jeudi 2 avril 2020

« Promenade en mentalisme » (article de Gérard Kunian paru dans le journal de prestidigitation « Magicus Magazine », N° 181, septembre – octobre 2012, Dossier mode mentalisme).



  
Le magicien, dessinateur, critique de spectacles, traducteur, Gérard Kunian.



Dans le cadre de mon projet de publier un article chaque jour dans ce blog pour desennuyer les magiciens confinés, le journal Magicus Magazine et son directeur de publication Didier Puech m'ont autorisé d'une manière très généreuse à reproduire un  ancien article de leur journal du numéro 181 (septembre-octobre 2012). Un grand merci à eux pour leur formidable action. Je rappelle que le journal Magicus Magazine en est à présent à son 221 ème numéro. Tous les numéros sont passionnants : abonnez-vous donc au Magicus Magazine, commandez les anciens numéros dont par exemple celui-ci  dont j’ai extrait cet article consacré au mentalisme écrit par Gérard Kunian


« Promenade en mentalisme

 Il en est chez les magiciens comme chez le reste des humains normaux, il y a des modes et n'est pas magicien aujourd'hui qui n'est pas mentaliste. C'est beau, c'est nouveau, tout nouveau : les cartes bleues flambent, dvd et livres s'arrachent et font les beaux jours des marchands.

 Si je consulte les livres et revues an­glo-saxonnes des années 30, on trouve des « mentalist tricks » à foison. Annemann et son Jinx (début en 1934) dans lequel écrivait Clayton Rawson auteur de ro­mans policiers, est le chantre des années qui précédèrent la Première Guerre Mondiale, la­quelle eut pour conséquence bénéfique outre de relancer l'industrie du bâtiment que de marquer la fin de l'âge d'or de la magie dans les grands théâtres au profit des spectacles de cabarets et du close-up.
Il faut donc avoir sous le coude les ouvrages d'Annemann et de Corinda qui restent des bibles pour quiconque veut s'initier aux arcanes pro­metteurs de ce domaine particulier de l'art ma­gique. Il n'est pas inutile de faire une salade rus­se pour ne pas dire un salmigondis de connaissances qui vous permettront de donner à vos auditeurs une illusion de modernisme pseudo psycho, socio tralala : donc à vous la lectu­re des ouvrages consacrés à la PLN, acronyme non pas de « petit lapin nul » comme le croyait ma copine Sue, mais de programmation neuro­linguistique - « NLP » en anglais - ; de quoi qui s'agit donc t'y ? Ça se veut un ensemble coor­donné de connaissances et de pratiques dans le domaine de la psychologie, fondées sur une dé­marche pragmatique de modélisation, en ce qui concerne la communication et le changement. Ouf ! On doit ces merveilles abscondes aux tra­vaux des éminents Richard Bandler et John Grinder dans les années 1970, aux États-Unis. Grâ­ce leur soit rendue.

Ne nuit pas non plus une Lite initiation à l'É­sotérisme, aux ouvrages théoriques étudiant les tarots. Et quand vous aurez plus ou moins digéré ces connaissances, vous aurez mis le pied à l'é­trier de la. locomotive qui vous fera galoper sur l'étroit mais fabuleux sentier qui vous mènera sans faillir à une gloire méritée.

