mardi 23 février 2021

Interview du québécois Vincent Godbout, cocréateur du logiciel d'astrologie Mastro Expert, quatrième partie (4/5).



Menu du logiciel d'astrologie "Mastro Expert", "Préférences".


Cet article est la suite de celui-ci.

Q : Je sais qu’une des questions qui te préoccupent le plus est le problème de la validation de l’astrologie, sur lequel tu as travaillé pendant des années. Il faut selon toi, à la différence de ce que pensent certains de tes collègues, établir la validation de l’astrologie de manière irréfutable. Sinon, beaucoup de gens sérieux n’accepteront pas d’y consacrer un temps adapté. Peux-tu nous détailler à ce sujet les recherches et l’expérience que tu as effectuées en choisissant un échantillon de 41 célébrités, les listes de mots biographiques et astrologiques leur correspondant, et en employant l’Estimateur de Proximité Sémantique que tu as créé dans Excel pour comparer des listes de mots ? Te serait-il possible de nous donner un résumé succinct de l’article que tu as écrit à ce sujet pour la revue astrologique Correlation (Vol. 32), An Automated Matching Test. Comparing astrological charts with biographies?

R : J’ai fait ce qu’on appelle un test d'appariement automatisé c’est-à-dire une comparaison de thèmes astrologiques avec des biographies. Voici en quoi cela consiste.

Pour vérifier la validité de l’astrologie, il existe un type de tests qui est apprécié par les chercheurs car ils sont conceptuellement simples, exempts d'artefacts démographiques ou astronomiques et très faciles à évaluer statistiquement. Dans ces tests, des astrologues expérimentés sont mis au défi de faire correspondre à l’aveugle, un ensemble de thèmes astrologiques de naissance avec leurs propriétaires respectifs en se basant soit sur leurs biographies, soit sur leurs résultats à des tests de personnalité. Une expérience d'appariement de thème natal, largement connue, qui utilisait des astrologues humains et des résultats à des tests de personnalité, a été réalisée par Shawn Carlson (1985). Elle s’est soldée par des résultats négatifs ; c’est l’expérience la plus largement citée par les sceptiques à l’encontre de l’astrologie.

Plus récemment (2020), j’ai obtenu des résultats significatifs en faveur de l’astrologie en utilisant le système expert de Mastro.

J'ai fait une expérience similaire à celle de Carlson mais plus difficile à réaliser ; pour ma recherche, j'ai extrait 73 sujets d'un livre contenant 100 courts portraits biographiques de célébrités contemporaines compilés par le célèbre journal français Le Monde. Cette source est appropriée car elle fournit des descriptions de la personnalité plutôt que de simples chroniques d'histoires de vie comme on en trouve ailleurs comme dans Wikipédia par exemple.

Quand on fait des recherches, il faut être très précis dans la sélection des sujets sinon on se fera accuser, à juste titre par les sceptiques, de faire de la sélection biaisée ("cherry picking") ou encore de faire de la rétention éditoriale, c'est-à-dire d’exclure les sujets pour qui ça ne fonctionne pas. Dans ce livre de 100 célébrités, je n'ai pu utiliser que 73 personnes parce que l'heure de naissance des 27 autres n'était pas disponible.

Comme dans l’étude de Carlson, le but de ma recherche était de tester la correspondance entre les mots-clés décrivant les traits de caractère tirés des biographies de célébrités et les mots-clés tirés des thèmes astrologiques de ces célébrités. Ma recherche utilise des processus automatisés qui rendent le test plus objectif que tous les tests d'appariement précédents qui reposaient sur l'interprétation humaine.

J'ai commencé avec 42 sujets ; puis, plus tard, j'ai fait une réplication avec les 31 autres sujets disponibles. Pour chacun des 73 sujets, j'ai extrait du livre une liste de mots-clés psychologiques descriptifs en m'interdisant de regarder ni son thème astrologique ni sa liste de mots-clés générés par Mastro Expert.

Puis, par ailleurs, pour chaque sujet, mon système expert astrologique trouve une liste de traits de personnalité descriptifs uniquement basée sur ses coordonnées de naissance ; ainsi, en combinant mon étude et ma réplication, j'obtiens au total 73 listes de mots-clés psychologiques descriptifs donnés par Mastro Expert.

En résumé, cela donne donc 73 listes biographiques et 73 listes astrologiques générées par le système informatique.

Ensuite, il faut trouver les bonnes correspondances, à l'aveugle, comme dans l'étude de Carlson. Pour y parvenir, j'ai dû examiner toutes les correspondances possibles, en considérant 73 x 73 = 5329 combinaisons. Un être humain ne peut pas traiter une telle quantité d'information. Mais heureusement, j'avais un système qui pouvait évaluer quelles étaient les meilleures correspondances sémantiques entre les listes. En effet, j'ai conçu un outil appelé "Estimateur de Proximité Sémantique" qui permet d’évaluer automatiquement le niveau de ressemblance entre deux listes de mots.

Un tel algorithme machine ne peut simuler exactement l'expérience d'un astrologue professionnel compétent. Mais, avec sa capacité surhumaine à apparier un très grand nombre de thèmes astrologiques, cette approche automatisée laisse entrevoir une voie de recherche plus prometteuse que celles utilisées précédemment.

Un autre grand avantage à l’utilisation d’un ordinateur pour automatiser cette recherche est que cela disqualifie l'argument selon lequel d’éventuels résultats positifs pourraient être attribuables à la clairvoyance plutôt qu'à l'astrologie.

Les résultats de mon test d’appariement sont extrêmement significatifs. Il y a une seule chance sur un million qu'ils ne soient attribuables qu’au seul hasard.

Le fait d'avoir un test d'appariement avec des résultats aussi bons permet d'étudier plus en profondeur des questions techniques de l'astrologie. Par exemple, il n’y pas de résultats significatifs lorsque le zodiaque tropical est remplacé par le zodiaque sidéral. L'ajustement de la taille des orbes des aspects donne les meilleurs résultats lorsqu'on utilise des tailles proches de celles recommandées par la Faculté d'Études Astrologiques.

Une caractéristique importante de ce système d’appariement est qu'il peut être reproduit à volonté, pour des sujets différents. Actuellement, mon protocole est en attente d'une réplication indépendante et Mastro Expert est disponible pour d’autres chercheurs qui le souhaitent.

https://youtu.be/u9unK6NOGIA

Q : Je sais que tu t’es beaucoup intéressé à la cosmobiologie, une approche différente de l’astrologie. Veux-tu nous résumer ton travail sur le sujet ? Je crois savoir que ta passion pour cette discipline vient en grande partie de l’astrologue Reinhold Ebertin et de son livre Combinaison des influences astrales (avec l’importance donnée à la théorie des mi-points).

Si vous êtes un esprit scientifique, une de vos règles est le principe de parcimonie, c'est-à-dire faire plus avec moins. Ce principe est généralement négligé par les astrologues. Ebertin a été l'un des rares à utiliser le principe de parcimonie. Une des principales raisons de cette négligence est qu'une majorité d'astrologues font principalement des analyses astrologiques après coup. Presque tous les livres d'astrologie présentent des analyses à posteriori. Nous savons que quelque chose s'est passé, alors commentons-le. Nous savons que c'est arrivé et nous voulons l'expliquer ; nous prétendons que c'est très clair astrologiquement mais nous ne l'aurions jamais vu à l’avance et, souvent pire, même en connaissant la date, nous n'aurions même pas su de quoi il s’agissait. Mais tout cela ne nous empêche pas d’en arriver à prétendre après coup que c'était évident. Avec la grande multiplicité de significateurs en astrologie, qu'il les utilise ou non régulièrement, un astrologue peut trouver une explication à n'importe quel événement après coup. Justement, dans son livre Applied Cosmobiology publié en 1972, Ebertin écrit cette phrase capitale :

«Près de cinquante ans d'expérience m'ont conduit au principe que :

SEULS SONT UTILES LES FACTEURS QUI ONT FAIT LEURS PREUVES EN MATIÈRE DE PRONOSTIC.»

Interview du québécois Vincent Godbout, cocréateur du logiciel d'astrologie Mastro Expert, troisième partie (3/5).

 


Vincent Godbout.



Cet article est la suite de celui-ci.


Q : Tu avais prévu la maladie de Donald Trump pour la fin du mois de septembre. Comment as-tu procédé ? Détaille-moi la méthode astrologique que tu as utilisée.

R : Le 14 juin 2020, sur la base du modèle avec lequel je travaille, j'ai fait sur Facebook une prédiction sur la santé de Donald Trump. J'ai donné 3 dates critiques pour son avenir. J'ai vu cela parce que, comme beaucoup d'astrologues, je me penchais sur la question des élections américaines. J'ai pensé : "Peut-être que Trump n'y arrivera pas parce que je vois la possibilité qu'il meure avant". Mais je n'ai jamais écrit cela. J'ai écrit "problèmes de santé". J'ai donné 3 dates : le 2 août, le 17 août et le 28 septembre. Tel qu’abordé précédemment, le système expert de Mastro génère des Courbes Prévisionnelles basées sur des combinaisons de transits et de mi-points auxquelles des scores sont attribués selon un modèle probabiliste. Je n'ai pas l'espace ici pour expliquer en détail comment cela fonctionne.

Pour revenir à ma prédiction, le 2 août, il ne s'est rien passé mais il y a eu une sorte de rumeur disant que Trump était à l'hôpital et qu’il avait une blessure à la main possiblement provoquée par un cathéter ; mais ce n'était pas officiel et cela pouvait être une fausse nouvelle. Le 16, son frère est décédé, Donald Trump était très proche de son frère qui était censé être son meilleur ami, donc il a probablement été très affecté par ce deuil. La dernière date était le 28 septembre et c'est à ce moment-là qu'il a attrapé la Covid. C'était ma principale prédiction car elle était également soutenue par l'arc solaire et les progressions secondaires.

Si rien ne s'était passé à aucune de ces dates, j'aurais simplement admis que c'était un échec.

https://youtu.be/9889A3W7M-8

https://youtu.be/8oUIqnJu0uI

Un astrologue m’a écrit que la mort du frère "n'était pas la réalisation d'une prédiction à propos de Trump lui-même" ; je prétends que c’est à propos de lui parce que je pense que nous ne prédisons pas des "événements objectifs" mais nous prédisons plutôt ce que j'appelle des "événements de conscience". Or, nous pouvons sûrement dire que dans votre conscience la mort est vraiment présente si votre frère et ami décède. J'ai beaucoup d'exemples pour illustrer ce principe. En voici un que je donne souvent. J'étais dans un avion qui atterrissait à Bruxelles. Nous avions déjà engagé la descente, lorsque le commandant de bord a annoncé que nous n'allions pas atterrir à cet aéroport parce qu'il y avait deux incendies. En réalité, il s’agissait de ce grand attentat terroriste à Bruxelles le 22 mars 2016 qui a fait 18 morts et 92 blessés. Ce jour-là, j'avais dans mes Courbes Prévisionnelles un pic maximal indiquant la mort. L'attentat s'est produit près du comptoir d'Air Canada qui était ma compagnie aérienne. Je n'ai pas besoin de vous expliquer à quel point j'ai pensé toute cette journée à la mort à laquelle j’avais peut-être échappé.

Q : A présent, je voudrais aborder le reproche invoqué par les magiciens et les mentalistes de l’utilisation de "cold reading" par les astrologues ; le "cold reading" ou "lecture à froid"  est une sorte de baratin psychologique où l’on assène au client des évidences sur lui et l’humanité tout entière sans qu’il s’en rende compte. Que peux-tu répondre qui défendrait l’astrologie de cette accusation de trucage ? As-tu pratiqué le "cold reading" ? Penses-tu que certains de tes collègues l’utilisent ?

R : Bien faite, l’astrologie va beaucoup plus loin que le "cold reading" et ne repose pas seulement sur l’effet Barnum. Démontré en 1948 par le psychologue Bertram Forer, l’effet Barnum désigne un processus selon lequel un individu se reconnaît spontanément dans ce qu'il croit être une description spécifique de lui-même. Dans l’expérience de Forer, tous les sujets lisent la même description et ils trouvent qu'elle les décrit avec une cote d’appréciation supérieure à 70%. Ils ne réalisent pas que le texte pourrait tout aussi bien décrire quelqu’un d’autre.

Dans le contexte de l’astrologie, bien souvent, par exemple, les astrologues pensent naïvement que la soi-disant satisfaction de leur client contribue à établir la validité de l’astrologie. Et pourtant, comme le suggère l’effet Barnum, il semble futile d’essayer démontrer la validité de l’astrologie par la validation subjective de sujets interprétés. La satisfaction des clients démontrerait simplement au mieux que l’astrologue fait un bon travail de persuasion. Les sceptiques nous disent avec raison que les nombreuses validations subjectives de l’astrologie ne sont pas pertinentes pour juger de sa valeur. Selon eux, l’effet Barnum permettrait d’expliquer en partie la "persistance de pseudo savoirs tels que l'astrologie". En résumé et en gros, ils pensent que si n'importe qui peut se reconnaître dans n'importe quoi, alors tout ça c'est de la foutaise.

