dimanche 5 juin 2016

«Ne pas perdre le monde» dans «Méditer jour après jour» de Christophe André (quatrième partie)






La chute d'Icare dans ce tableau de Breughel l'Ancien représente notre chute hors du monde quand viennent  la douleur psychique et de la dépression



 

Lors de pertes, de manques ou de deuils, la douleur prend toute la place dans notre esprit. Mais en même temps, le problème est que la douleur est reliée à ce que nous avons perdu, et ne plus souffrir c’est perdre encore plus (l’être cher, nos passions, notre travail).

En réagissant ainsi, en tentant de ne plus souffrir, en nous repliant sur nous-mêmes, notre mal et nos souvenirs, nous sommes en danger, nous sortons du monde (cette solitude que nous recherchons alors va accroître nos problèmes du fait de la rumination de pensées négatives et développer éventuellement notre dépression).

Comme je l’ai mentionné dans un précédent article, il faut faire en sorte que la douleur ne soit pas seule dans notre esprit, que toute notre attention ne soit pas focalisée et recroquevillée sur elle mais que d’autres éléments existent aussi dans notre conscience. Pour cela, il faut essayer de pratiquer la méditation sur le souffle (le mieux est de l’avoir expérimentée chaque jour avant que ne vienne la douleur, afin qu’elle devienne presque un automatisme). Elle nous permet de nous relier à notre corps, de sentir que nous continuons à exister, malgré cette douleur qui est insupportable, et de comprendre qu’un jour, on ne sait pas quoi ni quand, un évènement viendra qui nous fera progresser et changer.

La solitude de la souffrance est certes réelle et absolue : personne ne peut souffrir à notre place, personne ne peut prendre un gramme de notre douleur. Alors est-ce impossible de nous aider ? N’y a-t-il aucune consolation possible ?

Non, c’est plutôt que, quand notre souffrance est très intense, que nous sommes profondément immergés dans la dépression, nous ne voulons pas écouter les consolations des autres. Pourquoi ? Parce qu’à l’avance, nous sommes persuadés qu’elles ne servent à rien. C’est vrai qu’elles ne servent à rien si ce que nous voulons, c’est que tout revienne comme avant, que le problème disparaisse, que personne ne nous ait offensés, que l’accident n’ait pas eu lieu et que les morts revivent. Si ce que nous voulons est une réparation, la consolation ne sert à rien. Mais, si nous arrivons à comprendre que toute réparation est impossible et qu’il n’y a pas de solution à notre souffrance, alors la consolation, si nous arrivons à l’écouter, nous apprendra autre chose : qu’il continue d’exister, à côté de nos souffrances, une vie prête à nous accueillir.

Et si nous faisons ces efforts, nous découvrirons que, derrière les consolations, il y a la compassion. Elle n’est pas un médicament de la catastrophe, juste une bouée, un encouragement à vivre malgré tout. Mais, surtout, elle élargit notre conscience au fait qu’il y aussi de l’amour et de l’affection autour de nous. Elle nous délivre un message très humble : parfois tout ce qui reste possible à nos proches, c’est l’impuissance et la présence. Ils sont impuissants à réparer mais présents pour nous rappeler de rester vivants et humains, de ne pas nous durcir, de ne pas nous détruire, de ne pas quitter le monde. 

C’est pourquoi, pour moi, la deuxième méditation, complémentaire avec celle du souffle, est celle de la compassion (metta-bhavana) : dans celle-ci, en premier lieu nous essayons en pensée et en ressenti d’avoir de la bienveillance, de l’amour pour nous-mêmes avant de l’éprouver pour d’autres êtres humains : un ami, une personne neutre, une personne difficile. D’une certaine façon, avec cette méditation, nous sommes présents à nous-mêmes, mais sans trop de douleur, sans colère, sans haine, sans tristesse, seulement avec au début un petit peu de bienveillance pour nous-mêmes et pour le monde.

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. Je continuerai la prochaine fois ce compte rendu du livre de Christophe André Méditer, jour après jour. Amitiés à tous.

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