lundi 25 juin 2018

Compte rendu du livre « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls (vingt-deuxième partie).



Sans rapport avec le texte.


Je viens de lire un livre que j’ai trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans »  de Fritz Perls.

Cet article est la suite de celui-ci


Voici le résumé de ce livre.

J'avais une inflammation au gros orteil droit, qui était enflé et douloureux. Le chef du service médical diagnostiqua une « goutte ». J'étais furieux. Moi et la goutte, cela n'allait pas ensemble ! En dépit de sa médication, la douleur devenait atroce. J'insistai pour qu'on me fît une radio, qui révéla une petite esquille, séquelle apparemment d'une ancienne fracture. Une petite opération et j'étais guéri au bout de quelques jours.

J'ai eu une série de petits bobos parce que je faisais de la motocyclette et d'autres sports. Je n'ai eu qu'une alerte sérieuse, une chute en faisant du patin à glace, mais sans fracture.

Je commençai à attirer l'attention après une de mes cures prétendues miraculeuses (comme Milton Erickson, note du blogueur). Un soldat présentait comme de grands coups de fouet par tout le corps. On me l'envoya en dernier ressort.

Impossible d'établir un diagnostic psychiatrique en l'absence de symptômes neurologiques ou similaires. Il aurait fallu des indices psychologiques bien clairs. Le soldat était quelque peu hébété et avait dans les yeux un profond désespoir. Bien sûr, dans l'armée, on ne pouvait pas se payer le luxe d'une psychanalyse ni d'aucune autre forme de psychothérapie de longue durée. Je le plaçai sous penthotal et appris qu'il avait été en camp de concentration. Je lui parlai en allemand et le ramenai à ses moments de désespoir en supprimant ses résistances les plus criantes. Il pleura vraiment de tout son cœur, de toute sa peau, dirons-nous. Il se réveilla dans la confusion, reprit pied pour de bon, et éprouva alors la sensation  typique du satori : celle d'être complètement et librement au monde. Il avait enfin quitté le camp de concentration et se trouvait avec nous. Les marques de fouet disparurent.

Des cures aussi spectaculaires étaient rares, bien sûr. Habituellement, c'était un travail de forçat que de se lancer dans la moindre psychothérapie.

Bang ! Une interruption. Entrez, G. Prenez donc un morceau de massepain. Grete, ma sœur, me montre son amour en m'envoyant les plus exquises friandises. J'ai du mal à les partager niais je le fais quand même.

Je raconte à G. la chose merveilleuse qui est en train de m'arriver. Je commence à m'apprécier moi-même — mes subtilités, mon rythme, la clarté de ma vision. Quelle différence avec mon besoin de parade et de vantardise ! Quelle différence entre ma faim de considération et la chose plate et éphémère dont elle se nourrit.
Ce matin à la table du petit déjeuner — non, déjà peu après mon réveil — le tourbillon recommence. Je cherche à tâtons quelque chose à travers le brouillard. Emporté par l'imagination, j'écris furieusement. A nouveau, de nombreux thèmes se pressent en foule, mais des thèmes nombreux ne font une symphonie que s'ils sont structurés et intégrés.

Je vois que ce que j'écris est en passe de devenir un livre, probablement un gros volume. Je ne m'étais jamais rendu compte de tout ce qu'il y avait dans ma poubelle et de tout ce dont je dois me débarrasser. Je sais qu'une bonne part de mon expérience sera précieuse pour beaucoup de lecteurs. J'ai déjà eu des réactions très rassurantes d'amis à qui j'avais confié quelques passages du manuscrit.

Une question qu'on me pose m'embarrasse et me met en colère : « Quand sortira le livre ?
« Je vous en prie, laissez-moi faire ce que j'ai à faire tranquillement ! Je suis heureux d'être stimulé et j'ai le désir d'écrire. Je suis heureux de faire quelque chose qui intègre vos besoins et les miens. Alors ne forcez pas la rivière à aller plus vite. Elle coule d'elle-même. »

Et si événements et idées se bousculent, ni l'imagination, ni l'anticipation, ni la répétition n'en dicteront le cours. La formation image/arrière-plan fait qu'un seul événement à la fois peut occuper le premier plan, dominer la situation. Sinon, il y a conflit et confusion.

Et la formation image/arrière-plan la plus forte prendra temporairement le contrôle de l'organisme total. Telle est la loi fondamentale de l'auto-régulation organique — pas de besoin spécifique, pas d'instinct, de dessein ou de but — aucune intention délibérée ne peut avoir d'influence sans le soutien énergétique d'une Gestalt.

Si plus d'une Gestalt tend à émerger, l'unité du contrôle et de l'action est en danger. Dans notre exemple de la soif, ce n'est pas la soif qui recherche l'eau, mais l'organisme total. C'est moi qui vais vers l'eau, c'est la soif qui me dirige.

Si plus d'une Gestalt émerge, il peut se développer une cassure, une dichotomie, un conflit intérieur qui affaiblit le potentiel qui doit être investi pour compléter une situation inachevée.

Si plus d'une Gestalt émerge, c'est l'être humain qui commence à « décider », souvent au point de décider de jouer au jeu de l'auto-torture, de l'indécision.

Si plus d'une Gestalt peut émerger et que la nature soit livrée à elle-même, alors il n'y aura pas de décisions, mais des préférences. Un tel processus signifie l'ordre au lieu du conflit.

Il n'y a pas de hiérarchie des « instincts », il y a une hiérarchie de l'émergence de la Gestalt la plus urgente.

Une fois terminée, cette Gestalt va reculer vers l'arrière-plan, pour dégager le devant de la scène et laisser place à une autre émergence, à une autre urgence. Quand une Gestalt a reçu satisfaction, l'organisme peut faire face à la frustration urgente suivante. Toujours la priorité aux urgences. Quand un coup de téléphone, une lettre urgente, des factures ou un séminaire exigeront mon attention, alors ce livre passera à l'arrière-plan. Il ne disparaîtra pas, ne sera pas oublié ni refoulé. Il restera vivant dans l'échange entre image et arrière-plan.
Lorsque mes préoccupations au sujet de ce livre demeurent proches du premier plan, j'accorde peu d'attention aux conversations à table ou à la beauté du paysage.

Toute interférence avec l'élasticité du rapport d'échange entre le premier-plan et l'arrière-plan provoque des phénomènes névrotiques ou psychotiques.

Premier-plan et arrière-plan doivent être facilement interchangeables, selon les besoins de mon être. Sinon nous obtenons une accumulation de situations inachevées, d'idées fixes, de structures caractérielles rigides. Premier plan et arrière-plan doivent être aisément permutables. Sinon, l'attention est perturbée, il en résulte confusion, perte de contact, incapacité de se concentrer et de s'engager.

J'ai lu un jour au personnel de l'hôpital un article que j'avais écrit. Je voulais le rendre simple afin que même les médecins puissent comprendre le principe de la formation de la Gestalt. Je choisis un symptôme fréquent, l'insomnie, et décrivis la signification de cette insomnie comme une tentative de l'organisme pour faire face aux problèmes qui étaient plus importants que le sommeil (très intéressant, note du blogueur). La perspective d'un entretien angoissant, une vengeance inassouvie, un ressentiment inattendu, une forte tension sexuelle ne sont que quelques-unes de ces situations inachevées qui font obstacle à ce retrait du monde que nous appelons sommeil.

Afin de faire face à la situation inachevée, l'organisme doit produire un quota accru d'excitation qui est incompatible avec le sommeil. Donc, si vous ne pouvez dormir et que vous n'utilisiez pas cette excitation pour régler une Gestalt incomplète, il vous faut chercher une autre issue en vous fâchant contre l'insomnie, l'oreiller trop dur ou le chien qui aboie. Plus vous vous fâchez, moins vous arrivez à dormir. Fermer les yeux n'apporte pas le sommeil ; c'est le sommeil qui fait fermer les yeux.

Vous pourriez aussi chercher refuge dans la panacée de la psychiatrie moderne, les tranquillisants, qui amortissent les élans de votre force de vie, et camouflent vos problèmes non résolus sous la descente de lit.