Les spectacles de « mentalisme » se sont multipliés. Qui ne se souvient pas du « Script » avec Rémi Larrousse mis en scène par Benjamin Boudou et lui-même, de Viktor Vincent (« Sy­napses ») et des amis d'Arthur Jugnot (« Tout est Ecrit ») dont nous avons rendu compte dans le bien informé magazine que vous lisez en ce moment. Je suis parti à la découverte des spec­tacles nouvellement offerts aux Parisiens en mal d'étonnements mentaux.
J'en distingue de deux sortes, pas des Pari­siens bien sûr mais des pestacles ! Il y a ceux où le présentateur enchaîne des effets les uns à la suite des autres : ça m'évoque une démonstra­tion souvent bien faite de marchands de trucs, l'autre catégorie de présen­tateur semble avoir compris ce que professait le bon Albert Goshman : « The trick is not important, YOU HAVE TO BE MAGIC ! * ».
Dans la première catégorie, je se­rais tenté de classer Laurent Tesla au Théâtre du Petit Gymnase dont le costume est plus original que ses pré­sentations qui sont d'ailleurs bien ac­cueillies par le public.
À mon grand regret, par suite d'une erreur de ma part concernant ses dates à Paris, je n'ai vu de Xavier Nicolas que le numéro qu'il a eu le courage de présenter en concours à Aix-en-Provence. Par erreur de stratégie, il a risqué une expérience où un spectateur devait se servir d'une tablette numérique. Faute d'un pré-show (pas admis dans les concours : ah mais c'est qu'on ne plaisante pas avec le jury qui n'est pas là pour rigoler comme on sait)... Un sort fu­neste a amené sur scène le seul spectateur qui ne comprenait rien à rien et Xavier, lauréat de la Mandragore d'Or, s'est trouvé dans un ca­fouillage réjouissant sauf pour lui. Donc ce n'est que partie remise j'irai le voir à la Tour de Nes­le, théâtre qui l'a réengagé, ce qu'on peut considérer comme bon signe.
Sur la rive droite, au Théâtre de Dix Heures on doit aller voir Giorgio. Il s'est attribué le titre  de « Mental Expert ». Le mot expert vaut ce qu'il vaut et ce n'est pas le bon Hjalmar de Lyon qui nous contredira, mais le spectacle aux « Dix Heures » vaut le détour, bien que Georgio s'offre le concours d'un coffret aussi coûteux que so­phistiqué pour un effet final du genre « tout était prévu ». Son très agréable spectacle s'articule comme les chapitres d'un livre qui déclinerait les différents domaines du mentalisme. Georgio a de l'humour, on rit souvent et la révélation fi­nale laisse le public pantois.
Je n'ai pas eu le plaisir de voir le spectacle de Mathieu Chesneau qui officie à La Petite Loge près la Place Pigalle où comme on sait les petites femmes se font rares (mais ce n'est pas mon propos). Restent mes deux favoris : Fabien Olicard et Julien Losa à qui je décerne le « palet d'or » de chez Bernachon (de Lyon) suprême ré­compense au chocolat que je n'accorde qu'à ceux qui m'ont fait beau­coup rire ou encore qui m'offrent un repas fas­tueux avant ou après mes interviews dont on connaît la vénalité sous-jacente. Mais d'abord re­venons au monde farfelu de Fabien Olicard : il remplit la petite salle du Théâtre des Trois Bornes sis dans la rue épo­nyme, laquelle abonde en petits rades sympas où qu'on se cause encore entre mammifères in­connus et urbains. Le spectacle très interactif, très malicieux permet à Fabien d'y glisser des tours de prestidigitation menés de main de maître - il libère en un clin d'œil ses poignets entravés par un spectateur à l'abri d'un veston qui fait office de cabine spirite - avant de se li­vrer aux expériences de divination ou de pré­vision chères aux menteurs à listes de trucs ! Le bon côté du spectacle d'Olicard c'est qu'il truffe ses présentions de bons mots commen­tant et brocardant l'actualité tout en égratignant certaines personnalités.

Enfin voici l'homme à plusieurs facettes, le magicien qui ressemble au célèbre Dr House de la série qui porte son nom, j'ai nommé Ju­lien Losa. Il joue de son physique, de son sou­rire ravageur et fait craquer les demoiselles tout en étant assez malin pour ne pas froisser les garçons.
Faut dire qu'en magie il a plusieurs heures de vol et peut présenter bien autre chose que du « mentalisme ».
À ce propos, une fois par semaine on le re­trouve rue Frochot (à côté de Pigalle, là où qui gna plus de petites darnes... vous savez, je l'ai dit plus haut !) dans un lieu intitulé « La Foule » sorte de cabaret cosy, où assis dans des fauteuils ou calé dans un sofa moelleux, vous assistez à un spectacle complet avec des artiste variés - Ah, Sarah Cohen quelle voix ! - mais je m'égare, et d'un doigt sur le clavier je reviens à Losa qui utilise très peu les trucs de marchands et qui pourtant réussit sans matériel spécial un « tout était écrit » très im­pressionnant.
Julien détourne aussi des pièces truquées pour un jeu de « dans quelle main », dont le résultat des différents rounds est sous son contrôle in­soupçonné. Je n'en dirai pas plus, allez le voir à la Comédie Saint-Michel, tout en haut du bou­levard, après la station « Luxembourg ».
Last but not - menta - least.
Une mention spéciale concerne Benoit Rosemont qui se livre aux vrais calculs savantissimes de calculateur prodige à la mémoire phé­noménale capable de toutes les extractions de racines cubiques et autres réjouissances amusantes consistant à mémoriser une suite d'affir­mations et de négations, réponses à des ques­tions aussi farfelues qu'amusantes.
Bref courez le voir, chaque expé­rience est un ex­ploit avec un plus inattendu qui vient confondre ceux qui croient savoir.
Le Double-Fond, le Théâtre Trévise ouvrent également leurs scènes aux mentalistes. Faute de place, nous en reparlerons dans un autre numéro de Magicus magazine. Au (2) mois prochain et surtout n'ayez pas peur de nous faire partager vos découvertes, nous en ferons notre miel. »

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous !



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire