mercredi 9 mai 2018

Nouvelles précisions sur la Gestalt-thérapie (neuvième partie) (première partie, Orientation du Moi. chapitre 1, Le point de départ).




Un autre livre sur la Gestalt-thérapie

Des amis m’ont demandé d’apporter des approfondissements sur la gestalt-thérapie, la psychothérapie que je préfère actuellement. J’ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises dans ce blog. En voici quelques exemples :


Cet article est la suite de celui-ci. 

Le livre de référence sur le sujet est Gestalt-thérapienouveauté, excitation et développement de Frederick Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline.

L’ouvrage est divisé en deux parties distinctes. La première partie porte sur l’orientation du moi et se subdivise en 4 chapitres. Le chapitre 1 définit l’aspect scientifique de la gestalt-thérapie. Le chapitre 2 présente différentes expériences visant à développer ou à accroître chez l’individu sa capacité à entrer en contact avec son environnement. Les chapitres 3 et 4 présentent les différentes techniques de prise de conscience intégrée du soi. La deuxième partie de l’ouvrage porte sur la manipulation du moi. On y retrouve également 4 chapitres qui traitent globalement de 3 types de mécanismes névrotiques à l’origine des troubles psychologiques vécus par les individus. Ces mécanismes sont : la rétroflexion, l’introjection et la projection.

Je vais, pour que vous compreniez bien la démarche de la Gestalt, aborder le thème de la première partie, l’orientation du moi.

Première partie, Orientation du Moi. Chapitre 1, Le point de départ.

Mais quand ceux qui pratiquent la psychanalyse ou ceux qui en ont eu l'expérience en tant que patients emploient ce même terme, ils ne se réfèrent pas aux travaux écrits sur la psychanalyse. Ils veulent parler, au contraire, de ce qui a été, pendant un temps plus ou moins long, une manière de fonctionner qui a modifié leur organisme tout entier.

Un spécialiste ou un expert se conduit de la même façon. Prenons le cas d'un expérimentaliste qui prend connaissance d'une publication faite par un collègue, qui fait des recherches dans un domaine lié au sien. Les diagrammes ou images des instruments employés qui arrêteraient aussitôt le profane, il les comprend parfaitement. Il a lui-même utilisé ces méthodes et en est venu, par des études techniques ardues, à apprécier la nécessité de leur forme apparemment trop compliquée.

La façon de procéder est claire pour lui, les résultats sont nettement exposés et les conclusions qui les suivent sont logiques. Si, à son œil exercé, tout paraît en ordre, il acceptera les nouvelles découvertes et les utilisera, quand l'occasion s'en présentera, pour ses propres recherches.

Mais supposons que, à sa consternation, les conclusions de cette étude portent atteinte à l'une de ses théories favorites. Que fera-t-il ? Il peut entrer vigoureusement dans la lutte et attaquer par écrit l'étude qui le trouble, en exploitant à fond les points faibles qui peuvent s'y trouver. Ou il peut — et si c'est un expérimentaliste chevronné, il le fera — dédaigner le domaine de la polémique verbale et revérifier lui-même l'expérience qui l'embarrasse. C'est d'ailleurs la seule manière de résoudre son problème. Il ne suffit pas de démolir par la parole la publication de son rival, car cette publication est le fruit d'opérations non verbales.

Mais il faut aussi considérer le revers de la médaille. Dans la mesure où les psychanalystes ont voulu ignorer toute critique provenant de ceux qui n'appartenaient pas à leur fraternité ésotérique, ils se sont défendus par une pirouette qui a placé sur le même plan critiques judicieuses et injures gratuites. Mais cela étant, les récents développements qui ont eu lieu en pratique clinique indiquent que la plupart des controverses vont finalement être reléguées dans le passé.

Revenons au sujet précédemment abordé : l'opposition entre l'« expérimental » et le « clinique ». Mettons de côté les origines distinctes de ces deux approches, la physique newtonienne et l'art de guérir, et examinons les activités auxquelles se livrent actuellement ces deux écoles.

« Expérience » vient de experiri, essayer. Une expérience est « un essai ou une observation spéciale faite pour confirmer ou infirmer quelque chose de douteux, en particulier un essai dans des conditions déterminées par l'expérimentateur ; un acte ou une opération entrepris pour découvrir un principe ou un effet inconnu, ou pour tester, établir, illustrer une vérité suggérée ou connue ; test pratique ; preuve ».