À ce sujet, en 2017, j’ai présenté aux Sceptiques du Québec à Montréal un spectacle mentaliste suivi d’une conférence qui furent très bien accueillis. Dans ma conférence intitulée Au-delà de l’effet Barnum, je proposais une réflexion critique sur le protocole de Forer. Sans en expliquer tous les secrets, j’utilisai, entre autres, dans mon spectacle justement des techniques de "cold reading".

Lors de ma conférence, je posai la question suivante : « Serait-il possible que le protocole de Forer soit incomplet, donnant ainsi la fausse impression que les gens manquent de jugement ?» C’est précisément ce que j’essayai de démontrer aux sceptiques. Mon objectif n’était pas d’établir la validité de l’astrologie, mais bien de détruire la prétention de ceux qui offrent l’effet Barnum comme preuve de son ineptie.

L'effet Barnum pose à toute tentative de validation expérimentale de l’astrologie un problème semblable à celui que pose l’effet placebo à la médecine. Ne pourrait-on pas dépasser l'effet Barnum et démontrer que ce serait son protocole incomplet qui donnerait l'impression que les gens manquent de jugement ? Je suis magicien-mentaliste et j'utilise régulièrement l'effet Barnum avec succès en dehors de tout contexte astrologique. Or, je pense que l’astrologie fait appel à quelque chose d'autre que l'effet Barnum. Je pense que les énoncés astrologiques peuvent être différents des énoncés du "cold reading". Mais comment démontrer que des descriptions astrologiques pourraient être meilleures que les énoncés du "cold reading " ? Peut-être en essayant de montrer que les descriptions astrologiques collent davantage aux sujets concernés qu'aux autres...

Voici l’idée du protocole de ma recherche.

D’abord, dans le but d’identifier un certain nombre de traits de personnalité qui collent astrologiquement à un sujet, il faudrait analyser son thème astrologique et noter les mots-clefs qui lui sont associés. La sélection des mots-clefs se fait à l'ordinateur à l'aide du système-expert de Mastro. Avec ces mots-clefs, on élabore un questionnaire de personnalité. Le sujet ainsi que les répondants du groupe-contrôle remplissent le questionnaire en évaluant dans quelle mesure ils possèdent ces trait de personnalité en leur attribuant des cotes de 1 à 9. Par exemple : parmi les 24 traits de personnalité d’un questionnaire, 12 correspondent à la description astrologique automatisée d’un sujet et les 12 autres sont leurs antonymes (donc selon l’astrologie ils n’appartiennent pas au sujet). L'enjeu est de montrer qu'un sujet ayant une certaine configuration astrologique va coter la moyenne des 12 traits de cette configuration significativement beaucoup plus haut que la moyenne des 12 antonymes. Par "significativement beaucoup plus haut", on entend que l’écart entre ses deux moyennes doit être statistiquement plus élevé que pour les sujets du groupe contrôle.

C’est nettement ce qui arriva et cette recherche a donc donné les résultats significatifs escomptés.

Voici un témoignage que j’ai reçu.

J’ai beaucoup apprécié la présentation de Vincent Godbout sur l’effet Barnum. La première partie est un spectacle professionnel de mentalisme qui permet à l’auditoire d’être victime de l’effet en question. Sans nous expliquer ses secrets, M. Godbout nous fait comprendre qu’il utilise une technique de "cold reading" qui fonctionne selon ce principe qui consiste à dire des énoncés dans lesquels tous peuvent se reconnaître. Il en rajoute encore en montrant une courte vidéo du mentaliste Derren Brown illustrant l’effet sur des groupes de personnes de différents pays. Tous se reconnaissent dans une description qui leur est présentée comme personnelle mais qui est en fait la même pour tout le monde. Nous voilà convaincus… l’effet existe bel et bien et est quantifiable (entre 70% et 80%). Le reste de la présentation, sans réussir à me convaincre de la validité de l’astrologie (ce n’en était pas le but), détruit la prétention des sceptiques qui offrent l’effet Barnum comme une preuve de l’ineptie du discours astrologique…Il va falloir trouver autre chose !

Edward Valentine, sceptique et mathématicien.