vendredi 18 août 2017

Compte rendu de « Le Théâtre de la Mémoire » de Giulio Camillo (troisième partie).


Un ouvrage sur la Cabale.

Je me suis rendu compte, plusieurs semaines après avoir écrit mon article « Histoire de la Mnémotechnie : Moyen Âge, Renaissance & Dix-Septième siècle » (http://www.virtualmagie.com/articles/autres/dossiers/histoire-de-la-mnemotechnie-moyen-age-renaissance-dix-septieme-siecle/) que j’avais oublié de mentionner le travail de Giulio Camillo (1480-1544), un érudit italien, qui a consacré toute sa vie à la fabrication d’un édifice qu’il appela le Théâtre de la Mémoire et qui était un gigantesque théâtre décoré d’images, conçu afin de mémoriser l’ensemble des connaissances de l’époque.
Vers la fin de sa vie, Camillo consacra sept matinées à dicter à Girolamo Muzio une esquisse de son Théâtre. Après sa mort, le manuscrit passa entre d’autres mains et il fut publié à Florence et à Venise en 1550 sous le titre L'Idea del Theatro dell' eccellen. M. Giulio Camillo. C'est cet ouvrage qui nous permet de reconstruire le Théâtre dans une certaine mesure. Il a été traduit en français sous le titre Le Théâtre de la Mémoire de Giulio Camillo aux éditons Allia et comporte sept chapitres. Je vais vous donner un résumé du texte de chacun de ceux-ci avec des commentaires explicatifs par rapport aux croyances de l’époque et de l’auteur.
Cet article est la suite de celui-ci.
Le texte du chapitre d’ouverture « Le premier degré » se poursuit de cette façon : 
« Ce n'est donc pas sans raison que les Anciens plaçaient un Sphinx, peint ou sculpté, au-dessus des portes de tous leurs temples pour bien montrer par cette image qu'il ne faut parler publiquement des choses de Dieu que par énigmes. Dieu nous enseigne encore cela sous d'autres formes, lorsque le Christ dit qu'on ne doit pas jeter de perles aux pourceaux et que l'on ne saurait rien donner de sacré aux chiens (Mt 7, 6). C'est pourquoi, s'adressant à ses Apôtres, il leur dit : "A vous, il a été donné de connaître les mystères du Royaume des Cieux, aux autres, je leur parle en paraboles parce qu'ils voient sans voir et entendent sans entendre ni comprendre" (Mt 13, 11-13). 
Au quatrième livre d'Esdras, en parlant de Moïse qui était parvenu au sommet de la montagne, Dieu dit : "Je l'ai retenu auprès de moi plusieurs jours et je lui ai fait part de nombre de mes merveilles, je lui ai montré les secrets et la fin des temps et je lui ai ordonné : Ces mots déclare-les, ceux-là, cache-les" (4 Esd 14, 4-6).»
Commentaire :
Le Livre d’Esdras est un apocryphe chrétien reporté à la fin de la Vulgate. Une tradition reprise par Pic de la Mirandole attribue à Esdras la transmission de la science de la Cabale.
 Il écrit ceci dans son Discours sur la dignité de l’homme : « Or, une fois libérés par Cyrus de leur captivité à Babylone, et après la reconstruction du Temple sous Zorobabel, les Hébreux s'appliquèrent à restaurer la loi : c'est alors qu'Esdras, qui dirigeait à l'époque leur communauté religieuse, corrigea le livre de Moïse ; mais voyant bien que les exils, les massacres, les fuites, la captivité du peuple d'Israël rendaient impossible de maintenir la coutume, établie par les anciens, de transmettre de mains en mains la doctrine, voyant aussi que les secrets de cette doctrine céleste, à lui confiés, allaient disparaître et que sans constitution d'archives le souvenir n'en durerait pas longtemps, il décida, après avoir réuni les savants encore en vie, que chacun exposerait ce que sa mémoire conservait des mystères de la loi, et qu'on ferait appel à des secrétaires pour rédiger ces souvenirs en soixante-dix volumes (car tel était à peu près le nombre des savants du Sanhédrin). Sans prêter foi sur ce point à mon seul témoignage, écoutez, Pères, les propres mots d'Esdras: « Au bout de quarante jours, le Très-Haut parla et dit : Ce que tu as écrit d'abord, rends-le public, pour que les dignes et les indignes le lisent ; mais tu conserveras les soixante-dix livres écrits en dernier, pour les remettre aux sages de ton peuple. Car c'est en eux que se trouvent la veine de l'intelligence, la source de la sagesse et le fleuve de la science. Et c'est ce que j'ai fait ». 
Tel est mot pour mot le récit d'Esdras. Tels sont les livres de la science kabbalistique ; Esdras n'avait pas tort de proclamer clairement et d'emblée qu'on y trouve la veine de l'intelligence, autrement dit l'ineffable théologie de la divinité suprasubstantielle, la source de la sagesse, autrement dit la métaphysique précise des formes intelligibles et angéliques ; le fleuve de la science, autrement dit une très solide philosophie des choses de la nature.