Selon cette définition, la thérapie de l'entretien est expérimentale. Considérons le nombre de « variables » introduites dans le contexte délibérément simplifié de la situation thérapeutique, en comparaison de la complexité de la vie quotidienne. Le médecin et le patient sont seuls dans une atmosphère dépourvue de distractions. Les impératifs temporels habituels sont suspendus et, pour la durée de la séance, il y a disponibilité totale. Pendant une certaine période, la société se réduit à deux personnes. C'est une authentique société, mais durant cette heure, on est hors des pressions sociales habituelles, et les pénalisations qui, d'ordinaire, accompagnent un « mauvais comportement » n'existent plus. A mesure que l'expérience de thérapie se poursuit, le patient ose de plus en plus être lui-même. Il exprime ses pensées les plus secrètes que, jadis, il n'aurait même pas admis lui-même. Fluides et changeants, différents d'heure en heure ou de stade en stade, dans le processus total, ces phénomènes ne sont pas fortuits ni imaginaires. Ils sont prévisibles quand le décor est propice et les séances conduites avec habileté.

Outre cet aspect, l'interview thérapeutique est expérimentale à tout instant, dans le sens du « essayons et on verra ce qui va se passer ». On apprend au patient à s'expérimenter lui-même. («  Expérimenter » vient de la même source latine — experiri, essayer — que le mot « expérience », et le dictionnaire lui donne précisément le sens que nous entendons ici, « vivre un ou des évènements »).

Le thérapeute joue alors le rôle de ce que le chimiste appelle un « catalyseur », l'élément qui précipite une réaction qui ne se produirait peut-être pas autrement. Ce qui ne signifie pas qu'il prescrit la forme de la réaction — qui dépend des propriétés intrinsèques du matériel présent —, ni qu'il entre dans le composé qu'il aide à former. Il ne fait que déclencher un processus, et certains processus, une fois entamés, sont autocatalyseurs. C'est, pensons-nous, le cas en thérapie. Ce que le médecin déclenche, le patient le poursuit par ses propres moyens.

Le traitement terminé, ce qu'on appelle un « cas réussi » n'est pas une guérison dans le sens d'un produit fini. C'est un individu qui possède à présent les outils et l'équipement nécessaires pour affronter les problèmes qui peuvent survenir. Il a gagné plus d'espace qui lui permettra de travailler sans être encombré par des bribes et des fragments de situations inachevées.
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Dans le cadre de cette formulation, les critères des progrès thérapeutiques cessent d'être matière à discussion. La question n'est pas d'augmenter le degré d'« acceptation sociale » ou d'amélioration des « relations interindividuelles », telles qu'elles sont vues à travers les yeux de quelque autorité étrangère ou imposée, mais plutôt de donner la chance au patient de renforcer son énergie et de parvenir à un fonctionnement plus efficace. Bien que les autres, à coup sûr, puissent noter le changement, leur opinion favorable sur ce qui est arrivé n'est pas le critère de la thérapie.

Cette thérapie est flexible et en elle-même une aventure vitale. Le travail ne consiste pas, comme on le croit trop souvent, pour le médecin à « découvrir » ce qui ne va pas chez le patient puis à le « lui dire ». On n'a pas cessé de « lui dire » toute sa vie ce qu'il fallait faire et, dans la mesure où il a accepté ce qu'on lui a dit, il n'a cessé de « se le dire » à lui-même. Qu'on lui « dise » une fois de plus, même si cela vient d'un médecin auréolé de toute son autorité, ne produira pas de miracle. Ce qui est essentiel, ce n'est pas que le thérapeute apprenne quelque chose sur le patient pour le lui enseigner après, mais que le thérapeute enseigne au patient comment faire pour apprendre quelque chose sur lui-même. Cela implique qu'il devienne directement conscient de la manière dont, en tant qu'organisme vivant, il fonctionne vraiment sur la base d'expériences qui sont elles-mêmes non verbales.

Qu'on puisse parvenir à cette réalisation, certains développements dans des domaines avancés de la pratique clinique l'ont démontré sans conteste ces dernières années. Ce n'est pas le travail d'un seul homme ou d'un seul groupe d'hommes, et il n'a en aucune façon atteint le sommet de sa trajectoire.

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

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