mercredi 4 juillet 2018

Compte rendu du livre « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls (trente-deuzième partie).





Gaz asphyxiants dans les Flandres.


Je viens de lire un livre que j’ai trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans »  de Fritz Perls.

Cet article est la suite de celui-ci. 

Voici le résumé de ce livre.

Premier lecteur. — Hé ! là ! arrête ce bla-bla-bla sentimental ! J'ai payé pour pouvoir jeter un coup d'œil sur ce que tu as fait. Tu as quitté le Japon, et ensuite où es-tu parti ?

Fritz. — A Hong Kong, bien sûr.

Deuxième lecteur. — Tu as dû faire pas mal d'achats intéressants ?

Fritz. — Oui et non. J'ai trouvé un manteau pour trente dollars, mais il était trop étriqué. Et j'ai acheté un smoking blanc que j’ai utilisé pour les dîners à bord, mais depuis il est resté accroché des années dans ma penderie avant que je m’en serve.

Troisième lecteur. — Quelle était alors la situation politique ?

Fritz. — Je ne m'en souviens pas. Je suis allé pour me marrer voir les fils de fer barbelés qui séparent la Chine de la colonie de la Couronne, rien que pour pouvoir dire que j'avais jeté un coup d'œil sur la République populaire.

Le troisième lecteur, à nouveau. — Y avait-il beaucoup de réfugiés de Chine populaire ?

Fritz. — Oui, ils vivaient sur les collines dans des cabanes terriblement surpeuplées ou des sortes d'H.L.M. plus que bondées. Eh ! les gars, mais qu'est-ce que vous faites ? Vous voilà comme des journalistes, à me poser des questions, comme à un V.I.P. qui leur fait l'aumône de ses réponses...

Les trois lecteurs ensemble. — Calme-toi, Fritz ! D'abord, nous sommes un produit de ton imagination. Et c'est toi qui te prends pour un V.I.P.

Fritz. — Bon, bon, je l'admets. Voulez-vous que je profite de l'occasion pour parler des projections ?

Les lecteurs. — Non, non. Nous voulons que tu continues de raconter ton voyage autour du monde. Tu as dit que la flèche était prête à bondir vers son but, Esalen, bien avant que tu y arrives, et que cela n'était pas sans rapport avec ton voyage autour du monde.

Fritz. — C'est juste. En dépit de ma nature toujours agitée de bohémien, je cherchais un endroit où planter ma tente pour quelque temps. J'avais pensé à Kyoto et à ses charmants habitants, et aussi à Eilat, en Israël.

Lecteurs. — Ha, ha ! Le vieux juif qui revient sur la terre de ses pères. Nous qui te prenions pour un athée !

Fritz. — C'est juste. Bien que j'aie eu au moins une expérience religieuse dans ma vie, en 1916, dans les tranchées des Flandres. J'étais médecin, attaché au 36° bataillon de Pionniers. C'était une unité spécialement entraînée pour attaquer l'ennemi avec des gaz asphyxiants. Mon ordre original de rester auprès de l'officier médical de la troisième tranchée fut changé et je dus me rendre à la première tranchée, la plus dangereuse. Nous étions épaulés par deux compagnies de lanceurs de gaz. A trois heures du matin, nous fîmes une attaque aux gaz, mais, en l'espace de quelques minutes, nous fûmes soumis à un tir de barrage britannique. Deux heures d'enfer, et pourtant je n'ai pas eu beaucoup de blessés à soigner. J'ai eu moi-même une blessure superficielle au front, qui est encore visible, sauf quand je suis bronzé ; sur quelques photos, on dirait un troisième œil. Plus tard, j'ai appris que la troisième tranchée avait reçu un coup au but et que le médecin et ses deux assistants avaient été tués.

Pendant notre retour, un lever de soleil d'une beauté stupéfiante. Je sentis la présence de Dieu. Ou était-ce de la gratitude, ou bien le contraste entre la canonnade et ce silence serein ? Qui peut le dire ?
De toute façon, ce n'était pas assez pour me convertir. Goethe a peut-être raison quand Faust répond à Marguerite :

Religieux est l'homme
Qui se voue à l'art
Ou encore s'il le peut
S'appuie sur la science experte.
Mais sans un tel soutien,
Un homme à qui est échu
Un vide qu'il ne peut remplir
Un tel homme a besoin de croire en Dieu.

Voilà qui est bien mal traduit. Goethe est le seul poète que personne ne puisse traduire. Il a une unité de langage, un rythme, une sensibilité dont la subtilité disparaît dès qu'on lui fait parler une autre langue.

Non, mon retour n'était pas celui du juif dans sa patrie, bien que pendant quelque temps j'aie caressé l'idée de m'installer en Israël. Mais pour moi, et non pour le pays ni pour ses habitants.

Ma relation avec le judaïsme et les juifs est tout ce qu'il y a de moins définie. Je connais assez bien l'histoire allemande, grecque ou romaine. Quant à l'histoire du peuple juif — je ne puis même pas dire de mon peuple, tant je m'identifie peu avec lui —, je n'en sais pratiquement rien. Les juifs d'Europe orientale, avec leurs caftans et leurs « payes » (longs favoris bouclés) tels que je les vis dans ma jeunesse, avaient pour moi quelque chose d'étrange et d'inquiétant, d'effrayant même, comme les moines. Ils n'appartenaient pas à mon univers. Et pourtant j'aime les histoires juives et leur féconde vivacité d'esprit.

Des Israéliens viennent souvent à mes séminaires, et j'ai un préjugé en leur faveur, surtout s'ils sont Sabra (nés en Israël). J'ai de l'estime et de la vénération pour le juif droit qui ne fait qu'un avec sa religion, son Histoire et son mode de vie. Leur sionisme a un sens, bien que je persiste à le considérer comme une manifestation de sentimentalité dépourvue de réalisme et de bon sens.

La plupart des juifs ne sont pas venus en Israël dans un esprit sioniste. Ils arrivèrent en tant que réfugiés fuyant Hitler, et il y a beaucoup d'endroits au monde où leur ingéniosité aurait pu faire fleurir plus facilement les déserts, en semant moins d'hostilité. Mais, à tout prendre, je te salue, Israël, toi et ton esprit Makabbi.


Voilà. C’est tout pour le moment comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.


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