jeudi 3 novembre 2016

Compte rendu de « Vouloir sa vie, la Gestalt-thérapie aujourd’hui » de Gonzaque Masquelier, deuxième partie.




Paul Goodman

 
J’ai déjà évoqué dans ce blog deux types de méthodes psychologiques récentes, les thérapies comportementales et  cognitives et la programmation neuro linguistique. Je vais aborder à présent une des méthodes les plus actuelles, la Gestalt-thérapie, à travers le livre de Gonzague Masquelier, Vouloir sa vie, la Gestalt-thérapie aujourd’hui. Je commencerai en donnant un aperçu de la vie de Fritz Perls qui en est le premier créateur (voir pour le début de cette biographie, l’article précédent)

En 1934, à 41 ans, Fritz Perls fuit l'Allemagne nazie et s'installe en Afrique du Sud, où il fonde l'Institut sud-africain de psychanalyse. Sa pratique demeure alors traditionnelle : 5 séances par semaine, de 50 minutes chacune, sans aucun contact avec les clients. Il dira plus tard qu'il était devenu « un cadavre calculateur, comme la plupart des psychanalystes de l'époque ». Il s'y constitue une clientèle importante et devient rapidement célèbre et riche : il s'installe dans une résidence somptueuse, avec tennis, piscine privée et… piste de patinage sur glace ! Il pilote son avion et mène avec son épouse une vie bourgeoise très mondaine.

Deux ans plus tard, ce sera la grande rupture : Fritz Perls se rend au Congrès international de psychanalyse, à Prague, et y présente une communication sur les résistances orales. Il y soutient que l'instinct de faim est aussi central que l'instinct sexuel et que l'agressivité est un comportement positif de survie apparaissant dès les premières dents. L'accueil de ses collègues est glacial. Freud  lui adresse tout juste quelques mots et Reich le reconnaît à peine alors qu'il l'avait reçu en analyse tous les jours pendant deux ans ! Perls est profondément offensé et il en conservera toute sa vie une animosité envers ses anciens maîtres.

De retour en Afrique du Sud, Fritz Perls rédige son premier livre Le Moi, la Faim et l'Agressivité, publié en 1942. La première édition est sous-titrée « Une révision de la théorie de Freud »… Ce dernier, comme on sait, supportait mal les critiques ! On y voit se dessiner déjà ce qui, après neuf ans de gestation, deviendra la Gestalt-thérapie : l'importance du moment présent, la place du corps, le contact direct, la valorisation des sentiments, l'approche globale, le développement de la responsabilité du patient, etc.

Après la Deuxième Guerre mondiale, en 1946, Perls décide de tout quitter : sa famille, sa situation confortable, sa clientèle fortunée, et, à 53 ans, tente l'aventure américaine. Il ouvre son cabinet à New York, et se constitue bientôt une nouvelle clientèle. Bien qu’il soit « déviant » en regard de l’orthodoxie, il utilise encore le divan traditionnel et se cantonne à un travail verbal. 

Cinq ans plus tard, il débute officiellement dans la pratique de sa nouvelle méthode : la Gestalt-thérapie, après avoir exercé pendant 23 ans comme psychanalyste, il est alors âgé de 58 ans.

A New York, il mène une vie de bohème, parmi les « intellectuels de gauche » : écrivains et hommes de théâtre de la « nouvelle vague ». Il fréquente le Living Theater, qui prône l'expression immédiate du ressenti, ici et maintenant, à travers le contact direct et spontané avec le public, l'improvisation, et non l'apprentissage traditionnel de rôles par répétitions.

Sa femme l'a rejoint, et tous les mercredis soirs , le « Groupe des Sept » se réunit chez eux, il comprend notamment, Paul Goodman (un écrivain polémiste qui mettra en forme les manuscrits de Perls), Isadore From (un philosophe phénoménologue qui fera connaître la Théorie du self ), Paul Weisz (qui initie Perls au Zen), etc.

Le livre, baptisé Gestalt Therapy, rédigé pour l'essentiel par Paul Goodman à partir de notes manuscrites remises par Perls est publié en 1951 ( en français Gestalt-thérapie ). Le texte est abscons et ne remporte que peu de succès : à peine quelques centaines d'exemplaires seront vendus.

A partir de 1952, Fritz Perls, sa femme, Paul Goodman et Isadore From commencent à enseigner la Gestalt à New York et à Cleveland. Le succès demeure limité, les étudiants encore peu nombreux ; Fritz Perls, pour tenter de faire connaître son approche dans toute l'Amérique, donne de nombreuses conférences du Canada à la Californie et jusqu’à la Floride.

En 1956, Fritz Perls, découragé et fatigué de « prêcher dans le désert », s'éloigne de sa femme Laura. Il est cardiaque (il fume trois paquets de cigarettes par jour). Il a 63 ans, considère sa vie comme « achevée dans l'indifférence générale et l'incompréhension » et décide de prendre sa retraite à Miami, au soleil de Floride. Il loue un petit appartement où il vit seul, sombre et replié sur lui-même. Il reçoit quelques rares clients en thérapie, mais il n'a plus aucun ami. Il évite toute activité sexuelle, par crainte d'une crise cardiaque…

Un « miracle » se produit pourtant ! Marty, une jeune femme de 32 ans tombe amoureuse de lui. L'amour réveille l'énergie défaillante de l'homme vieillissant, et il vit alors deux années d’une intense passion et de bonheur tardif… jusqu'à ce que Marty le quitte pour un amant plus jeune ! 

Fritz reprend alors une vie d'errance, il anime des conférences et démonstrations de ville en ville. Âgé de 70 ans, il entreprend un tour du monde de dix-huit mois et séjourne notamment dans un petit village de jeunes artistes « beatniks » en Israël. Il est fasciné par leur mode de vie libertaire et confiant, et se remet lui-même à la peinture. Puis il se rend au Japon et s'installe pour quelques mois dans un monastère zen… mais sans y rencontrer l'illumination espérée. En avril 64, Fritz Perls s'établit à Esalen, au sud de San Francisco, dans une propriété devenue depuis célèbre, et baptisée « La Mecque de la psychologie humaniste ». De jeunes Américains, passionnés de psychologie et d'orientalisme, y animent un Centre de Développement du Potentiel humain où ils invitent d'éminents conférenciers pour animer séminaires et stages. 

Fritz Perls y organise quelques sessions de Gestalt et multiplie les démonstrations. Mais son heure de gloire n'est pas encore venue et ses stages n'attirent que 4 ou 5 participants dans le meilleur des cas !

Voilà. C’est tout pour le moment. La suite au prochain numéro. Amitiés à tous.

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