samedi 21 juillet 2018

« Engagement et détachement » dans « Méditer jour après jour » de Christophe André (neuvième partie).






 Le voyageur au-dessus de la mer de nuages par Caspar David Friedrich.


Cet article est la suite de celui-ci.

Engagement et détachement.

La pleine conscience nous aide à nous engager dans les actions qui nous importent. Puis elle nous aide à nous détacher de l'asservissement au résultat de ces actions.

C'est la différence que faisait la langue grecque entre télos et skopos, entre la fin et le but. Lorsqu'un archer s entraîne à tirer, le télos, c'est de bien tirer ; le skopos, c'est d'atteindre la cible. Ce qui est à ma portée et qui dépend de moi, c'est le télos. Le skopos dépend aussi d'autres facteurs : un souffle de vent qui va déporter la flèche, un bruit soudain qui va me faire bouger au dernier moment.

De même, la pratique de la pleine conscience exige de moi que, régulièrement, je reste assis en silence, les yeux fermés, et que je me consacre à accueillir et à observer mon expérience. Par contre, je dois accepter que le résultat de mon assise puisse varier considérablement selon les jours. Seule certitude : plus souvent et plus longtemps je me serai assis, plus souvent j'atteindrai ma cible.

Cette façon de s'engager dans l'action, en pleine conscience, nous permet, au travers de la vie de tous les jours, une confrontation à l'absolu. Engagement puis détachement comme une lente et patiente marche d'approche d'un absolu qui nous dépasse. Mais la séquence engagement puis détachement n'est pas facile.

Au début, lorsqu'on travaille sur le détachement, on fait semblant. On n'est pas vraiment détaché. On veut juste se préserver de la souffrance, appeler le détachement au secours pour ne pas souffrir des échecs, des abandons, des tourments du quotidien. Mais être détaché face aux succès, aux célébrations, aux glorioles, ça nous intéresse moins ! On ruse alors, on simule. Fausse modestie et fausse indifférence, fausse distance ; alors qu’en dedans on se pourlèche, on se boursoufle en cachette. Mais si on s'astreint, si on pratique régulièrement, si après chaque succès on s’assoit et on laisse décanter au lieu de s'exciter dans l'autocélébration, si après chaque échec on fait de même, au lieu de s'énerver dans l'autoflagellation, peu à peu il se passera de drôles de choses en nous. On sera moins secoué par l'écume des actes On percevra qu'il y a plus intéressant au-delà. Ça commencera à ressembler au sommet de la montagne (voir tableau en début de page).
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Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.