Aimé Paris, sans doute un des plus grands mnémotechniciens de tous les temps, qui a popularisé la table de rappel.
La table de rappel (ou peg system)
Outre le Grand Système, il y a une méthode indispensable en
mnémotechnie pour retenir des chiffres mais aussi des objets, c’est la table de
rappel (en anglais « Peg system » ou « système des
chevilles »). Quelle est son histoire ? C’est une méthode inventée en
1651 par Henry Herdson dans son livre Ars
Memoriae, the Art of Memory Made Plaine, reprise ensuite par le moine
allemand Grégoire de Fenaigle (Notice sur la mnémonique ou l’art d’aider et de fixer la mémoire en tout genre d’études,de sciences ou d’affaires) au début du dix-neuvième siècle et vraiment
popularisée par le français Aimé Paris en 1825 dans son livre Exposition et pratique des procédés mnémotechniques, à l’usage des personnes qui veulent étudier la mnémotechnie en général, comme un moyen d’abréger l’étude de toutes les connaissances humaines. Cette technique est encore utilisée de nos jours par les plus
grands mnémotechniciens comme Harry Lorraine.
Qu’est-ce donc qu’une table de rappel ? C’est un repère fixe
et fiable, sur lequel on peut « accrocher » des informations. Elle
permet de traduire et donc de substituer les chiffres et nombres en information
concrète, visuelle et mémorisable. Les tables de rappel sont parfois
différentes selon les mnémotechniciens. Nous allons utiliser celle d’un mathématicien
qui a créé un site très intéressant sur la mnémotechnie et les mathématiques en
général, Gérard Villemin : http://villemin.gerard.free.fr/. Elle est très
inspirée par celle d’Aimé Paris (comme l’était celle de Tréborix, comme l’est
celle de Vincent Delourmel, etc.). La voici :
Cette table
est basée sur le principe que vous connaissez déjà du Grand Système. Les dix
chiffres sont remplacés par dix sons, toujours des consonnes (0 = s, 1 = t ou
d, 2 = n, 3 = m, 4 = r, 5 = l, 6 = ch ou j, 7 = k ou qu, 8 = f ou v, 9 = p).
Aucune voyelle pour la simple et bonne raison que ces voyelles permettront de
créer des mots, de remplir des blancs. Par exemple 11 est composé de deux 1.
D’après notre code, 1 correspond à t ou d. 11 peut donc se coder TT, DD, TD ou
DT : TuTu, DouDou, TauDis, Date ou encore TaTa (qui a été choisi par
Gérard Villemin). Vous comprenez ? Tout de suite une petite
démonstration :
58 = LouF
(le L pour 5 et le f pour 8)
33 = MaMan
(le M deux fois pour deux 3)
14 = TaRe
(le T pour 1 et le R pour 4)
99 = PaPa (le
P deux fois pour deux 9)
En résumé, comme il peut être fastidieux de constamment
devoir inventer des mots correspondant à un nombre, la table de rappel vous est
proposée toute prête et permet de résoudre immédiatement un problème de
mémorisation de chiffres.
Naturellement, pour commencer, il vous faudra l’apprendre par
cœur. Mais, comme vous l’avez vu, son apprentissage est facilité du fait que le
principe de construction des mots est toujours le même, celui des équivalences
entre les dix premiers chiffres et les consonnes du Grand Système.
Personnellement, je n’ai pas eu cette facilité en 1983 en suivant la méthode
d’Adrien Bullas du livre Un secret magnifique pour retenir toutes les dates. Il a construit sa table sans ce
principe et j’ai dû apprendre par cœur une liste de 100 objets indépendamment
de toute logique. Je me souviens encore de cette table, le début était
constitué ainsi de manière aléatoire : 1 cigare, 2 volet, 3 poussin, 4
pipe, 5 passoire, 6 tank, 7 bouteille, 8 éléphant, 9 mouchoir, 10 couteau, etc.
Bien que vous puissiez reconstituer par la logique du Grand
Système la table de rappel de Gérard Villemin, je vous conseille de quand même
l’apprendre à petites doses. Tous les jours, pendant dix jours, vous
allez mémorisez dix mots de la table, pas un de plus. Vous les écrirez sur un
papier et vous tenterez de vous en souvenir le lendemain toujours par écrit. Au
bout de dix jours, à raison de ces quelques minutes par jour, vous connaîtrez
cette table parfaitement.
Vous la mettrez de côté 3 ou 4 jours avant de la relire. Puis
vous patienterez une semaine et vous vous testerez. Là, si vous avez oublié quelques
mots, ne vous inquiétez pas ! Une fois revus et retrouvés, il y a de
fortes chances pour qu’ils restent longtemps gravés dans votre mémoire,
moyennant quelques révisions de temps à autre (je vous suggère ensuite de vous
relire et de vous mettre à l'épreuve une fois par mois).
Comment se servir de la table ? Vous l’aurez sans doute
compris, le principe de l’usage de la table de rappel est de remplacer un
chiffre, un nombre par une image, par essence infiniment plus concrète. Vous
pouvez par exemple avec votre table de rappel, comme avec le Grand Système,
mémoriser un numéro de téléphone.
Supposons que vous voulez retenir le numéro 01 56 32 97 23 en
Région Parisienne. Pour commencer, nous ôtons tout naturellement l’indicatif 01
commun à tous les numéros dans cette zone. Il suffit d’isoler les quatre
nombres de deux chiffres restants et de les traduire grâce à notre table de
rappel.
-
56
= LâCHe
-
32
= MaNne
-
97=
PacK
-
23
= NeM
Vous
obtenez quatre mots parfaitement compréhensibles. Il ne vous reste plus qu’à
les lier entre eux par une petite histoire et le tour est joué : imaginez
un individu très LÂCHE, qui regarde toujours derrière son dos, qui ne ramasse
pas la MANNE tombée du ciel devant lui, et qui en revanche se baisse pour
récupérer un PACK (paquet) où se trouvent des NEMS.
Vous venez
de mémoriser un numéro de téléphone sans difficulté et de façon ludique. Pour
vous le rappeler, il vous suffit d’associer le ou la propriétaire du numéro au
premier mot (LÂCHE) et tout s’enchaînera automatiquement. Supposons que ce
numéro soit celui de mon ami Éric Bodin : je visionne Éric discutant avec
un individu très LÂCHE qui regarde toujours derrière son dos. De la MANNE
divine tombe du ciel mais il ne la ramasse pas. En revanche, il s’incline pour
prendre sur le sol un PACK (paquet) remplis de NEMS.
Cette
méthode sera complémentaire du répertoire de votre téléphone. Elle vous
permettra de mémoriser des numéros, des codes, des nombres à la volée : à
vous ensuite de les noter dans votre carnet de contacts tranquillement chez
vous.
Voilà !
C’est tout pour aujourd’hui. Rappelez-vous bien que mémoriser la table de
rappel demande un travail quotidien. Lancez-vous : cela en vaut la peine !
La suite au
prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou
dans les séries de télévision américaines actuelles. Amitiés à tous.