Voilà. C’est tout pour le moment comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.


Compte rendu du livre « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls (vingt et unième partie).








Je viens de lire un livre que j’ai trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans »  de Fritz Perls.

Cet article est la suite de celui-ci

Voici le résumé de ce livre.

Je ressens maintenant le besoin de me défendre contre l'étiquette de béhavioriste. D'une certaine façon, je le suis. Il m'intéresse de savoir comment la matière se comporte, et spécifiquement l'être humain. La différence entre mon attitude et celle de la vaste classe de psychologues qui se veulent béhavioristes est décisive. C'est la différence entre un endroit peuplé et une ville fantôme.
La conscience est une expérience au plus haut point d'ordre privé. Je ne puis être conscient de votre conscience, je ne puis y participer qu'indirectement. Le béhavioriste observe les humains et les rats comme s'ils n'avaient pas de conscience, comme s'ils étaient des choses. En conséquence, le béhavioriste devient un ingénieur et un conditionneur du comportement, c'est-à-dire un contrôleur et un manipulateur.

Mais même lui admettra la fonction de base de la découverte.
Sans la conscience des chocs qu'il subit et des appétits qu'il éprouve, aucun animal ne serait capable de découvrir : « Comment l'expérimentateur souhaite-t-il que je me comporte ? »

Il est important pour moi d'utiliser des mots qui couvrent l'ensemble des abstractions et conviennent à chacun. Il est dommage que nous n'ayons pas un terme du langage courant pour
« Gestalt » — motif, mélodie, configuration sont déjà trop spécifiques. Je crois qu'au fur et à mesure, l'idée de Gestalt « émergera ». J'espère que ce que j'écris aidera à établir une bonne formulation. Dans le cas d'une mélodie, l'idée de Gestalt est facile à comprendre. Si vous transposez un thème musical d'un ton dans l'autre, le thème reste le même, bien qu'en fait nous ayons changé toutes les notes. Si vous connaissez bien une mélodie et que quelqu'un en chante les trois premières notes, vous complétez l'air automatiquement.

Ainsi, nous voici revenus à l'une des lois fondamentales de la formation de la Gestalt — la tension qui naît du besoin d'achèvement est appelée frustration, l'achèvement est appelé satisfaction. Satis-assez ; facere-faire. Faites en sorte d'avoir assez. En d'autres termes, accomplissement : emplissez-vous jusqu'à ce que vous soyez complet. Avec la satisfaction, le déséquilibre est annihilé, il disparaît. L'incident est clos.

Tout comme l'équilibre et la découverte peuvent être vécus à tous les niveaux d'existence, il en est de même de la frustration, de la satisfaction et de l'achèvement.

Je pense à une situation où la guerre se prolonge avec ses frustrations et ses possibilités d'achèvement : la paix.
J'entends, de façon spécifique, les frustrations de l'homme qui combat, bien sûr, et je compare ma situation pendant la Première Guerre mondiale à celle où j'étais pendant la Seconde : d'un
côté, la terreur, et, de l'autre, un confortable abri antiaérien.

Quand la guerre hitlérienne éclata, j'étais à Johannesburg bien établi, c’est-à-dire nous, car Lore exerçait également. Je n’avais pas encore rompu officiellement avec les freudiens. Cela vint plus tard.

En fait, je puis dire à quelle minute précise je me sentis pleinement libéré de ces menottes idéologiques et commençai à m'opposer au « système freudien ». Pendant des années, j'ai eu tendance à exagérer cette opposition ; je manquais de moyens d'appréciation à l'égard de Freud et de ses découvertes.
La rupture se produisit lors de ma rencontre au Cap avec Marie Bonaparte, princesse de Grèce. Elle était amie et disciple de Freud. J'avais achevé et ronéotypé le manuscrit de le Moi, la faim et l’agressivité et le lui donnai à lire. En me rendant le manuscrit, elle me donna le traitement de choc dont j'avais besoin :
« Si vous n'acceptez plus la théorie de la libido, me dit-elle, vous feriez mieux de donner votre démission. » Je n'en croyais pas mes oreilles ! Une approche scientifique fondée sur un article de foi ?

