mardi 8 mai 2018

Nouvelles précisions sur la Gestalt-thérapie (quatrième partie).



Un livre de Frederick Perls

Des amis m’ont demandé d’apporter des approfondissements sur la gestalt-thérapie, la psychothérapie que je préfère actuellement. J’ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises dans ce blog. En voici quelques exemples :


Cet article est la suite de celui-ci.

Le livre de référence sur le sujet est Gestalt-thérapienouveauté, excitation et développement de Frederick Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline. Je vais, pour que vous compreniez bien la démarche de la Gestalt, vous citer une partie de son introduction.

La plus grande valeur de l'approche gestaltiste réside peut-être dans la notion que le tout détermine les parties, ce qui s'oppose à l'hypothèse précédente que le tout n'est que la somme totale de ses éléments. La situation thérapeutique, par exemple, est plus qu'un évènement statistique se composant d'un médecin et d'un patient. C'est la rencontre d'un médecin et d'un patient. Si le médecin est rigide et insensible aux exigences spécifiques des fluctuations constantes de la situation thérapeutique, ce n'est pas un bon thérapeute. C'est un tyran, un homme d'affaires ou un dogmatique ; mais ce n'est certainement pas un thérapeute s'il refuse de faire partie du processus de la situation psychiatrique. De même, le comportement du patient est dicté par nombre de variables de l'entretien. Seuls les individus complètement rigides ou fous (oublieux du contexte dans lequel ils opèrent) se comporteront dans la salle de consultation comme ils le font à l'extérieur.

Ni la pleine compréhension des fonctions de l'organisme, ni la meilleure connaissance de l'environnement (société, etc.) ne rendent compte de la situation totale. Seule l'interaction de l'organisme et de l'environnement (la théorie des relations interindividuelles de Harry Stack Sullivan en donne un exposé partiel) constitue la situation psychologique, et non pas l'organisme et l'environnement pris séparément. L'organisme isolé et ses abstractions — esprit, âme et corps — et l'environnement isolé constituent les sujets de nombreuses sciences : la physiologie, la géographie, etc., mais ils ne sont pas l'objet de la psychologie.

En négligeant cette limite, on a, jusque-là, empêché la création d'une théorie adéquate de la psychologie du normal et de l'anormal. Puisqu'il ne fait aucun doute que les associations et les réflexions existent, la plupart des théories précédentes, et même, dans une grande mesure, celle de Korzybski, concluent que l'esprit se compose d'une masse d'associations, ou que le comportement et la pensée consistent en réflexes. Les associations, les réflexes et autres automatismes expliquent aussi peu l'activité créatrice de l'organisme que l'obéissance de soldats disciplinés ne rend compte de la stratégie et de l'organisation de la guerre.

La sensation et le mouvement sont tous deux des réactions actives, et non des réponses mécaniques de l'organisme quand il rencontre des situations nouvelles. Le système sensoriel de l'orientation et le système musculaire de manipulation fonctionnent corrélativement, mais en tant que réflexes, dans les strates les plus basses, totalement automatisées et n'exigeant aucune conscience. La manipulation est le terme (assez maladroit) qui définit toute activité musculaire. Par intelligence, nous entendons orientation correcte, par efficacité, manipulation adéquate. Pour retrouver celles-ci, le névrosé désensibilisé et immobilisé doit regagner une pleine conscience, c'est-à-dire la sensibilité, le contact, l'excitation et la formation de gestalten.

Pour y parvenir, il faut changer notre vision de la situation thérapeutique en reconnaissant que toute approche non dogmatique est fondée sur la méthode empirique de la nature. De cette façon, le clinique devient situation expérimentale. Au lieu d'imposer des demandes implicites ou explicites au patient — reprenez-vous, ou relaxez-vous ; ou ne vous censurez pas, ou encore vous êtes vilain, vous avez des résistances, ou vous êtes complètement mort —, il faut comprendre que ces demandes ne font qu'accroître les difficultés du patient, le rendre encore plus névrosé, encore plus désespéré. Nous suggérons des expériences graduées qui — et ceci est de la plus haute importance — ne sont pas des tâches à accomplir en tant que telles. Nous demandons explicitement : que se passe-t-il si vous essayez de faire ceci ou cela plusieurs fois ? Avec cette méthode, nous amenons à la surface les difficultés du patient. Ce n'est pas la tâche, mais ce qui empêche son accomplissement, qui se trouve au cœur de nos préoccupations. En termes freudiens, nous faisons apparaître les résistances elles-mêmes pour tenter de les réduire ensuite.

Ce livre a plusieurs fonctions. 

Pour ceux qui travaillent dans le domaine de l'éducation, de la médecine et de la psychothérapie, voici une bonne occasion d'abandonner une attitude sectaire, à savoir que leur point de vue est le seul valable. Nous espérons leur montrer qu'ils peuvent prendre en considération d'autres approches, sans que leur vie en soit menacée. 

Au profane, nous proposons une voie systématique pour son développement et son intégration personnels. Pour en tirer le maximum de bénéfices, cependant, le lecteur devra aborder les deux parties du livre en même temps, peut-être de la façon suivante : faire les expériences aussi consciencieusement que possible. Une simple lecture ne mènerait pas loin. Elle peut même vous laisser le sentiment d'être confronté à une tâche gigantesque et sans espoir ; alors que si vous faites les expériences, vous sentirez bientôt que vous commencez à changer. Pendant que vous travaillez la partie pratique, lisez la seconde partie du livre une fois sans vous préoccuper de tout comprendre. Vous trouverez peut-être souvent cette lecture excitante et stimulante, niais dans la mesure où la vision complète diffère grandement de la manière de penser habituelle, vous ne pourrez pas l'assimiler tout de suite, à moins que vous ne soyez familiarisé avec les écrits de Korzybski, de L.L. Whyte, de Kurt Goldstein et autres gestaltistes. Après cette première lecture, ce sera à vous de décider si vous avez tiré des bénéfices suffisants de cette première approche, et vous pourrez alors commencer une lecture systématique de la partie théorique. Finalement, si vous suivez une thérapie ou si vous étudiez la psychanalyse, vous découvrirez que ce travail n'interfèrera en aucun cas avec votre thérapie, mais qu'il la stimulera au contraire et qu'il vous aidera à franchir le stade de la stagnation.

  
Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire