Le livre en question.
En octobre
2016, j’avais été très intéressé par la conférence de Philippe Marlin sur
l’ésotériste John Dee pour l’association « L’œil du sphinx » : « Retour sur
l’exposition sur la bibliothèque perdue de John Dee ».
http://jeanfrancoisgerault.blogspot.com/2016/10/compte-rendu-de-la-conference-de.html
En 2019, j’avais rédigé un compte rendu d’un livre sur la Rose-croix : http://jeanfrancoisgerault.blogspot.com/2019/09/histoire-theories-et-pratiques-de-la.html
J’ai noté en 2020 dans un autre article que Philippe Marlin avait de bonnes connaissances sur l’AMORC, (Antiquus Mysticusque Ordo Rosae Crucis), un mouvement rose-croix : http://jeanfrancoisgerault.blogspot.com/2020/03/compte-rendu-de-louvrage-philippe.html
Les deux sujets se réunissent dans un livre de l’historienne Frances A. Yates « La lumière des Rose-Croix » dans le chapitre « John Dee et l’origine de Christian Rosencreutz ». Voici son analyse :
Le mot rosicrucien est dérivé du nom de Christian Rosencreutz ou « Rose Croix ». Les prétendus Manifestes rosicruciens sont deux brefs pamphlets ou tracts, d'abord publiés à Kassel en 1614 et 1615, dont les titres ont été abrégés en Fama et Confessio. Le héros de ces Manifestes est un certain « Père C.R.C. » ou Christian Rosencreutz, qui est censé être le fondateur d'un Ordre ou d'une Fraternité qui se ranime et à laquelle les Manifestes invitent le public à se joindre ; les Manifestes suscitèrent une grande excitation et, en 1616, une troisième publication laissa une impression accrue de mystère. C'était un roman de chevalerie bizarre dont le titre allemand signifie : Les Noces chymiques de Christian Rosencreutz. Le héros de ces Noces chymiques paraît également lié à un certain Ordre qui utilise comme symbole une croix rouge et des roses.
L'auteur des Noces chymiques est certainement Johann Valentin Andreae. Les
Manifestes sont sans aucun doute liés aux Noces
Chymiques, bien que n'étant probablement pas l'œuvre d'Andreae, mais celle
d'une ou plusieurs personnes inconnues.
Qui était ce Christian
Rosencreutz que l'on voit apparaître pour la première fois dans ces
publications ?
Les mystifications et les
légendes forgées autour de ce personnage et de cet Ordre sont innombrables.
Nous allons essayer de nous frayer une route à travers tout cela, par un
itinéraire absolument nouveau. Mais commençons d'abord par la question la plus
facile : « Qui était Johann Valentin Andreae ? »
Né en 1586, Johann Valentin
Andreae était natif du Würtemberg, l'Etat luthérien frontalier du Palatinat.
Son grand-père était un théologien luthérien éminent, quelquefois surnommé « le
Luther du Würtemberg ».
La situation religieuse
contemporaine était la principale préoccupation de son petit-fils, Johann
Valentin, qui était également un pasteur luthérien animé d'un intérêt libéral
pour le calvinisme. En dépit de désastres sans fin, Johann Valentin nourrit
toute sa vie l'espoir d'une solution à long terme de la situation religieuse.
Toutes ses activités — tant de pasteur luthérien fervent, intéressé par les
problèmes sociaux, que de propagateur de fantaisies rosicruciennes — restaient
tournées vers cet espoir. Andreae était un écrivain de talent, dont
l'imagination avait été influencée par les comédiens ambulants anglais. En ce
qui concerne les premières années de sa vie et les influences qu'il a subies,
nous possédons des informations authentiques puisqu'il a écrit son
autobiographie. Cette dernière nous apprend qu'en 1601, à l'âge de quinze ans,
sa mère, veuve, l'envoya à Tübingen continuer ses études à la fameuse
université du Würtemberg. Tandis qu'il étudiait à Tübingen, il fit ses premiers
essais de jeune auteur vers 1602 ou 1603. Ces essais comprenaient deux comédies
sur les thèmes d' « Esther » et de « Hyacinthe » qu'il écrivit, dit-il, « à
l'imitation des acteurs anglais », et un ouvrage intitulé Les Noces chymiques qu'il décrit, sans indulgence, comme un
ludibrium, une fiction ou une plaisanterie de piètre valeur.
A en juger par le texte d'Andreae
parvenu jusqu'à nous, c'est-à-dire l'œuvre publiée en 1616 et dont Christian
Rosencreutz est le héros, la première version du sujet devait être une étude de
symbolisme alchimique utilisant le thème du mariage comme symbole du processus
alchimique. Cet essai ne pouvait pas être identique à la publication de 1616
qui contient des références aux Manifestes rosicruciens de 1614 et 1615, à
l'Electeur palatin, à sa cour de Heidelberg, à son mariage avec la fille de
Jacques I er. La première version des Noces
chymiques, qui a disparu, avait dû être remise à jour pour la publication
de 1616. Néanmoins, cette version perdue a probablement fourni la base de la
seconde version.
Nous pouvons assez bien deviner quels événements et
influences ont inspiré les premières œuvres d'Andreae à l'époque où il étudiait
à Tübingen.
Le duc de Würtemberg régnant était
Frédéric I er, alchimiste, occultiste, anglophile enthousiaste dont la passion
dominante avait été de s'allier avec Elisabeth Ière et d’obtenir l’Ordre de la
Jarretière. Il était allé plusieurs fois en Angleterre dans ce but et semble
avoir été un personnage très éminent. La reine l'appelait par son nom de famille
« mon cousin Mumpellgart » et l'on s'est souvent posé la question de savoir si
certaines allusions énigmatiques de Shakespeare dans Les Joyeuses Commères de Windsor, comme celle à des chevaux loués à
l'« Auberge de la Jarretière » par les serviteurs d'un duc allemand, concernaient
Frédéric de Wurtemberg.
En 1597, la reine lui octroya son
admission à l'Ordre, mais la véritable cérémonie d'investiture ne devait avoir
lieu qu'en novembre 1609 lorsque la Jarretière lui fut remise dans sa propre
capitale de Stuttgart par une ambassade spéciale de Jacques I er.
Voilà. C’est tout pour le moment.
Amitiés à tous.