mardi 17 juillet 2018

Nouvelles précisions sur la Gestalt-thérapie (quatorzième partie) (Orientation du Moi, deuxième partie, chapitre 2, Contact avec l’environnement, expérience 2).




La bicyclette.

Des amis m’ont demandé d’apporter des approfondissements sur la gestalt-thérapie, la psychothérapie que je préfère actuellement. J’ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises dans ce blog. En voici quelques exemples :


Cet article est la suite de celui-ci. 


Le livre de référence sur le sujet est Gestalt-thérapienouveauté, excitation et développement de Frederick Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline.

L’ouvrage est divisé en deux parties distinctes. La première partie porte sur l’orientation du moi et se subdivise en 4 chapitres. Le chapitre 1 définit l’aspect scientifique de la gestalt thérapie. Le chapitre 2 présente différentes expériences visant à développer ou à accroître chez l’individu sa capacité à entrer en contact avec son environnement. Les chapitres 3 et 4 présentent les différentes techniques de prise de conscience intégrée du soi. La deuxième partie de l’ouvrage porte sur la manipulation du moi. On y retrouve également 4 chapitres qui traitent globalement de 3 types de mécanismes névrotiques à l’origine des troubles psychologiques vécus par les individus. Ces mécanismes sont : la rétroflexion, l’introjection et la projection.

Je vais, pour que vous compreniez bien la démarche de la Gestalt, aborder le thème de la première partie, l’orientation du moi et plus particulièrement son chapitre 2 « Contact avec l’environnement »..

Première partie, Orientation du Moi. Chapitre 2, Contact avec l’environnement.

EXPÉRIENCE 2 : Sentir les forces opposées

Dans l'expérience précédente, nous vous avons demandé quelles étaient les difficultés que vous aviez rencontrées et nous les avons appelées « résistances ». Maintenant, il faut essayer de comprendre ce qu'est cette résistance et ce qui la provoque. Voici un indice que vous pouvez aisément vérifier : considérez ce qui se passe quand on donne ces instructions à un enfant sain. Il ne leur trouve rien d'étrange, d'artificiel, il ne trouve pas que c'est un affront à sa dignité, et si vous réussissez à vous en faire un ami, il vous abreuvera d'un flot continu de phrases. En fait, à un certain stade du développement du langage, il accompagne ses actions de monologues spontanés. Comparées aux nôtres, ses résistances sont négligeables.

Il apparaît donc que les résistances n'existent pas au départ. Si on pouvait comprendre la manière dont nous les avons acquises, cela nous donnerait des indications sur la façon de nous en débarrasser. Mais dans l'expérience présente, nous ferons simplement le premier pas vers la compréhension que les résistances nous appartiennent, qu'elles sont nôtres, aussi bien que ce à quoi elles résistent. C'est un travail difficile, parce que cela implique la découverte de notre interférence dans notre propre activité — en bref, que, sans en être conscient, nous combattons nos propres efforts, intérêts ou excitations.

Considérons le principe de l'équilibre. Au cœur de ce principe, il y a la notion d'équilibre de forces. Dans le laboratoire, un étudiant à qui on a dit d'utiliser cinq grammes d'un certain composé détermine cette quantité en mettant d'abord un poids standard — un morceau de métal pesant cinq grammes — sur l'un des plateaux de la balance. Dans l'autre plateau, il mettra le composé jusqu'à ce que les deux plateaux soient en équilibre, c'est-à-dire lorsque l'aiguille de la balance est à zéro. Toute tendance à pencher d'un côté est exactement contrebalancée par la tendance égale et opposée à pencher dans l'autre sens.

Un ascenseur est supporté par des câbles qui, en haut de la cage, s'enroulent sur des poulies auxquelles sont attachées des plaques de métal pesant à peu près le poids de l'ascenseur. Pour que l'ascenseur s'élève, il faut que le moteur exerce une force légèrement plus grande que la force nécessaire pour contrebalancer le poids des passagers ou de la charge. À l'inverse, pour que l'ascenseur descende, le moteur doit développer une force un peu moins grande que le poids de la charge. Cela illustre le fait que, lorsque de grandes forces sont vraiment en équilibre, il ne faut qu'une force supplémentaire minime, ajoutée d'un côté ou de l'autre, pour produire de grands changements.
Un corps en mouvement ne s'arrête que lorsqu'il rencontre des forces opposées suffisantes pour contrer son avance. Une balle sortant d'un pistolet ne continue évidemment pas sa course éternellement, mais elle s'arrête beaucoup plus vite si elle s'enfonce dans un tronc d'arbre ou si elle rencontre une balle de coton. De même, on le sait bien, une plume lâchée dans un bocal où on a fait le vide, tombe aussi « lourdement » qu'un morceau de plomb.

À partir de cette notion simple d'équilibre, considérons maintenant ce qu'exige un rééquilibrage constant. La vie d'un organisme demande un réajustement constant d'équilibres, mais limitons-nous pour le moment au seul exemple de rouler à bicyclette. Pour le débutant, c'est un exploit impossible. Quand il penche trop d'un côté, ou bien il ne compense pas suffisamment, en mettant son poids de l'autre côté ou en manœuvrant le guidon, ou bien, en désespoir de cause, il surcompense — et tombe de l'autre côté. Si, malgré les échecs et les bleus, il persiste, il finira par faire presque automatiquement les ajustements continus nécessaires pour rouler qui, à l'origine, lui semblaient impossibles à réaliser. Le cycliste n'atteint pas un équilibre statique sur sa bicyclette, mais corrige sans cesse le déséquilibre avant qu'il soit trop grand — et cela, loin d'être désagréable, fait partie du plaisir d'aller à bicyclette.

Pour atteindre et maintenir un équilibre sain dans ses activités, un individu doit être capable — comme le cycliste — d'apprécier les différences qui se produisent dans sa situation et d'agir sur elles. Elles peuvent être subtiles ou si frappantes qu'on ne puisse pas les ignorer. Cependant, pour remarquer quelque chose, il faut pouvoir le distinguer de son arrière-plan ou fond. Il faut qu'il s'en détache, qu'on puisse dire : « Ça fait une différence. » Si on ajoute à une surface blanche un peu de blanc, on ne le remarquera pas parce que, littéralement, il n'y a pas de différence. Un peu de noir, d'un autre côté, fournit un maximum de contraste et on verra le noir plus noir et le blanc plus blanc que si on les voyait séparément. Nombre de phénomènes n'existeraient pas si leur contraire n'existait pas aussi. Si le jour était semblable à la nuit, cette distinction n'aurait pas lieu d'être, et nous n'aurions pas inventé les mots correspondants.

Comme premier pas dans cette expérience :

Trouver des paires opposées, dans lesquelles aucun membre ne pourrait exister si son contraire réel, ou supposé, n'existait pas.

Il se peut que vous ne soyez pas entièrement satisfait de vos trouvailles. Certains termes contraires, pensez-vous, ne sont pas véritablement opposés et d'autres sont opposés dans un contexte très spécifique. Dans le cas de certaines paires, il existe des phénomènes supplémentaires qui occupent une position intermédiaire. Par exemple, « début-fin » possède un terme intermédiaire, « milieu » ; entre « passé » et « avenir » s'intercale « présent » ; le couple « désir-aversion » possède « indifférence ». Le terme intermédiaire de ces paires est spécialement intéressant dans la mesure où il constitue souvent un point « neutre » ou un « zéro », ou un « point d'indifférence », dans une sorte de dimension ou continuum. Dans une échelle algébrique, les valeurs numériques diminuent jusqu'à ce qu'on atteigne zéro. Au-delà de zéro, elles recommencent à croître mais en valeur négative. Le mécanisme de mise en marche de nombreux appareils possède des positions extrêmes, telles que « avant » et « arrière », et des positions intermédiaires « neutres » positions dans lesquelles, le moteur tournant, l'appareil reste statique ou tourne au ralenti.

Le pilote d'un avion, sur un porte-avions, doit décoller sur un espace réduit. S'il ne peut pas atteindre une vitesse suffisante avant la fin de la piste, il tombera tout simplement à l'eau. Pour réduire ce risque, il fait d'abord tourner le moteur de son appareil à pleine vitesse, en mettant les freins pour le maintenir immobile. Puis, quand le moteur fait tourner les réacteurs si vite que l'avion tremble, vrombit de toute sa carcasse, il lâche brusquement les freins et s'envole. Jusque-là, le pilote qui s'identifierait avec son appareil pourrait définir la situation comme suit : « Je ressens le terrible besoin de m'envoler, mais aussi la tendance égale et opposée à rester immobile. Si la situation se prolongeait, j'en mourrais. » Et naturellement, toute la manœuvre n'aurait aucun sens s'il n'y avait pas la claire intention, le moment venu, de relâcher les freins pour décoller.



Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

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