jeudi 6 juin 2019

Nouvelles précisions sur la Gestalt-thérapie (onzième partie) (La rétroflexion).






Un autre livre sur la Gestalt-thérapie



Des amis m’ont demandé d’apporter des approfondissements sur la gestalt-thérapie. J’ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises dans ce blog. En voici quelques exemples :


Cet article est la suite de celui-ci.

Le livre de référence sur le sujet est Gestalt-thérapienouveauté, excitation et développement de Frederick Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline.

L’ouvrage est divisé en deux parties distinctes. La première partie porte sur l’orientation du moi et se subdivise en 4 chapitres. Le chapitre 1 définit l’aspect scientifique de la gestalt-thérapie. Le chapitre 2 présente différentes expériences visant à développer ou à accroître chez l’individu sa capacité à entrer en contact avec son environnement. Les chapitres 3 et 4 présentent les différentes techniques de prise de conscience intégrée du soi. La deuxième partie de l’ouvrage porte sur la manipulation du moi. On y retrouve également 4 chapitres qui traitent globalement de 3 types de mécanismes névrotiques à l’origine des troubles psychologiques vécus par les individus. Ces mécanismes sont : la rétroflexion, l’introjection et la projection.

La rétroflexion

EXPÉRIENCE 12:

Recherche du comportement mal dirigé

« Retro-flectere » signifie littéralement « se retourner vivement contre ». Quand un individu rétrofléchit un comportement, il fait à lui-même ce qu'il a fait ou essayé de faire à d'autres personnes ou objets. Il cesse de diriger différentes énergies vers l'extérieur pour tenter de manipuler l'environnement en vue d'apporter des changements qui satisferont ses besoins ; au contraire, il dirige son énergie vers lui-même et se substitue à l'environnement comme cible de comportement. Dans cette mesure, il divise sa personnalité entre « celui qui fait » et « celui à qui on fait ».

Pourquoi cette rupture ? Pourquoi ne pas diriger son énergie vers l'extérieur, vers l'environnement ? Parce qu'il a rencontré, à un moment donné, ce qui était pour lui une opposition insurmontable. L'environnement — en particulier les autres individus — s'est montré hostile à ses efforts pour satisfaire ses besoins. Il l'a frustré et l'a puni. Dans une lutte aussi inégale —il était enfant —, il était certain de perdre. En conséquence, pour éviter la souffrance et le danger que comportaient d'autres essais, il a abandonné la lutte. L'environnement, étant plus fort, a imposé ses besoins aux dépens des siens.

Cependant, comme on l'a démontré de façon répétée ces dernières années par un certain nombre d'expériences, la punition a pour effet, non pas d'annihiler le désir de se comporter de façon punissable, mais d'enseigner à l'organisme à retenir les réponses punissables. L'impulsion ou le désir restent aussi forts que jamais et, puisqu'ils ne sont pas satisfaits, organisent constamment l'appareil musculaire — sa posture, son modèle de tonus musculaire, ses mouvements — en vue de l'expression de leurs manifestations. Puisque c'est précisément cela qui est punissable, l'organisme se comporte envers sa propre impulsion comme le fait l'environnement — c'est-à-dire qu'il essaie de la supprimer. Son énergie est donc divisée. Une partie tend toujours vers son but originel et jamais satisfait, et l'autre est rétrofléchie pour contrôler la première. La répression se fait au niveau musculaire, qui exprimerait l'impulsion punissable. À ce stade, les deux parties de la personnalité, luttant dans des directions diamétralement opposées, sont en conflit. Le conflit originel entre l'organisme et l'environnement s'est transformé en « conflit intérieur » — entre un comportement et son opposé.

N'en concluez pas immédiatement que nous voulons dire que tout serait parfait si nous pouvions tous, sans plus de façons, « vivre nos inhibitions ». Dans certaines circonstances, la retenue est nécessaire et peut même être vitale — par exemple, quand on retient sa respiration sous l'eau. La question importante qui se pose est de savoir si oui ou non l'individu a des bases rationnelles pour réprimer son comportement dans des circonstances données. En traversant une rue, il est indéniablement à son avantage d'étouffer son impulsion de contester la priorité à un camion. Dans des situations sociales, il est, en général, avantageux de réprimer la tendance à partir du mauvais pied (mais quand on a tous les atouts en main, c'est un problème très différent !).

Quand la rétroflexion est sous contrôle conscient — c'est-à-dire, quand un individu, dans une situation courante, supprime des réponses particulières qui, si elles étaient exprimées, seraient à son désavantage —, personne ne conteste l'intelligence de ce comportement. Ce n'est que lorsque la rétroflexion est habituelle, chronique, incontrôlée, qu'elle est pathologique. Ce n'est pas alors une réaction temporaire, une mesure d'urgence en attendant une meilleure occasion, mais une impasse perpétuelle dans la personnalité. En outre, puisque ce front ne bouge pas, il cesse d'attirer l'attention. Nous « oublions » son existence. C'est la répression — et la névrose.

S'il était vrai que l'environnement social restait inflexible et intransigeant — s'il était aussi dangereux à l'expression de certaines impulsions maintenant, qu'il l'était quand nous étions enfants — alors, la répression (la rétroflexion oubliée) serait efficace et désirable. Mais la situation a changé ! Nous ne sommes plus des enfants. Nous sommes plus grands, plus forts et nous avons des « droits » qu'on nous déniait quand nous étions enfants. Dans ces circonstances, cela vaut la peine d'essayer une nouvelle fois d'obtenir ce dont nous avons besoin de l'environnement !

Quand nous inhibons un comportement, nous sommes conscients à la fois de ce que nous supprimons et du fait que nous le supprimons. Dans la répression, au contraire, nous avons perdu conscience à la fois de ce qui est réprimé et du processus par lequel nous le réprimons. La psychanalyse a mis l'accent sur la redécouverte du matériel réprimé — l'impulsion bloquée. Nous voulons, au contraire, redécouvrir la prise de conscience du blocage, le sentiment qu'on le fait et comment on le fait. Quand l'individu aura découvert le caractère rétrofléchi de son action et retrouvé son contrôle, l'impulsion bloquée se débloquera automatiquement. N'étant plus réprimée, elle s'exprimera au grand jour. Le grand avantage de cette démarche — la découverte de l'agent répresseur actif —, c'est que le blocage appartient à un domaine aisément accessible de la conscience, qu'il peut être directement expérimenté et ne dépend pas d'interprétations plus ou moins douteuses.

Voilà. C'est tout pour le moment. Amitiés à tous.

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