, dans leur désir de localiser de jour en jour les parties des discours qu’ils avaient à prononcer, les confiaient à des lieux caducs comme choses caduques, il est légitime que nous, qui désirons mettre en dépôt pour l’éternité la nature éternelle de toutes les choses qui peuvent être exprimées par le discours, nous leur trouvions des lieux éternels. Notre plus profond effort a donc été de trouver un ordre dans ces sept mesures, un ordre efficace, clairement articulé, qui tienne l’esprit toujours éveillé et provoque la mémoire.»

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés  à tous !

Le formidable book test « Hypnose » de JB Chevalier et Vincent Roca (troisième partie).


Le deuxième auteur du book test Hypnose, Vincent Roca.


Les book tests sont pour moi un sujet passionnant mais je me suis rendu compte que beaucoup de mentalistes connaissaient mal certains book tests français ou ne les connaissaient pas du tout.

J’ai recensé certains de ces livres dont on parle peu ou pas assez et je vais vous présenter quelles sont leurs possibilités et leur impact sur le public.

Je parlerai aujourd’hui d’un book test paru en 2011 qui m’a toujours paru génial et dont à peu près personne ne connaît le principe, Hypnose, de JB Chevalier et Vincent Roca, le seul book test thématique français d’après mes informations et qui peut sans problème être mis dans les mains des spectateurs.

Je vais aujourd’hui détailler le deuxième effet de ce book test : la révélation du dernier mot de la page (voir le premier effet dans ce précédent article).

Pour deviner le dernier mot de la page choisie au hasard, c'est très simple ! Il vous est fourni avec le book test Hypnose une anti-sèche (voir celle-ci en fin d’article), une simple feuille comportant tous les derniers mots de chacune des pages du livre. Il ne vous restera plus qu'à regarder secrètement l'information au moment voulu.

Toute l'astuce consiste à visionner  son anti-sèche non pas avant la première révélation mais pendant la première phase de la routine pour obtenir un temps d'avance.

En plus clair :

Vous donnez le livre au spectateur en lui demandant de l'ouvrir à la page qu'il veut. Exemple : page 13, et de se faire une image mentale des trois premières lignes. Pendant ce temps vous sortez votre calepin et, sous prétexte de capter les pensées du spectateur concernant l'image mentale de ce qu'il vient de lire, vous en profitez pour prendre connaissance (grâce à l'anti-sèche collée sur l'une des pages du calepin) du dernier mot de la page annoncée. A vous de justifier la présence du calepin en dessinant deux trois symboles concernant la première prédiction.

A la fin du premier effet, fermez le calepin et expliquez au spectateur que vous allez aller beaucoup plus loin en devinant le dernier mot de la page (que vous connaissez depuis le début grâce à l'anti-sèche collée à l'intérieur du calepin).

Grâce à votre temps d'avance, vous allez lui faire une révélation très pure en ne posant absolument aucune question, car, bien sûr,  l'information a été prise pendant le premier effet.

Si vous ne voulez pas utiliser de calepin, vous pouvez très bien coller dans l’intérieur de votre veste à la fois le tableau des codes chiffres-thèmes et l'anti-sèche du dernier mot de chaque page. Ainsi, vous donnez le livre au spectateur en lui demandant de l'ouvrir à une page au hasard (exemple page 31) et sous prétexte que vous ne voulez absolument rien voir, vous vous retournez et en profitez pour prendre les deux informations.

Ces deux exemples sont donnés à titre indicatif. Il existe des centaines de manières d'utiliser ces deux anti-sèches. A vous de trouver la méthode qui vous conviendra le mieux (sur scène, les anti-sèches peuvent être mises derrière le guéridon, dans une valise, etc.)

Quand, dans l’anti-sèche, vous voyez deux mots, comme à la page 23 (récit/les), cela signifie qu’il y a dans la page deux paragraphes. Ces mots sont donc respectivement les derniers mots de chacun des deux paragraphes de cette page.

Voici, pour finir, le texte de l’anti-sèche avec les derniers mots de chaque paragraphe de chaque page du roman :


Page

Page



Page

Page

7 Civilisation
46
globe/corrompu
85      pratique
124
nos
163
cela/étendue
8 concrétiser/lui
47
toutes/désagréables
86  temps/aimerait
125
cela/les
164
mère/de
9 dirigeaient/cependant
48
soleil/des
87         élan/à
126
connu/immense
165
Je
10 vie/sereins
49
découverte/que
88    océan/temps
127
raisons/rendu
166
ici/réalité
11 arme/encore
50
retrouver/je
89      objet/aussi
128
suite/simple
167
notoriété/en
12 occidentale
51
épanouissais
90   moment/mon
129
bouches
168
vie/beaucoup
13 parler/pas
52
parasites/je
91   moqué/mon
130

169
habituelles/pensé
14 recherche
53
semaine/puisse
92         que
131
inconnues/ou
170
moi/réaliser
15 tours/valions
54
forme/être
93      arriver/était
132 malheureusement/ils                             171
promesses/pays
16 constamment/et
55
vacances/ou
94     être/entières
133
certaines
172
globe/leur
17 combat/seule
56
moelle/y
95         mal
134
couleur/je
173
inférieur/extrêmement
18 âge/passent
57
tous/bien- ...
96
135
tant
174
ouvert/tête
19 ici
58
qui
97 insupportable/été
136
tous/ici
175
entendre/importait
20 tentation/nous
59
réellement/partir
98      inégalé/il
137
ailleurs/de
176
elle
21 ça/voir
60
pari/était
99   percussion/des
138
journée/à
177
rebondissements

61
voyage/du
100    nommer/de
139
peine/mon
178

23 récit/les
62
phobies/attentives
101      question
140
voisine/plus
179
musique/manquait
24 terres/point
63
région/assez
102  ensemble/les
141
était/première
180
table/le
25 si
64
voisins/nos
103    passé/eu
142
très
181
tête/souvent
26 vivre/folies
65
unisson/des
104      région/il
143
elle/même
182
étais/que
27 façonné/elle
66
ce
105 différentes/mon
144
manière/tout
183
commun/vie
28 de
67
vie/on
106        ça/la
145
blagues/savais
184
engendraient/au
29 directes/nous
68
abandon/avais
107    séducteur
146
notre/je
185
mois/humaine
30cinéma ainsi
69
arrive/même
108    moment/ne
147
vie
186
intérêt/que
31 âge/savoir
70
argent/sa
109 niveau/mentalité
148

187
encaisser/de
32 monde/âge
71
problèmes/la
110   pot/effrayait
149
mette/genre
188
horreur/ici
33 abouti/au
72
jamais/ils
111   question/car
150
jours/assiettes
189
différemment
34 des
73
les
112  atrocité/droit
151
pays/me
190

35 forte/faite
74
jours/jours
113    calme/en
152
ambulants/ne
191
moi/menteurs
36 argent
75
me
114      fois/mes
153
ours/croient
192 insupportable/immangeable
37 service/il
76
présentatrices/acheter
115
temps/car
154
période/ne
193
peuple/ici
38 dieux/les
77
banque/nous
116
village/me
155
visite/vitesse
194
cela/peur
39 maison/elle
78
nature/me
117
avais
156
l'autre/la
195
trouve/cela
40 service/vie
79
matière/comme
118
folles/élever
157
playstation/là
196
grave/m'amusait
41 qui
80
terre/nul
119
vie/comme
158
vite/volant
197
matins/de
42 an/j'ai
81
lui
120
côté/connaître
159
arrangements/est
198
apprentissage
43 expériences/ne
82
preuve/même
121
autre/la
160
artiste/les
199
44 habité/une
83
continu/nous
122
deux/cette
161
trop
200

45 veuf/certains

inscription/de
123
familial/de
162
affilé/cependant
201



C’est tout pour le moment. La suite du book test Hypnose dans un prochain article. Amitiés à tous.