samedi 14 septembre 2019

Histoire, théories et pratiques de la Rose-Croix par Michel Lamy (première partie).




Christian Rosenkreutz


Cet article est inspiré du livre « Histoire, théories et pratiques de la Rose-Croix » par Michel Lamy.

 Il est la suite de celui-ci, « Le parcours ésotérique de la Golden Dawn (première partie) »..

A la veille de l'édition des Manifestes rosicruciens, la crise morale engendre inquiétudes et troubles en Europe. Chacun aspire à une « nouvelle Réforme ». C'est dans ce contexte que la Rose-Croix lance son appel en proposant de nouvelles données propres à restaurer l'harmonie. D'une manière générale, on peut dire que l'ordre de la Rose-Croix propose l'hermétisme comme solution à la détresse ambiante. Dans ce but, il fait publier en 1614, à l'imprimerie Wilhelm Wessel de Kassel, un manifeste anonyme qu'on appelle par commodité Fama Fraternitatis. Cependant, son titre intégral est : Réforme universelle et générale du monde entier ; avec les échos de la louable Fraternité de la Rose-Croix écrite à tous les érudits et souverains d'Europe ; également une courte réponse de Monsieur Haselmayer pour laquelle il a été arrêté et mis aux fers sur une galère. Aujourd'hui publiée et communiquée à tous les cœurs sincères. Le texte qui en constitue la partie centrale, la Fama Fraternitatis, circulait déjà en Allemagne depuis 1610 sous forme manuscrite. Il sera d'ailleurs le seul à être conservé dans les éditions modernes de ce manifeste.

Les Nouvelles du Parnasse

Introduit par une courte préface, le premier Manifeste rosicrucien se compose de trois textes distincts. Le premier évoque la nécessité d'une réforme générale du monde. Bien que rien ne l'indique, il s'agit d'une traduction de l' aduis soixante-dix-sept du livre de Traiano Boccalini intitulé Ragguagli di Parnaso (Les Nouvelles du Parnasse) et publié à Venise en 1612. Ce texte est généralement peu connu. Pourtant, il est important dans la mesure où il place le projet rosicrucien dans son contexte, celui de la nécessité d'une réorganisation d'une Europe déchirée. Il est donc intéressant d'en présenter le propos. Son auteur, un ami de Galilée, appartient au courant antipapal vénitien de Paolo Sarpi. Cet ouvrage satirique utilise la mythologie pour peindre le climat politique qui règne en Europe. Il critique l'hégémonie monarchique espagnole des Habsbourg sur l'Europe chrétienne. À plusieurs endroits, Henri IV apparaît comme un héros, et l'une des scènes de l'ouvrage insiste sur le désespoir survenu après son assassinat en 1610.

La réforme d'Apollon

L'extrait des Nouvelles du Parnasse qui est traduit dans la Fama Fraternitatis raconte qu'Apollon apprit de l'empereur Justinien que les habitants de la Terre souffraient d'un grand désespoir à cause des querelles incessantes qui les opposaient les uns aux autres. Apollon, qui pourtant n'avait pas ménagé ses efforts pour envoyer auprès des hommes d'innombrables guides et philosophes dans le but de leur enseigner les bonnes mœurs, se décide alors à proposer une réforme universelle propre à rendre à l'humanité sa pureté primitive. Pour mener à bien ce projet, il convoque alors au Parnasse les sept sages de la Grèce, ainsi que Caton, Sénèque et d'autres. Chacun y fait ses propositions. Thalès, qui estime que l'hypocrisie et la dissimulation sont la cause principale des maux de l'humanité, suggère de percer une petite fenêtre dans le cœur des hommes pour imposer la candeur et la transparence dans leurs relations. Aussitôt, quelqu'un pose une objection : si chacun peut lire dans le cœur des princes qui dirigent ce monde, il deviendra impossible de gouverner ! La proposition de Thalès est aussitôt abandonnée.

Solon pense que les désordres sont provoqués par les haines et les jalousies qui sévissent parmi les hommes. Il conseille donc de répandre la charité, l'amour et la tolérance entre eux. Il ajoute que si les biens étaient plus équitablement répartis, les choses iraient beaucoup mieux. Là encore, les critiques s'élèvent et les sages du Parnasse crient à l'utopie. Caton propose une solution extrême : un nouveau Déluge pour supprimer d'un seul coup tous les « méchants ». Finalement, après que tous aient exposé leurs idées, le projet de réforme universelle d'Apollon se solde par une réglementation du prix des légumes et des anchois. Par cette satire, Traiano Boccalini montre combien les institutions, qu'elles soient religieuses, politiques ou philosophiques, sont incapables de faire évoluer les choses.

La Fama Fraternitatis

Au pessimisme de ce texte qui désespère de voir aboutir une réforme propre à ramener la quiétude en Europe succède l'optimisme du premier Manifeste rosicrucien. En effet, après le texte de Traiano Boccalini vient la Fama Fraternitatis proprement dite, un écrit assez court dans la mesure où il ne représente qu'une trentaine de pages sur un livre qui en compte cent quarante-sept au total. Malgré son petit volume, il constitue le cœur du premier Manifeste rosicrucien. Ici, les Frères de la Fraternité de la Rose-Croix s'adressent aux dirigeants, aux religieux et aux scientifiques européens. Après avoir salué l'époque heureuse qui a vu tant de découvertes apportées par des esprits éclairés, ils soulignent qu'elles n'ont malheureusement pas apporté à l'humanité la lumière et le bien-être auxquels elle aspire. Ils blâment des hommes de science, plus préoccupés par leurs succès personnels que par le fait de mettre leurs compétences au service de l'humanité. De même, ils montrent du doigt ceux qui s'accrochent aux vieilles doctrines, les tenants du pape, de la philosophie d'Aristote et de la médecine de Galien, ceux qui refusent de se remettre en question. Les Frères de la Rose-Croix évoquent l'opposition qui règne entre théologie, physique et mathématiques. Cette position n'est pas sans évoquer la manière dont Henri Corneille Agrippa définissait ce qu'il présentait comme la véritable science : la magie. En effet, au début du premier livre de son De Occulta Philosophia, il présente cette dernière comme l'accomplissement de toutes les sciences, puisque toute philosophie se divise en trois branches de savoir qui se complètent : physique, mathématiques et théologie. Après cet « état des lieux » de leur époque, les Frères de la Rose-Croix proposent d'offrir à leurs contemporains une connaissance régénératrice. Cette connaissance aux axiomes infaillibles leur vient du père C. R., le fondateur de leur fraternité, qui posa jadis les bases d'une réforme universelle.

Qui est donc ce personnage étrange ? C'est ce que raconte la suite de la Fama Fraternitatis. Il s'agit de , un jeune Allemand (la Confessio Fraternitatis nous apprendra  qu'il est né en 1378). À l'âge de seize ans, il accompagne un frère du couvent chargé de son éducation à un pèlerinage au Saint-Sépulcre de Jérusalem. Ce périple vers l'Orient sera pour lui un véritable voyage initiatique. Son compagnon meurt à Chypre. La mythologie fait de cette île le lieu de la naissance d'Aphrodite (Vénus), dont l'union avec Hermès donna naissance à Hermaphrodite, un enfant androgyne. Cette allusion à Chypre dans la biographie de Christian Rosenkreutz n'est pas dénuée de connotation alchimique. Elle annonce déjà des thèmes qui seront développés dans les Noces chymiques de Christian Rosenkreutz.

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous !



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