lundi 26 août 2019

Comment combattre la haine de soi ?



Un des livres dont est issu cet article.


Cet article est la suite de celui-ci . Il est une synthèse de plusieurs textes écrits sur le sujet.

"La haine de soi est un sentiment dont nous avons rarement conscience, constate Charles Rojzman, auteur notamment, avec Nicole Rothenbühler, de Savoir aimer dans des temps difficiles, les trois combats (Guy Trédaniel éditeur). D’abord parce qu’il est si inconfortable et destructeur que nous le refoulons. Ensuite parce que, lorsque nous rencontrons des difficultés, nous avons tendance à penser qu’elles viennent des autres ou des circonstances qui ne sont pas propices. Nous avons du mal à voir qu’elles viennent de nos propres empêchements et de ce qu’ils traduisent : une piètre image de nous-même." Pourquoi parler de haine plutôt que de manque de confiance ou d’estime de soi ? « Parce qu’il s’agit d’un sentiment sans nuance, qui produit une image déformée et diabolisée de soi : on se voit tout entier mauvais, inadéquat, incapable. »

Cet être monstrueux, que nous voulons à tout prix dissimuler aux autres et à nous-même, est une créature blessée : enfant, nous avons été meurtri, dans notre famille ou dans notre vie sociale, par des railleries, des culpabilisations répétées, des mises à l’écart, des abandons ou des maltraitances, qui aujourd’hui encore alimentent notre honte de qui nous sommes. Ces violences du passé nous font toujours redouter de mal faire, nous conduisent à nous effacer au profit des autres ou à nous soumettre à ceux qui nous effraient. Or nous manquons de lucidité, la plupart du temps, sur ce que nous avons vécu. Si bien que, au lieu d’avoir de la compassion pour nous-même, nous continuons de nous maltraiter. Au fond, la haine de soi est un amour déçu qui s’est transformé en son contraire. Du fait de nos blessures, nous ne sommes pas devenu celui ou celle que nous espérions être. Et nous ne nous le pardonnons pas.
Les représentations abîmées que nous avons de nous-même ont nécessairement des effets dans notre vie. Les repérer permet de commencer à s’en libérer. Charles Rojzman propose trois pistes pour guérir : « 1) Regarder ce que nous faisons aux autres – exigences, reproches excessifs – pour mieux comprendre ce qui nous a été fait ; 2) Repérer les images négatives que nous avons de nous-même et essayer de voir d’où viennent ces étiquettes ; et surtout, 3) Apprendre à faire la différence entre le fantasme et la réalité : les reproches que je m’adresse sont-ils justifiés ? Suis-je réellement coupable ou est-ce que je me crois coupable parce que j’ai été beaucoup culpabilisé ? » Il faut, à un moment, entrer en lutte contre nous-même et cesser de nous condamner par avance sans nous être offert un procès équitable. Au terme duquel nous deviendrons capables d’assumer plus tranquillement nos défauts comme nos qualités.

Dans nos relations
La reproduction de la violence, la difficulté à créer de l’intimité.

Tant que nous n’avons pas conscience de ce qui nous a été fait, nous risquons à notre tour, sans nous en rendre compte, d’abandonner, de culpabiliser, de maltraiter ou d’humilier notre conjoint, nos enfants, nos collègues de travail… « Ces violences que nous reproduisons entravent notre capacité à aimer les autres tels qu’ils sont et à nous montrer tels que nous sommes. C’est-à-dire, en définitive, à créer de l’intimité. » Nous nous dissimulons derrière des images (trop) positives de nous-même (gentil, parfait, dévoué) ou un peu provocantes (« Je suis comme je suis, à prendre ou à laisser », « Je suis trop épris de liberté pour me lier à quelqu’un »). Ces postures, qui nous permettent de tenir les autres à distance, trahissent une profonde insécurité.

Dans nos accomplissements
Des rêves abandonnés, des talents entravés.

« Le fait de ne pas s’aimer suffisamment entraîne aussi une difficulté à réaliser ses objectifs : on ne prend pas ses rêves au sérieux, on n’ose pas affirmer ses envies, on ne s’en donne pas les moyens », note Charles Rojzman. La vie que l’on voudrait vivre est toujours remise à plus tard : on ne se sent ni digne ni capable d’être heureux. Alors on se conforme ou bien on se sabote. Sans jamais déployer un potentiel sous-estimé. L’ennui et le sentiment de passer à côté de sa vie sont des signes forts d’une haine de soi que l’on ne reconnaît pas. Pour s’accommoder de ses frustrations, on s’est habitué à croire que dans la vie on ne fait pas toujours ce que l’on veut.


Dans notre travail
L’ambition empêchée, le syndrome de l’imposteur.

De la même manière, la haine de soi retient d’évoluer professionnellement. Si l’on est persuadé d’être nul, si l’on ne se donne pas le droit à l’erreur, le fait d’être mis en difficulté devant de nouvelles tâches et exposé à la critique peut être insupportable. Plutôt que d’écouter son envie de progresser, on prétend qu’on n’a pas d’ambition, qu’on laisse ça aux autres. « On retourne le mépris que l’on a de soi contre ceux qui réussissent et que l’on envie sans pouvoir l’admettre », commente Charles Rojzman. Lorsque l’on accède malgré tout à des postes à responsabilités, le syndrome de l’imposteur guette : « On ne se sent pas à la hauteur des fonctions qui nous ont été confiées, et l’on est terrifié à l’idée d’être démasqué », décrit-il. La haine de soi empêche de reconnaître son propre mérite : si l’on réussit, c’est que les autres se sont trompés sur notre compte.

Dans notre corps
Une beauté méconnue, une santé négligée.

La manière dont nous prenons soin de nous est évidemment liée à la valeur que nous nous accordons. Lorsque l’on a été abandonné, on s’abandonne soi-même : vêtements informes, chevelure en friche… Le fait de ne pouvoir se montrer sans un maquillage chargé ou un look très étudié révèle aussi un manque d’assurance et une réticence à être vu au naturel. Plus difficile à repérer, « la haine de soi transparaît également dans le fait de négliger sa santé : on ne va pas chez le dentiste, chez le gynécologue. On croit mériter les dégradations, la souffrance, on n’ose pas montrer des parties de son corps pour lesquelles on a été culpabilisé », traduit le thérapeute.

Dans nos dépendances
Le besoin de béquilles, la difficulté à choisir.

« Enfant, lorsque nous n’avons pu exister qu’à travers l’approbation, l’autorisation, la reconnaissance de nos parents, c’est notre autonomie qui a été blessée », décrit Charles Rojzman. Adulte, nous ne parvenons pas à prendre des décisions, à faire des choix pour nous-même. Nous continuons d’avoir besoin de nous adosser à quelqu’un ou, si ce quelqu’un fait défaut, à quelque chose. Cette dépendance fait le lit de nos addictions. Elle crée aussi une vulnérabilité particulière au harcèlement et aux pervers narcissiques. Elle exprime, en tout cas, notre conviction que nous ne méritons pas d’exister par nous-même.

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous !