dimanche 15 mars 2015

Milton H. Erickson, jour 4, hypnose, humour et créativité




Une des techniques hypnotiques d'Erickson



Compte rendu du livre
par Sidney Rosen
Chapitres 3, 4 et 5


Le troisième chapitre du livre de Sidney Rosen, Ma voix t'accompagnera, Milton H. Erickson raconte, porte sur « Faire confiance à l’inconscient », dont j'ai déjà parlé. Je rajouterai une anecdote qui m’a toujours fasciné : « Professeur Rodriguez ». Un professeur de psychiatrie nommé Rodriguez désire faire une psychothérapie avec Erickson. Celui-ci sait qu’il est beaucoup plus instruit que lui et qu’il a l’esprit plus vif. Pour l’interroger, Erickson se met donc en transe hypnotique et, un jour, son patient s’en rend compte et dit : « Dr Erickson, vous êtes en transe ». Erickson lui explique alors la raison de sa démarche : il ne pouvait le traiter que comme cela, en ayant directement accès à son propre inconscient. Sidney Rosen commente l’histoire ainsi : « Même si l’on se sent « inférieur » à quelqu’un d’autre, même si l’on se sent insuffisant, on peut, si l’on veut bien puiser dans son inconscient, trouver les ressources nécessaires pour arriver à une situation ou d’égalité ou dans une position supérieure. » 

Le quatrième chapitre parle de la « Suggestion indirecte » en hypnose dont Erickson est un des inventeurs. L’anecdote « Contourner la résistance » en est un bon exemple. Erickson n’arrive pas à hypnotiser un médecin particulièrement coriace. Il met alors en transe l’une de ses étudiantes à qui il demande d’hypnotiser l’homme. Celui-ci ne peut résister à cette jeune femme imperturbable. Une des idées qui en découle pour Erickson est d’assimiler la résistance à une personne ou à un endroit particulier. Sidney Rosen donne cette explication : « Il faut contourner la résistance. Faire ressortir toute la résistance possible dans cette chaise-là, puis changer de chaise. La résistance restera là, elle n’arrivera plus ici. »

Le chapitre 5 « Dépasser nos limites actuelles » est très riche d’enseignements ; j’en ai tiré trois anecdotes mais il en faudrait dix, vingt, tant Erickson savait chaque jour dépasser ses limites (à noter qu’il a quand même eu un confrère qui a posé une plainte contre lui à l’Ordre des Médecins américains). Voici donc : « Pour aller d’ici à la pièce voisine », « Péché » et «Votre alcoolique doit être sincère ».
Une des caractéristiques d’Erickson est son humour. Dans « Pour aller d’ici à la pièce voisine », il s’amuse avec un étudiant en lui demandant d'imaginer le plus de façons possibles d’aller du lieu où il est à la pièce voisine. L’étudiant en trouve huit. Erickson en cite beaucoup d’autres complètement délirantes, jusqu'à plus de trente. Le commentaire d’Erickson est le suivant, ironique : « C’est terrible ce que nous nous limitons dans nos façons de penser ! »

« Péché » est lui aussi très significatif de la pensée d’Erickson. C’est un cas extrême certes mais qui montre que tous, oui tous sans exception, nous sommes enfermés dans des schémas de pensée que l’on nous a inculqués et qu’il faut apprendre à en prendre conscience. La jeune femme de « Péché » a été convaincue par son éducation et ses parents que Dieu l’étendrait raide morte si elle entrait dans un cinéma ou dans un drugstore, si elle buvait de l’alcool ou fumait une cigarette. Par une stratégie à la fois de raisonnements et d’expérimentations, Erickson parvient à lui faire dépasser ces tabous délirants. De manière générale, une des règles éricksoniennes est de faire briser leurs interdits à ses patients. Pour cela, il leur propose de se mettre dans des situations nouvelles. Dans ces situations, ils apprennent avec leur propre expérience et non avec les indications d’autrui où sont en réalité leurs limites.

« Votre alcoolique doit être sincère » est un récit inhabituel dans les histoires d’Erickson parce, que lui qui fait parfois des thérapies en dix minutes, échoue lamentablement. Un alcoolique lui raconte son histoire et comment il vit. Erickson lui demande de faire certaines modifications dans son existence, dans certaines de ses habitudes. L’homme lui dit tout de go : « Docteur, je crois que j’ai fait une erreur en voulant arrêter de boire. » Erickson commente ainsi ce cas : « Pourtant, cette manière-là aurait été idéale. Votre alcoolique doit être sincère. » Donc, contrairement aux critiques qui lui ont été faites par la suite, Erickson admettait très simplement le fait que des fois, à cause de raisons différentes (ici le patient voit plus de risques, d’inconfort, à guérir qu’à rester dans sa situation) il pouvait tout bêtement comme les autres, malgré son expérience et l’emploi subtil de l’hypnose, échouer totalement.

Voilà. C'est tout pour aujourd'hui. La suite au prochain numéro pour le chapitre "Recadrage".

Un hypnothérapeute "hors du commun", Milton H. Erickson, jour 3



Compte rendu du livre sur l'hypnose et la psychologie :
par Sidney Rosen
Jour 3, étude du chapitre 2 : histoires motivantes



Dans ce livre passionnant, Sidney Rosen analyse les anecdotes que l’hypnothérapeute Milton Erickson (qui était appelé par ses contemporains "The Wizard of the Desert") racontait à ses patients, souvent après les avoir mis en état d’hypnose. 

Aujourd’hui, je vais étudier le chapitre 2 de ce véritable manuel. Il s’appelle  tout simplement « Histoires motivantes », termes qui pourraient s’appliquer d’ailleurs à toute histoire d’Erickson. Mais ce sont ici plutôt des anecdotes sur le développement physique et psychique de l’être humain : quand nous avons appris à nous mettre debout, à marcher, à faire de la bicyclette, quand nous avons retenu les tables de multiplication, les déclinaisons latines, etc. Au début, cela nous paraissait très difficile, presque impossible. A présent, nous n’avons même plus conscience que nous avons vécu cet apprentissage. Mais Sidney Rosen interprète ces anecdotes aussi pour le futur : « Quand il me racontait des histoires où je me trouvais renvoyé directement à mes apprentissages premiers, j’avais la capacité – en état de transe – de revivre l’expérience de l’immense effort et de la fréquente frustration par lesquels il faut passer pour apprendre une nouvelle tâche ou un nouveau geste. J’avais en même temps parfaitement conscience d’avoir appris ces gestes les uns après les autres. En conséquence, je pouvais apprendre à relever d’autres défis dans ma vie présente. » Sidney Rosen aurait même pu noter que, si nous ne faisons plus d’apprentissages étant adulte, c’est parce que nous ne voulons plus de frustrations, frustrations que nous avons connu intensément étant enfant. « Ce n’est plus de mon âge », disons-nous, et nous n’apprenons plus rien. Nous perdons l’entraînement, la force et la santé de notre mémoire qui devient débile.

Il y a selon moi dans ce chapitre deux histoires particulièrement intéressantes : « Il ne passera pas la nuit » et «Scène de ménage». Dans la première, les médecins disent à la mère d’Erickson, qui est atteint de poliomyélite à l’âge de dix-sept ans, qu’il ne passera pas la nuit. Celui-ci demande à sa mère de déplacer un coffre pour voir le coucher du soleil. Sa mère s’exécute et Erickson survit. Sidney Rosen commente ainsi l’histoire : « Sa référence au coffre et au coucher du soleil résumait un des conseils qu’il ne cessait de donner pour profiter de la vie, voire la prolonger : « Toujours avoir un but réel dans le futur proche ». Dans le cas présent, son désir était de voir le coucher du soleil. 

L’histoire de « Scène de ménage » est encore plus hallucinante. Un couple marié depuis trente ans a passé son existence en querelles continuelles. Erickson leur dit seulement : « N’en avez-vous pas assez de vous disputer ? Pourquoi ne pas profiter de la vie ? ». Par la suite, ils ont une existence très heureuse. Cela paraît impossible, magique. Là où une psychanalyse met des années, Erickson prend dix minutes. Sidney Rosen lui a demandé des détails sur cette guérison. Avait-il employé l’hypnose ? Erickson lui répondit que oui, mais que là n’était pas l’essentiel. Sidney Rosen ajoute pour illustrer ce cas cette formulation de la pensée d’Erickson « Il y a trop de thérapeutes pour penser qu’ils sont là pour diriger le changement et aider le patient à changer. La thérapie, c’est comme une boule de neige qui se forme au sommet de la montagne. En roulant, elle croît et s’accroît jusqu’à devenir une avalanche modelée par le profil de la montagne. »

Voilà ! C’est fini pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro.