lundi 9 janvier 2017

Présentation de l’étude « Atteindre l’excellence » de Robert Greene, chapitre 1, Découvrir sa vocation : l’œuvre de toute une vie, (sixième partie), « Éviter les voies sans issue, la stratégie de la rébellion».




Mozart dans Amadeus de Milos Forman



« Je peux parler indéfiniment, car je n'ai pas d'enseignement. »
Osho

Robert Greene, dans son livre Atteindre l’excellence, identifie cinq stratégies pour parvenir à identifier l’œuvre de sa propre vie (voir précédent article).

Je traiterai aujourd’hui de la troisième stratégie :

3) Éviter les voies sans issue – la stratégie de la rébellion.

Robert Greene possède le talent admirable de réaliser des biographies à la fois évocatrices et instructives. J’ai parlé dans des articles précédents de celle qu’il a rédigée sur Marcel Proust. Pour parler de la stratégie de la rébellion, il nous narre l’existence de Mozart.

C’est en 1760 que Wolfgang Amadeus Mozart, alors âgé de quatre ans, se mit au piano sous la direction de son père. C’est Wolfgang qui avait demandé à prendre des leçons car sa sœur, alors âgé de sept ans, avait déjà commencé l’étude de cet instrument. Peut-être est-ce en partie par émulation vis-à-vis de sa sœur que le petit Mozart avait pris cette initiative, en observant l’attention et l’amour dont sa sœur bénéficiait.

Au bout de quelques mois d’apprentissage, Léopold Mozart — pianiste, compositeur et professeur de musique — constata que Wolfgang était exceptionnel. En dépit de son très jeune âge, l’enfant aimait travailler son instrument ; le soir, il fallait que ses parents l’arrachent à son clavier. Dès cinq ans, il se mit à composer des morceaux. Bientôt, Léopold emmena son fils prodige pour jouer dans toute l’Europe devant des têtes couronnées et, de ce fait, gagna beaucoup d’argent.

En tant que père de famille, Léopold exigeait de ses enfants une obéissance totale. Mozart, enfant, s’y soumettait sans problème mais, quand il parvint à l’adolescence, quelque chose de différent mûrit en lui. Jouait-il du piano pour se faire plaisir ou attirer sur lui l’attention ?

Il eut une révélation : ce qui le passionnait vraiment, ce n’était ni le piano, ni même la musique, car il ne goûtait pas d’être exposé comme un animal savant ; il était destiné à composer des œuvres musicales et surtout il était passionné de théâtre. Il voulait créer des opéras : c’était cela sa vocation. Son père était devenu un obstacle : par appât du gain ou peut-être par jalousie, il le détournait de sa voie et l’empêchait de vivre ce pour quoi il désirait exister.

Quand il se rendit à Vienne en 1781, Wolfgang prit la décision fatidique de rester. Il ne retourna jamais à Salzbourg. Comme s’il avait violé un grand tabou, son père ne put jamais lui pardonner.

Quand, dans la vie, on tombe sur une voie sans issue, c’est en général que l’on est attiré dans un domaine pour de mauvaises raisons : l’argent, la célébrité, la reconnaissance, etc. Si on sacrifie tout pour obtenir de l’attention, on ressent un vide intérieur que l’on espère combler avec cet ersatz d’amour que constitue l’adulation du public. Comme le domaine que l’on a choisi ne correspond pas à nos inclinations les plus profondes, on y trouve rarement l’épanouissement recherché. Ceci est douloureux, d’autant plus que l’attention que l’on arrivait à obtenir au début s’estompe. Si notre décision était surtout motivée par le désir d’argent et de confort matériel, c’est en général que l’on a pris sa décision par anxiété ou pour complaire à ses parents.

Pour sortir de cette voie sans issue, votre stratégie doit se dérouler en deux étapes : d’abord, prenez conscience au plus vite que vous avez choisi votre carrière pour de mauvaises raisons, n’attendez pas que votre confiance en vous-même soit émoussée. Ensuite, rebellez-vous vigoureusement contre les forces qui vous ont écarté du droit chemin. Au diable les besoins d’attention et d’approbation : ce sont eux qui vous entraînent sur de fausses pistes. Accueillez votre colère et votre ressentiment contre les forces parentales ou sociétales qui veulent vous imposer une vocation sans attrait. Puisez dans la rébellion votre énergie et votre raison de vivre. Si une figure paternelle, tel Léopold Mozart, ou d’autorité, tel le fondateur d’une religion, se met en travers de votre route, tuez-la et vous aurez le champ libre.

Une citation d’un grand penseur sur le sujet :

« Si tu rencontres le Bouddha, tue le Bouddha ! » Lin-Tsi, maître bouddhiste

Je vous parlerai dans un prochain article de la quatrième stratégie pour découvrir sa vocation, « Se libérer du passé – la stratégie de l’adaptation ».

Amitiés à tous.


Présentation de l’étude « Atteindre l’excellence » de Robert Greene, chapitre 1, Découvrir sa vocation : l’œuvre de toute une vie, (cinquième partie), « Occuper le créneau idéal, la stratégie darwinienne, la vie de la chercheuse Yoki Matsuoka et conclusions ».




 Robert Greene


Robert Greene, dans son livre Atteindre l’excellence, identifie cinq stratégies pour parvenir à identifier l’œuvre de sa propre vie.

1) Revenir à ses origines – la stratégie de l’inclination primale.

2) Occuper le créneau idéal – la stratégie darwinienne.

3) Éviter les voies sans issue – la stratégie de la rébellion.

4) Se libérer du passé – la stratégie de l’adaptation.

5) Trouver le chemin du retour – jouer son va-tout.

Je traiterai aujourd’hui de la deuxième partie : occuper le créneau idéal.

2) Occuper le créneau idéal – La stratégie darwinienne.

Après avoir décrit le parcours existentiel du neuropsychiatre indien Vilayanur Ramachandran, Robert Greene, pour illustrer son propos, raconte la vie de la chercheuse japonaise en neurosciences, Yoki Matsuoka, qui a créé la discipline appelée « neurobotique » (Cet article est la suite de celui-ci).
L’enfance de Yoki Matsuoka fut une période de troubles et de confusions. Dans le Japon des années 1970, tout semblait décidé à l’avance pour elle. Mais elle parvint à créer une discipline entièrement nouvelle qu’elle appela « neurobotique » : la conception de robots simulant le système nerveux humain et se rapprochant de la vie-même. En défrichant ce domaine, elle a contribué de façon importante à l’avancement de la science et elle est parvenue à la forme suprême du pouvoir : la capacité de concilier en toute liberté l’ensemble de ses centres d’intérêt.

Le monde du travail est comme un écosystème : les êtres vivants y occupent des biotopes à l’intérieur desquelles ils sont en concurrence pour leurs ressources et leur survie. Plus ils sont nombreux dans un espace donné, plus il leur est difficile de prospérer. Quand on travaille dans ce genre de créneau, on s’use à attirer l’attention, à faire de la politique politicienne et à accaparer des ressources insuffisantes. On passe tant de temps à ces petits jeux qu’il n’en reste guère pour une véritable maîtrise. On est attiré par le fait de toucher un salaire au terme d’un parcours familier. On ne se rend pas compte à quel point la vie est difficile.
Il faut changer de stratégie et identifier un écosystème que l’on peut dominer. Il n’est pas simple d’identifier son propre créneau. Cela demande de la patience et une stratégie éprouvée. Au début, on choisit un domaine qui se rapproche de ce que l’on souhaite et de là, on a le choix entre deux directions :

1) La première, c’est de rechercher dans ce domaine donné les issues particulièrement intéressantes. Quand c’est possible, on tâche de zoomer sur un domaine plus restreint et l’on continue ce processus jusqu’à tomber sur un sujet vierge, le plus petit possible. A certains égards, ce créneau correspond à ce que l’on a d’unique.

2) Dans la seconde direction, une fois que l’on maîtrise un premier domaine, on cherche de nouvelles connaissances que l’on peut acquérir, éventuellement dans un deuxième domaine (même pendant son temps libre si nécessaire). On peut alors combiner ce nouveau savoir avec le précédent, éventuellement en créant un troisième domaine ou tout au moins en établissant de nouveaux liens entre les différents domaines. On continue ce processus aussi longtemps que l’on veut. Au bout du compte, on crée une discipline exclusive. Cette seconde version convient bien à une culture où l’information est à la disposition de tous et où le fait de mettre des idées ensemble est une forme de pouvoir.

Dans les deux cas, nous découvrons un écosystème qui n’est pas encombré de concurrents. Nous avons la liberté d’y évoluer à notre guise en étudiant les questions les plus intéressantes. La personne se fixe son propre programme et maîtrise les ressources disponibles dans cet écosystème. Nous ne sommes plus écrasés par la concurrence et les chamailleries et nous avons le temps et la place pour nous consacrer à l’œuvre de notre vie.

Je vous parlerai dans un prochain article de la troisième partie du chapitre 1 « Éviter les voies sans issue - la stratégie de la rébellion ».

Amitiés à tous.