vendredi 27 juillet 2018

Compte rendu du livre « Trouver la bonne distance avec l’autre grâce au curseur relationnel, être attentif sans se faire envahir, ferme sans être rejetant » de Catherine Deshays (deuxième partie, une attitude sereine face aux émotions).





Les émotions.


Je viens de lire un livre que j’ai trouvé très instructif et subtil pour les professionnels de l’accompagnement psychologique. Il s’agit de « Trouver la bonne distance avec l’autre grâce au curseur relationnel, être attentif sans se faire envahir, ferme sans être rejetant » de Catherine Deshays. L’auteur est médecin psychiatre et didacticienne en Gestalt-thérapie.

L’ouvrage montre à toute personne à l'aide d'un outil simple à utiliser comment poser les limites entre elle et les autres et préserver bien-être et qualité relationnelle. Il aide à garder l'esprit d'accueil et à construire l'empathie tout en restant à l'intérieur du cadre de la relation — soins, amitié, travail, encadrement, accompagnement, etc. — notamment en situations émotionnellement chargées.

Les coachs, les éducateurs, les psychothérapeutes, les médecins et les professionnels du soin, tout comme les managers et leurs équipes, y trouveront les repères pour travailler plus sereinement.

Dans l’introduction « Les affects incontournables dans la relation », l’auteur conseille de « Prendre le temps de l’entrée en contact ».

Une attitude sereine face aux émotions

Il faut insister sur le caractère ordinaire et souvent opportun de l'émotion provoquée chez notre interlocuteur, ou chez l'intervenant.

Nous pouvons être émus, forcément, quand nous sommes touchés, quand nous sommes atteints, bouleversés, ébranlés. N'est-ce pas une heureuse chose ?

Notre interlocuteur sera ému, particulièrement si nous sommes dans une attitude d'écoute, d'accueil, de présence, de considération, d'intérêt manifesté à ce qui est en train de se passer, d'attention soutenue, de patience, d'indulgence. N'est-ce pas une heureuse chose ?

L'émotion, pour reprendre l'étymologie, signifie un mouvement en dedans. « Ça remue, ça bouge en dedans » et les oscillations deviennent perceptibles, elles se manifestent et s'extériorisent et nous donnent l'occasion de devenir conscients qu'il y a quelque chose qui nous remue.

L'émotion nous surprend, nous ne pourrons pas le décider. Elle nous emporte là où nous ne sommes plus maître « Il n'est plus lui-même », « Il est hors de lui ».

EN PRATIQUE, ACCUEILLIR L'ÉMOTION

Accueillir l'émotion d'autrui, c'est accueillir notre propre émotion qui émerge aussi : nous sommes nous-mêmes troublés, émus, et nous risquons de l'être encore davantage en étant sensibles à l'émotion d'autrui.

Puis reformuler, souligner, manifester que nous avons perçu un trouble.

         « Il a l'air de se passer quelque chose qui vous touche. »

         « Vous avez de l'émotion. »

         « Il y a quelque chose qui vous remue. »

         Les reformulations à la forme affirmative sont moins intrusives, car elles ne poussent pas à une réponse.

Les professionnels craignent d'avoir des réactions émotionnelles exagérées, car ils ont peur de perdre le contrôle, leur rôle, leur statut.


LA PEUR D'ÊTRE ÉMU

·           Peur de perdre la face ? Il est politiquement correct de ne pas montrer d'émotion, mais si nous sommes affranchis de ces normes, alors tout est possible.

·           Peur d'être ému de manière disproportionnée ? La peur de la peur amplifie l'émotion. Plus nous sommes insécurisés, plus nous sommes vulnérables à la déstabilisation et à l'apparition d'émotions supplémentaires.

·           Peur de pleurer ? Et alors ? Qui juge que ce n'est pas bien ? Ce n'est pas un problème pour la personne qui confie sa tranche de vie et qui voit s'émouvoir et même pleurer son témoin, au contraire. La personne reçoit ainsi une sorte de reformulation non verbale, un accusé de réception sensible, qui se passe de commentaires. Mais il peut être aussi intéressant d'expliciter notre émotion : « Je vous écoute, et ce que vous dites et ressentez me rend triste ». Il est vrai qu'il arrive que l'émotion exprimée du soignant ou de l'intervenant étonne et surprenne. La personne est un peu ennuyée, déconcertée, mais ces sentiments laissent souvent la place au fait de se sentir compris, vraiment compris.

·           Peur de la colère ? La colère est saine, bien qu'elle soit dans la liste des 7 péchés capitaux. La colère est un état d'irritation violente et agressive causé par un profond mécontentement selon le dictionnaire. La colère peut être rentrée, retournée contre soi-même, exprimée ou agie. Il y a des nuances qui échappent au dictionnaire'. La colère est culturellement négative, violente et agressive. Mais ce sont des perceptions construites par des représentations bien ancrées. Exprimer un mécontentement avec fermeté et véhémence peut être ressenti comme étant agressif et violent, mais ce vécu n'est-il pas dépendant du ressenti d'autrui et de la tolérance à entendre la colère ? La colère exprime une privation, une insatisfaction, une injustice, une perte, une intrusion... Cet état peut impressionner, car la voix est forte, courroucée, et nous pouvons nous sentir menacés, simplement parce que nous réactivons des peurs et de l'insécurité quant à la suite des événements. La colère n'est pas synonyme d'agression, mais nous pouvons surajouter du déni en minimisant la colère, et en désavouant le bien-fondé de cet état passager.

Situation 5 : Vais-je être à la hauteur de réconforter une personne qui est en détresse ?

Valérie est bénévole dans une structure d'accueil pour des personnes qui souffrent de cancer. La mère de la directrice et créatrice de ce centre rechute d'un cancer, elle interpelle Valérie, et lui fait part de sa détresse. Valérie l'écoute, mais elle n'a pas beaucoup de disponibilité à ce moment-là, car une autre personne l'attend. Elle propose un entretien un jour plus tard à la directrice. Mais Valérie se dit : « Ai-je les moyens de faire quelque chose pour elle ? Où en suis-je dans mon rapport à la mort ? Que dois-je lui dire ? Il y a sûrement quelque chose de particulier à lui dire avec cette problématique-là de la maladie de sa mère en fin de vie. Ne vais-je pas être trop touchée, trop sensible face à elle ? Que va-t-elle penser si je suis émue et si je pleure aussi, c'est ma directrice ! Vais-je être aidante si je pleure aussi ? Si je pleure c'est que je ne suis pas assez forte... Comment apporter du réconfort ? »

Cette situation illustre que souvent l'aidant pense qu'il a à faire quelque chose, à dire quelque chose en fonction du thème de l'entretien, et qu'il a des choses à savoir pour être compétent. Après exploration avec Valérie, ce qui est mis en évidence, est que la détresse de sa directrice la touche fortement et elle craint de lui montrer cette sensibilité. Valérie se juge négativement dans cette sensibilité, elle la voit comme une preuve de faiblesse et d'incompétence, et elle craint le jugement de sa directrice par la projection qu'elle fait sur elle. Montrer sa sensibilité au point d’être émue, c'est lui témoigner qu'elle est touchée de ce que lui dit et lui fait vivre sa directrice. Dans cet instant-là, qui peut durer de quelques secondes à... plusieurs minutes, la personne à qui elle confie ses affects est affectée aussi. Elle peut sentir un rapprochement tangible. Je dis bien sentir, ce qui est différent de savoir. C'est dans cette expérience que le réconfort peut se ressentir. Mais montrer sa sensibilité n'est pas une intention que l'on peut commander. Être là, dans la présence, dans l'attention à la personne au travers de ses paroles et de ses ressentis, le sien et le vôtre, sont déjà les conditions de l'émergence d'un réel sentiment de réconfort.

Situation 6 : Le partage de nos ressentis en tant qu'intervenant est un levier de changement

Claire, 45 ans, venait me voir pour des séances d'acupuncture. Elle se plaignait de douleurs dorsales terribles qui l'empêchaient de dormir. Les soins soulageaient un peu sa douleur, mais celle-ci revenait sans cesse, lancinante, obsédante. Parallèlement, lors des séances, elle me racontait sa vie, dans les petits moments que je laissais disponibles pour l'écouter au cours du soin. Elle se laissait maltraiter par son patron, son mari, sa mère, sa fille. Elle était exigeante « Je veux faire bien mon travail, être une bonne épouse, une bonne mère... » Elle ressentait trop de culpabilité, de dévalorisation d'elle-même pour oser changer quoique ce soit, elle ne pouvait supporter de recevoir des reproches, aussi elle disait « je ne peux pas faire autrement ». Son dos souffrait. De la voir fatiguée, au bord de l'épuisement, sans espoir de changement, me fatiguait aussi... Et m'attristait également. C'est avec mon émotion, ce que je ressentais, c'est-à-dire ma tristesse, mon découragement, mon inquiétude que je lui ai dit ça. Plus tard, elle m'a dit comment cela l'avait aidée à se rendre compte de son état. Elle prit conscience de là où elle était, de son épuisement et de ses impasses. Cette prise de conscience a été le début d'un changement.

Il n'y a pas de mal à être ému, que cela soit la tristesse, la colère, la peur, la joie. Cela fait partie de notre palette émotionnelle qui nous indique les enjeux à l'œuvre, et nous aide à mieux se positionner.

  

Voilà. C’est tout pour le moment comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.


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