Bien sûr, elle avait raison. La libido était de façon assez vague reliée aux  hormones sexuelles, mais Freud, souffrant comme moi de systématisme, avait besoin de trouver un dénominateur commun pour son modèle de l'homme. Il l'appela la libido. A y regarder de plus près, ce dénominateur commun était comme le joker dans le jeu de cartes. Il pouvait prendre la place de tout un tas de choses, que ce soit l'instinct sexuel, l'affection, la sensibilité, l'amour, la formation de la Gestalt, l'élan vital. Pauvre Wilhelm Reich, qui essaya de trouver dans la réalité physique un équivalent de cette mixture sémantique.

De toute façon, je n'ai pas donné ma démission, je n'ai pas été mis dehors ; mes relations avec l'Institut de psychanalyse, etc., cessèrent simplement peu à peu. Sans la guerre, j'aurais peut-être pris position.

L'Afrikakorps circulait librement en Afrique du Nord. Une division sud-africaine s'était fait surprendre à Tobrouk. Je ne savais que faire. Mon diplôme de médecin n'était pas valable. Je voulais m'engager comme toubib, mais on me renvoya chez moi avec un programme à préparer poux un examen en hygiène, ce qui m'aurait valu le rang d'officier. Je préparai l'examen avec deux amis plusieurs mois durant, mais ils furent reçus et moi recalé.

Peu après fut votée une loi reconnaissant l'équivalence des diplômes étrangers pour la durée de la guerre. Je fus donc accepté comme médecin militaire et suivis une formation appropriée. On nous appelait « les forçats ». Fallait nous voir ! Ça me faisait drôle d'être à nouveau soldat et de marcher au pas. Puis nous fûmes attachés à des hôpitaux.

C'était une vie de routine. Je fus surpris par la quantité de thé que nous pouvions boire. Mon ordonnance me réveillait avec « une bonne tasse de thé ». Ensuite, thé au petit déjeuner, thé à
10 heures, thé à 4 heures, thé au dîner, thé au souper.

Notre commandant était un officier de réserve, résolu à montrer son efficacité. Tout devait être écrit en triple exemplaire et enregistré. Au bout d'un an, nous fûmes débarrassés de lui et un vrai colonel de l'active prit sa place. Il nous appela et nous dit : « Messieurs, vous êtes officiers et médecins. Je gage que vous êtes des personnes responsables et que vous savez ce que vous faites. Je vous suggère de vous servir plus souvent du téléphone que de la plume. » Nous fûmes soulagés de voir qu'il n'avait pas la manie de la paperasse, et le roulement des malades doubla en un rien de temps.

L'infirmière-chef de mon service était une volontaire, une grande blonde superbe qui venait de Vancouver. Elle était chaleureuse et pourtant asexuée. Calme, et cependant une des personnes les plus efficaces et dignes de confiance que j'aie jamais rencontrées. Je la respectais tellement que je ne lui fis jamais d'avances. Le renard et les raisins ? Peut-être.

Les patients étaient, bien sûr, répartis par races. La ségrégation fut encore plus forte après la loi sur l'Apartheid de 1946, mais ne croyez pas un instant qu'il y eut sous le régime plus libéral de Jan Smuts quelque chose qui ressemble à de l'égalité. On appelait les Blancs, Européens et les Noirs, indigènes. Un indigène n'avait pas le droit de dormir sous le même toit qu'un Blanc, ni d'utiliser les mêmes toilettes. Ils avaient des villes et des autobus séparés.

J'ai trouvé chez les indigènes deux sortes de dépression nerveuse. L'indigène des villes, qui, en principe, savait l'anglais ou l'afrikaans, une espèce de hollandais abâtardi, faisait en général une névrose d'angoisse aiguë. L'indigène « brut », celui qui venait du Kraal ou des corons miniers, avait plutôt une névrose de type schizophrénique. C'étaient pour moi des cas impossibles à traiter, même avec l'aide d'un interprète. Je les envoyais au sorcier, et, souvent, ils en revenaient guéris.

Les névroses des Européens, on pouvait les classer ainsi, bien que ce soit là simplifier outre mesure : troubles névrotiques chez les Anglais, hystérie chez les Juifs, compulsion chez les Boers.

Le degré d'existence de la maladie psychosomatique s'imposa peu à peu à mes confrères. Au début, le patron du service de médecine interne disait : « Derrière chaque névrose il y a un ulcère à l'estomac. » Et à la fin : « Perls (pas de petit nom entre copains, comme aux États-Unis, sauf entre amis intimes), vous aviez raison : derrière chaque ulcère à l'estomac il y a une névrose. » J'étais content ! Je lui pardonnai même la gaffe qu'il avait faite à mon égard.

Voilà. C’est tout pour le moment comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.


Compte rendu du livre « Le moi, la faim et l’agressivité » de Fritz Perls (première partie).




Le cycle du contact en Gestalt-thérapie.


Je viens de lire un livre que j’ai trouvé à la fois passionnant, précis et déterminant sur les débuts de la Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit de « Le moi, la faim et l’agressivité »   de Fritz Perls.

Cet article est la suite de celui-ci.

Voici le résumé de ce livre.

1) Introduction

Pour le lecteur d'aujourd'hui, Le Moi la Faim et l'Agressivité constituent en quelque sorte la transition entre 1a psychanalyse orthodoxe et la « Gestalt ». Mais quantité d'idées exprimées dans cet ouvrage sont encore — plus de vingt ans après sa première édition — ignorées de la psychiatrie moderne.

Si l'on accepte désormais les concepts de la réalité hic et nunc de l'organisme considéré comme un tout et de la prédominance absolue du besoin le plus urgent, en revanche l'on comprend encore assez difficilement ce que signifie l'agressivité en tant que force biologique, la relation entre agressivité et assimilation, la nature symbolique du Moi, l'attitude phobique dans la névrose et l'unité organisme-environnement.

La dernière décennie a vu reconnaître la théorie de la conscience, mise en pratique par les trainings sensitifs et les groupes de training. On a également accepté la validité de l'expression spontanée non verbale (mouvements des mains et des yeux, postures, voix, etc.). Dans le contexte thérapeutique, on passe peu à peu de la pratique du divan, phobique (encore que prétendue objective), à la rencontre entre un thérapeute humain et un autre humain, qui n'est plus un « cas »,

C'est là un début prometteur, mais il reste encore beaucoup à faire. La majorité des thérapeutes et de leurs patients ne s'est pas encore rendu compte qu'il faut probablement renoncer aux thérapies individuelles et aux thérapies de longue durée, Bien sûr, on voit se développer les groupes et les ateliers, mais souvent davantage pour des raisons de facilité économique que d'efficacité. Il faudrait cependant que la séance individuelle constitue plutôt l'exception que la règle. Sans doute ces quelques phrases paraissent-elles aussi hérétiques que la proposition que j'ai émise voici quelque temps : s'occuper du comportement dans l'abstrait et en dehors des référents de temps et d'espace actuels constitue une perte de temps pure et simple. Depuis les gigantesques découvertes de Freud, la psychanalyse a lait des progrès considérables. Citons notamment : l'accent mis par Sullivan sur le respect de soi (ou l'amour-propre); le concept des jeux de Berne; celui de Roger sur le feed-back et plus particulièrement la mise à jour par Reich de la psychologie des résistances. Le passage de la symptomatique à la caractérologie, puis à la thérapie existentielle, et enfin à la psychologie humaniste, est des plus prometteurs.

Depuis l'époque où je rédigeais le manuscrit de la Gestalttherapie, j'ai formulé de nouvelles idées. J'ai surtout réussi à briser le sentiment d'impasse et de statu quo auquel se heurte en général la thérapie. Sans projet approprié, le thérapeute est perdu d'avance. Rien n'empêchera le patient de contrebalancer les efforts du praticien, ni l'emploi des meilleures techniques, pas plus que le recours aux concepts les plus ingénieux, Dès lors, la thérapie se fige et rien ne peut vraiment aller à son terme.

Le Moi, la Faim et l'Agressivité faciliteront les choses dans la perspective que j'ai évoquée. Et, ne l'oublions pas, toute perspective se fonde sur des polarités et l'attraction d'un centre, d'où l'importance du premier chapitre malgré sa difficulté de lecture. Ici, comme dans le reste du livre, une part importante du matériel historique est aujourd'hui démodée, mais la signification de l'agression mal placée demeure aussi valable qu'autrefois. Le transfert de l'agression, de la destruction des villes et des êtres à l'assimilation et à la croissance... puisse-t-il se réaliser... Mais c'est bien improbable.


2) But de cet ouvrage

La psychanalyse résulte essentiellement de l'observation des faits de la vie mentale : c'est pour cette raison que sa superstructure demeure incomplète et sujette à des modifications constantes.

Sigmund Freud

Cet ouvrage se propose d'étudier quelques-unes des réactions psychologiques et psychopathologiques de l'homme dans son environnement.

Il s'articule autour de la théorie selon laquelle l'organisme lutte pour maintenir son équilibre, continuellement troublé par ses besoins et retrouvé par leur élimination ou leur satisfaction.

Les difficultés qui opposent l'individu à la société se traduiront soit par la délinquance, soit par la névrose. Cette dernière se manifeste par diverses formes de refus, et notamment le refus du contact.

Les relations entre l'individu et la société d'une part, et les divers groupes sociaux de l'autre, demeurent incompréhensibles si on ne tient pas compte du problème de l'agression.

Au cours de cette guerre, aucun mot n'a été plus employé que celui d'« agressivité ». Quantité d'ouvrages publiés condamnent, certes, ce phénomène, mais proposent en outre de lui trouver un remède. Cela posé, personne n'a suffisamment explicité l'analyse ou le sens même de l'agressivité. Rauschning, lui-même, n'arrive guère à dépasser le fondement biologique du phénomène. Et, par ailleurs, les solutions proposées relèvent toutes des mêmes vieux « trucs », aussi répressifs qu'inefficaces : l'idéalisme et la religion.

Nous n'avons rien appris sur la dynamique de l'agressivité, Et cela malgré l'avertissement de Freud les énergies réprimées, ou refoulées, loin de disparaître, deviennent encore plus dangereuses et plus efficaces si elles agissent hors du champ de la conscience.
Lorsque je nie suis intéressé à la nature de l'agressivité, je me suis peu à peu, et de plus en plus, aperçu que l'agressivité n'était pas une énergie en soi, mais qu'il s'agissait seulement d'une fonction biologique qui s'est, de nos jours, transformée en instrument de folie collective

Si, grâce à l'usage de nouveaux outils intellectuels, l'holisme (conception du champ) et la sémantique (signification du sens), nous avons considérablement amélioré notre approche théorique, je crains fort de ne pouvoir offrir de remède pratique à l'agression collective.

Au lieu d'étudier la névrose et l'agression d'un point de vue purement psychologique, nous le faisons par le biais de. l'holisme et de la sémantique, ce qui révèle au passage un certain nombre de « trous » dans la méthode psychologique la plus fouillée, à savoir la psychanalyse.

Cette dernière met l'accent sur l’inconscient et l'instinct sexuel, sur le passé et la causalité, sur les associations, le transfert et les refoulements, niais elle sous-estime, et néglige parfois, l'importance du Moi, de la faim en tant qu'instinct, de l'instant, du vouloir immédiat, de la concentration, des réactions spontanées et de la réflexion.

Une fois ces a trous » comblés, et après avoir examiné des concepts psychanalytiques aussi douteux que ceux de libido, instinct de mort, etc., nous élargirons dans la deuxième partie notre nouveau concept, en l'étendant à l'assimilation mentale et au caractère paranoïde.

La troisième partie se propose de fournir des conseils détaillés pour une technique thérapeutique élaborée à partir de cette nouvelle approche théorique. Étant donné que l'«évitement» est censé être le symptôme central de tous les troubles nerveux, j'ai substitué à la méthode des associations libres l'antidote « évitement-concentration. »

Voilà. C’est tout pour le moment comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.