Fritz Perls.
Je viens de lire un livre que
j’ai trouvé à la fois formidablement bien écrit, original et passionnant. Je
voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit
de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls.
Je crois plus au
reconditionnement qu'au conditionnement, plus à l'apprentissage par la
découverte que par l'entraînement et la répétition.
Toute ma vie j'ai détesté les
exercices, l'excès de discipline, le bachotage. J'ai toujours fait confiance à
l'expérience du « ah ! », au choc de la découverte.
Même maintenant, en prose, le
fleuve ne coule pas. Je suis de nouveau coincé, je ne sais à qui m'adresser ;
j'ai perdu le contact ; trop d'idées, les pièces du jeu de construction, se
pressent en foule, toutes nécessaires à l'achèvement de ma construction, de mon
approche du problème.
Je possède une quantité de
manuscrits inachevés. Chaque fois que je me suis trouvé coincé par une
contradiction, une faille dans ma théorie, j'ai abandonné le livre ébauché.
Mais, aujourd'hui, je crois que
ma théorie est aussi au point qu'elle peut l'être. Je crois qu'elle est viable
et adaptée à notre époque.
Je vois Freud comme l'Edison de
la psychiatrie, transformant l'approche descriptive en approche dynamique et
causale, ou encore comme Prométhée et Lucifer, voleur de feu et porteur de
lumière.
A l'époque de Freud, les dieux en
tant que manipulateurs du monde ont cédé leur pouvoir magique aux forces de la
nature : chaleur, gravitation, électricité. Freud lui-même a été fasciné par
cette transition : Eros, pouvoir d'amour, et Thanatos, pouvoir inverti de
destruction. L'intérêt pour l'aspect physique du monde a commencé à l'emporter
sur le spirituel, tout comme en philosophie la dialectique matérialiste de Marx
a remplacé la dialectique idéaliste de Hegel.
A notre époque, il s'est produit
quelque chose d'aussi fantastique que l'unification des dieux par Moïse, c'est
l'apparition de l'électronique. L'atome, pierre angulaire de la chimie, devient
le refuge de toute énergie. Le concept de causalité, le « pourquoi ? »
s'effondre et fait place à la recherche sur le processus et la structure, au «
comment ? ».
L'intérêt scientifique passe de
l'Histoire au comportement de la matière ou, dans le cas qui nous occupe, au «
processus et à la structure du comportement humain ». Les découvertes de Freud
demeurent, mais sa philosophie et sa technique tombent en désuétude, et doivent
être déboulonnés comme étant sur la mauvaise piste, celle de la penses
orientée vers l'Histoire. Même si des milliers d'analystes
se mettaient à braire de plus en plus fort, cela ne nous placerait pas sur la
bonne voie.
En comprenant que l'organisme est
par nature un processus, et soumis aux lois de la Gestalt, j'ai accompli, dans l'histoire
de la psychiatrie après Freud, un pas qui est celui de l'efficacité.
On ne peut dire à quoi
ressemblera le pas suivant, mais je me suis livré à ce sujet à quelques vagues
spéculations. J'ai ma petite idée là-dessus que je voudrais partager avec vous.
Toutes les théories et toutes les hypothèses sont des modèles de la façon dont
on imagine que fonctionne le monde. Une fois vérifiées et applicables à la
réalité physique, elles prennent elles-mêmes figure de réalité. Ainsi «
inconscient » et « libido » sont des réalités pour les freudiens, autant que
l'arc réflexe et les réponses aux stimuli aux yeux des béhavioristes. Ces
termes deviennent des articles de foi. Douter de leur réalité prend l'allure
d'un blasphème. La même chose s'applique à mon attitude à l'égard du terme «
Gestalt ».
Ma petite idée, donc, en ce qui
concerne le pas suivant va dans le sens du lavage de cerveau et de la réduction
de tête. Tout à fait choquant, n'est-ce pas ? Nous sommes habitués à l'équation
: lavage de cerveau égale propagande, endoctrinement, de sorte que cela semble
se heurter terriblement avec mes idées au sujet de l'authenticité et de la
spontanéité. Mais attendez une minute, et ne perdez pas votre salive. Laver,
c'est nettoyer. Laver le cerveau de tout le fumier mental que nous transportons avec nous. Pour le propagandiste, cela veut
dire simplement nettoyer une ardoise pour y inscrire d'autres convictions,
chasser le diable pour mettre Belzébuth à sa place. Mais ce n'est pas là ce que
nous entendons, Freud et moi.
Encore une fois Freud a fait le
premier pas. Comprenant que le patient avait perdu le contact avec la réalité,
incapable d'une relation immédiate et sans parti pris avec le monde, comprenant
que quelque chose d'intermédiaire a perturbé la relation avec le monde, il
appela « complexe » l'agent perturbateur. Par exemple, un homme ne peut coucher
avec sa femme parce qu'il y a interférence du fantasme inconscient de sa mère.
Freud a rêvé de lavage de cerveau
en rendant conscient le problème de l'Œdipe et en « l'analysant », ce qui, pour
lui, voulait dire principalement rendre conscients les souvenirs « oubliés »
relatifs à la fixation du malade.
Pour incroyable que cela puisse
paraître, Freud le méfiant a fait confiance à nos inconstants souvenirs. Mon
expérience m'a montré que ces « traumatismes producteurs de névrose » ne sont
que des inventions ad hoc des malades pour justifier leur situation
existentielle. Là où Freud dit « complexe », moi je dis forte Gestalt
pathologique. Là où quelqu'un est hors de contact avec le monde, il y a une
sorte de « no man's land », de zone « démilitarisée », occupée par des forces
puissantes pour séparer le « soi » des « autres ». Les deux parties, le soi
aussi bien que les autres, ne sont en contact que par l'intermédiaire, et non
pas directement l'une avec l'autre.
Il ne peut y avoir de rencontre
créatrice. Si vous portez un masque, vous êtes en contact avec l'intérieur du
masque. Toute personne qui essaie de prendre contact avec vous par les yeux ou
par les mains ne prend contact qu'avec le masque. La, communication, base des
relations humaines, est impossible.
Cette zone intermédiaire est
peuplée d'une foule de préjugés, de complexes, de perspectives catastrophiques,
de calculs, de toutes sortes d'idées perfectionnistes, de compulsions, et ça
pense, bavarde, bavarde, pense, pense : des mots et des mots et des mots,
vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Êtes-vous encore contre le lavage
de cerveau ?
Voilà. C’est tout pour le moment.
Amitiés à tous.