Voilà. C’est tout pour le moment. La suite au prochain numéro.

Pause dans le blog avec le livre "Méditer, jour après jour" de Christophe André, «L’acceptation comme une sagesse» (troisième partie).


Sans commentaire.


Un chapitre important de Méditer, jour après jour de Christophe André et dans lequel on peut trouver de nombreuses leçons de vie est celui qui s’intitule « Comprendre et accepter ce qui est ». 

Il écrit notamment : " Accepter, ce n’est pas dire « tout est bien » (cela, c’est l’approbation) mais « tout est là ». Nous n’avons pas besoin d’aimer une pensée, une situation, une personne ou une expérience pour les accepter. Pas besoin d’aimer, juste d’admettre que cette pensée, cette situation, cette personne ou cette expérience sont là : elles existent, elles sont déjà dans ma vie et il va me falloir composer et avancer avec elles sans nécessairement les approuver. L’accueil par cette sorte de « oui » ne signifie en rien une résignation ou un renoncement à agir ou à penser. Dans l’acceptation, il y a juste une intention de rester toujours présent dans l’action mais différemment : dans la lucidité, dans le calme."

L’acceptation devient alors véritablement une sagesse si elle permet jusqu’à l’écoute attentive de nos opposants.  Un bon endroit où chercher la sagesse est, par conséquent, là où vous vous attendez le moins à la trouver : dans l'esprit de ceux-ci.  Mais pour cela, il faut les avoir écoutés, ces opposants, et leur avoir donné le droit d'exister (nous qui rêverions de n'avoir que des approuvants). Alors leur avis deviendra une richesse et une chance pour devenir plus intelligents.

L'acceptation nous permet aussi d'intégrer la dimension tragique du réel, sans faire pour autant de notre vie une tragédie : on ne nie pas les aspects douloureux ou injustes de l'existence, mais on leur fait une place. Pas toute la place : on en garde aussi, bien sûr, pour ce qui est beau et bon.

Finalement, accepter, c'est s'enrichir et laisser le monde entrer en nous ; au lieu de vouloir le faire à notre image, et n'en prendre que ce qui nous convient et nous ressemble.

De fait, il s'agit bien de faire de l'espace en soi, inlassablement, même pour ce qui nous dérange et nous déplaît. Ne jamais nous y résigner, mais ne jamais nous y accrocher négativement par le rejet. Le rejet et l'antipathie, comme la peur, engendrent la dépendance et la vulnérabilité. Alors oui, faire cet espace en soi, inlassablement, et diluer nos tourments et antipathies dans un contenant infini. Plus nous  sentirons en nous de la raideur et du rejet envers ce qui nous arrive, plus nous aurons intérêt à nous tourner vers une conscience vaste et sans objet : l'accueil de tout.

L'acceptation, finalement, suppose un choix paradoxal : celui de ne pas choisir ! De ne rien rejeter, de ne rien éliminer.  On décide, à l'inverse, de tout accueillir, d'héberger ce qui passe et ce qui est. Par l'acceptation, on ouvre un espace intérieur infini parce qu’on a renoncé à tout filtrer, à tout contrôler, à tout valider et mesurer et juger. En ce sens, accepter, c’est s’enrichir et laisser le monde entrer en nous, au lieu de vouloir le faire à son image, et n’en prendre que ce qui nous convient et nous ressemble. C’est ce que disait à sa manière étrange Thérèse de Lisieux : « Je choisis tout. » (changement de paradigme !).


Voilà. C’est tout pour le moment. La suite au prochain numéro.

Compte rendu de « Le Théâtre de la Mémoire » de Giulio Camillo (deuxième partie).


Cosme de Médicis.

Je me suis rendu compte, plusieurs semaines après avoir écrit mon article « Histoire de la Mnémotechnie : Moyen Age, Renaissance & Dix-Septième siècle » que j’avais oublié de mentionner le travail de Giulio Camillo (1480-1544), un érudit italien, qui a consacré toute sa vie à la fabrication d’un édifice qu’il appela le Théâtre de la Mémoire et qui était un gigantesque théâtre décoré d’images, conçu afin de mémoriser l’ensemble des connaissances de l’époque.
Vers la fin de sa vie, Camillo consacra sept matinées à dicter à Girolamo Muzio une esquisse de son Théâtre. Après sa mort, le manuscrit passa entre d’autres mains et il fut publié à Florence et à Venise en 1550 sous le titre L'Idea del Theatro dell' eccellen. M. Giulio Camillo. C'est cet ouvrage qui nous permet de reconstruire le Théâtre dans une certaine mesure. Il a été traduit en français sous le titre Le Théâtre de la Mémoire de Giulio Camillo aux éditons Allia et comporte sept chapitres. Je vais vous donner un résumé du texte de chacun de ceux-ci avec des commentaires explicatifs par rapport aux croyances de l’époque et de l’auteur.
Cet article est la suite de celui-ci.
Le texte du chapitre d’ouverture « Le premier degré » se poursuit de cette façon : 
1) « On lit également dans L’Apocalypse : « Et il envoya son Ange pour la faire connaître à Jean son serviteur » (Ap I, 1). Remarquons ici qu’il ne révéla ses intentions à Jean, bien qu'il fût son serviteur, qu'au moyen de significations et de visions. Ainsi, de même qu'on utilise, dans la milice des hommes, l'ordre donné par les capitaines, les trompettes et les insignes pour conduire et encourager les troupes armées contre les ennemis, on utilise dans la milice divine les paroles du Seigneur, les trompettes angéliques, c'est-à-dire les ordres des Prophètes et des prédicateurs, et les insignes, c'est-à-dire les signes des visions qui signifient sans exprimer.
Commentaire :
Cette allusion à la célèbre parole oraculaire rapportée par Héraclite, « Le Maître dont l'oracle est à Delphes ne parle pas, ne dissimule pas, il signifie » place d'emblée le projet de Camillo sous le signe du symbolisme mystique.
 2) « Il faut ajouter à cela que, selon Mercure Trismégiste, le discours religieux et inspiré par Dieu est en quelque sorte violé dès qu'il est prononcé en présence d'une foule profane. »
Commentaire
La citation est très exactement : « C’est chose impie que de divulguer à la masse un enseignement tout rempli de l’entière majesté divine » dans Asclepius, 1 (Corpus Hermeticum, éd. Nock-Festugière, Paris, Belles Lettres, 1945, t. II, p. 297).
Marsile Ficin, un philosophe humaniste italien, publie en 1471, à l’instigation de Cosme de Médicis, sous le titre Pimandre et Asclepius la traduction d'un ensemble d'écrits en langue grecque ou latine attribués à Hermès (Mercure) Trismégiste (« trois fois très grand »") que les Grecs identifiaient au dieu égyptien Thoth. Les textes hermétiques, composés pour la plupart vers le II` siècle de notre ère, étaient considérés comme largement antérieurs par les philosophes de la Renaissance sur lesquels ils exercèrent une influence considérable.

Voilà. C’est tout pour le moment. La suite au prochain numéro.