lundi 25 juin 2018

Compte rendu du livre « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls (vingt et unième partie).








Je viens de lire un livre que j’ai trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans »  de Fritz Perls.

Cet article est la suite de celui-ci

Voici le résumé de ce livre.

Je ressens maintenant le besoin de me défendre contre l'étiquette de béhavioriste. D'une certaine façon, je le suis. Il m'intéresse de savoir comment la matière se comporte, et spécifiquement l'être humain. La différence entre mon attitude et celle de la vaste classe de psychologues qui se veulent béhavioristes est décisive. C'est la différence entre un endroit peuplé et une ville fantôme.
La conscience est une expérience au plus haut point d'ordre privé. Je ne puis être conscient de votre conscience, je ne puis y participer qu'indirectement. Le béhavioriste observe les humains et les rats comme s'ils n'avaient pas de conscience, comme s'ils étaient des choses. En conséquence, le béhavioriste devient un ingénieur et un conditionneur du comportement, c'est-à-dire un contrôleur et un manipulateur.

Mais même lui admettra la fonction de base de la découverte.
Sans la conscience des chocs qu'il subit et des appétits qu'il éprouve, aucun animal ne serait capable de découvrir : « Comment l'expérimentateur souhaite-t-il que je me comporte ? »

Il est important pour moi d'utiliser des mots qui couvrent l'ensemble des abstractions et conviennent à chacun. Il est dommage que nous n'ayons pas un terme du langage courant pour
« Gestalt » — motif, mélodie, configuration sont déjà trop spécifiques. Je crois qu'au fur et à mesure, l'idée de Gestalt « émergera ». J'espère que ce que j'écris aidera à établir une bonne formulation. Dans le cas d'une mélodie, l'idée de Gestalt est facile à comprendre. Si vous transposez un thème musical d'un ton dans l'autre, le thème reste le même, bien qu'en fait nous ayons changé toutes les notes. Si vous connaissez bien une mélodie et que quelqu'un en chante les trois premières notes, vous complétez l'air automatiquement.

Ainsi, nous voici revenus à l'une des lois fondamentales de la formation de la Gestalt — la tension qui naît du besoin d'achèvement est appelée frustration, l'achèvement est appelé satisfaction. Satis-assez ; facere-faire. Faites en sorte d'avoir assez. En d'autres termes, accomplissement : emplissez-vous jusqu'à ce que vous soyez complet. Avec la satisfaction, le déséquilibre est annihilé, il disparaît. L'incident est clos.

Tout comme l'équilibre et la découverte peuvent être vécus à tous les niveaux d'existence, il en est de même de la frustration, de la satisfaction et de l'achèvement.

Je pense à une situation où la guerre se prolonge avec ses frustrations et ses possibilités d'achèvement : la paix.
J'entends, de façon spécifique, les frustrations de l'homme qui combat, bien sûr, et je compare ma situation pendant la Première Guerre mondiale à celle où j'étais pendant la Seconde : d'un
côté, la terreur, et, de l'autre, un confortable abri antiaérien.

Quand la guerre hitlérienne éclata, j'étais à Johannesburg bien établi, c’est-à-dire nous, car Lore exerçait également. Je n’avais pas encore rompu officiellement avec les freudiens. Cela vint plus tard.

En fait, je puis dire à quelle minute précise je me sentis pleinement libéré de ces menottes idéologiques et commençai à m'opposer au « système freudien ». Pendant des années, j'ai eu tendance à exagérer cette opposition ; je manquais de moyens d'appréciation à l'égard de Freud et de ses découvertes.
La rupture se produisit lors de ma rencontre au Cap avec Marie Bonaparte, princesse de Grèce. Elle était amie et disciple de Freud. J'avais achevé et ronéotypé le manuscrit de le Moi, la faim et l’agressivité et le lui donnai à lire. En me rendant le manuscrit, elle me donna le traitement de choc dont j'avais besoin :
« Si vous n'acceptez plus la théorie de la libido, me dit-elle, vous feriez mieux de donner votre démission. » Je n'en croyais pas mes oreilles ! Une approche scientifique fondée sur un article de foi ?

Bien sûr, elle avait raison. La libido était de façon assez vague reliée aux  hormones sexuelles, mais Freud, souffrant comme moi de systématisme, avait besoin de trouver un dénominateur commun pour son modèle de l'homme. Il l'appela la libido. A y regarder de plus près, ce dénominateur commun était comme le joker dans le jeu de cartes. Il pouvait prendre la place de tout un tas de choses, que ce soit l'instinct sexuel, l'affection, la sensibilité, l'amour, la formation de la Gestalt, l'élan vital. Pauvre Wilhelm Reich, qui essaya de trouver dans la réalité physique un équivalent de cette mixture sémantique.

De toute façon, je n'ai pas donné ma démission, je n'ai pas été mis dehors ; mes relations avec l'Institut de psychanalyse, etc., cessèrent simplement peu à peu. Sans la guerre, j'aurais peut-être pris position.

L'Afrikakorps circulait librement en Afrique du Nord. Une division sud-africaine s'était fait surprendre à Tobrouk. Je ne savais que faire. Mon diplôme de médecin n'était pas valable. Je voulais m'engager comme toubib, mais on me renvoya chez moi avec un programme à préparer poux un examen en hygiène, ce qui m'aurait valu le rang d'officier. Je préparai l'examen avec deux amis plusieurs mois durant, mais ils furent reçus et moi recalé.

Peu après fut votée une loi reconnaissant l'équivalence des diplômes étrangers pour la durée de la guerre. Je fus donc accepté comme médecin militaire et suivis une formation appropriée. On nous appelait « les forçats ». Fallait nous voir ! Ça me faisait drôle d'être à nouveau soldat et de marcher au pas. Puis nous fûmes attachés à des hôpitaux.

C'était une vie de routine. Je fus surpris par la quantité de thé que nous pouvions boire. Mon ordonnance me réveillait avec « une bonne tasse de thé ». Ensuite, thé au petit déjeuner, thé à
10 heures, thé à 4 heures, thé au dîner, thé au souper.

Notre commandant était un officier de réserve, résolu à montrer son efficacité. Tout devait être écrit en triple exemplaire et enregistré. Au bout d'un an, nous fûmes débarrassés de lui et un vrai colonel de l'active prit sa place. Il nous appela et nous dit : « Messieurs, vous êtes officiers et médecins. Je gage que vous êtes des personnes responsables et que vous savez ce que vous faites. Je vous suggère de vous servir plus souvent du téléphone que de la plume. » Nous fûmes soulagés de voir qu'il n'avait pas la manie de la paperasse, et le roulement des malades doubla en un rien de temps.

L'infirmière-chef de mon service était une volontaire, une grande blonde superbe qui venait de Vancouver. Elle était chaleureuse et pourtant asexuée. Calme, et cependant une des personnes les plus efficaces et dignes de confiance que j'aie jamais rencontrées. Je la respectais tellement que je ne lui fis jamais d'avances. Le renard et les raisins ? Peut-être.

Les patients étaient, bien sûr, répartis par races. La ségrégation fut encore plus forte après la loi sur l'Apartheid de 1946, mais ne croyez pas un instant qu'il y eut sous le régime plus libéral de Jan Smuts quelque chose qui ressemble à de l'égalité. On appelait les Blancs, Européens et les Noirs, indigènes. Un indigène n'avait pas le droit de dormir sous le même toit qu'un Blanc, ni d'utiliser les mêmes toilettes. Ils avaient des villes et des autobus séparés.

J'ai trouvé chez les indigènes deux sortes de dépression nerveuse. L'indigène des villes, qui, en principe, savait l'anglais ou l'afrikaans, une espèce de hollandais abâtardi, faisait en général une névrose d'angoisse aiguë. L'indigène « brut », celui qui venait du Kraal ou des corons miniers, avait plutôt une névrose de type schizophrénique. C'étaient pour moi des cas impossibles à traiter, même avec l'aide d'un interprète. Je les envoyais au sorcier, et, souvent, ils en revenaient guéris.

Les névroses des Européens, on pouvait les classer ainsi, bien que ce soit là simplifier outre mesure : troubles névrotiques chez les Anglais, hystérie chez les Juifs, compulsion chez les Boers.

Le degré d'existence de la maladie psychosomatique s'imposa peu à peu à mes confrères. Au début, le patron du service de médecine interne disait : « Derrière chaque névrose il y a un ulcère à l'estomac. » Et à la fin : « Perls (pas de petit nom entre copains, comme aux États-Unis, sauf entre amis intimes), vous aviez raison : derrière chaque ulcère à l'estomac il y a une névrose. » J'étais content ! Je lui pardonnai même la gaffe qu'il avait faite à mon égard.

Voilà. C’est tout pour le moment comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.


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