mercredi 25 juillet 2018

« Vivre l’instant présent » dans « Méditer jour après jour » de Christophe André (onzième partie).



  
L’instant présent selon Thich Nhat Hanh, l’auteur de L’esprit d’amour


Cet article est la suite de celui-ci.   

« Vivre l’instant présent » dans « Méditer jour après jour, 25 leçons pour vivre en pleine conscience  » de Christophe André.

Méditer en pleine conscience, ce n'est pas analyser l'instant présent, ou du moins pas comme on le croit. C'est l'éprouver, le ressentir, de tout son corps, sans mots. Ce n'est ni habituel ni confortable de se passer ainsi durablement du langage pour traverser des moments de notre vie. Et pas facile : ne pas parler, passe encore, mais ne pas penser ! Juste éprouver, se connecter. Pourtant, nous avons tous déjà fait cette expérience.

Ce qui se passe alors, et qui va au-delà des mots, est très précisément décrit dans cet extrait de la Lettre de Lord Chandos, une magnifique nouvelle de l'écrivain autrichien Hugo von Hofmannsthal : « Depuis lors, je mène une existence que vous aurez du mal à concevoir, je le crains, tant elle se déroule hors de l'esprit, sans une pensée. [.. Il ne m'est pas aisé d'esquisser pour vous de quoi sont faits ces moments heureux ; les mots une fois de plus m'abandonnent. Car c'est quelque chose qui ne possède aucun nom et d'ailleurs ne peut guère en recevoir, cela qui s'annonce à moi dans ces instants, emplissant comme un vase n'importe quelle apparence de mon entourage quotidien d'un flot débordant de vie exaltée. Je ne peux attendre que vous me compreniez sans un exemple et il me faut implorer votre indulgence pour la puérilité de ces évocations. Un arrosoir, une herse à l'abandon dans un champ, un chien au soleil, un cimetière misérable, un infirme, une petite maison de paysan, tout cela peut devenir le réceptacle de mes révélations. Chacun de ces objets, et mille autres semblables dont un œil ordinaire se détourne avec une indifférence évidente, peut prendre pour moi soudain, en un moment qu'il n'est nullement en mon pouvoir de provoquer, un caractère sublime et si émouvant, que tous les mots, pour le traduire, me paraissent trop pauvres.»

« La pleine conscience ne réagit pas à ce qu'elle voit. Elle voit, simplement, et elle comprend sans mots », disait un maître bouddhiste. Les mots peuvent nous aider immensément, à certains moments : nommer une douleur ou une joie peut nous permettre de mieux supporter, surmonter, comprendre, savourer. Mais parfois ils ne peuvent rien pour nous, pour exprimer la complexité de ce que nous éprouvons ; ils peuvent même entraver, falsifier, gâcher notre expérience. Il y a des moments où mieux vaut ne rien dire. Il faut alors accepter de traverser la réalité différemment : ressentir, éprouver. On parle parfois ainsi de « conscience immergée » pour décrire cet état très particulier de notre esprit lorsqu'il est intensément absorbé, mais sans production de pensée volontaire, lorsqu'il est juste dans l'expérience.

Le goût intense de l'expérience

Lors d'une retraite de pleine conscience, je me souviens que notre instructeur nous avait proposé un de ces exercices bizarres, dont les maîtres de méditation ont le secret. Il nous avait tous réunis en rond. Puis demandé de faire un pas en avant. Après quelques secondes de silence, il nous avait alors dit : «Et maintenant, essayez de ne pas avoir fait ce pas.» Je n'avais jamais entendu, ni surtout vécu quelque chose d'aussi frappant sur l'inanité de certains regrets. Et surtout, je n'avais jamais compris aussi clairement la différence entre l'enseignement par la parole et celui par l'expérience. Dans ma surprise et ma perplexité, dans l'hésitation et le trouble de mon esprit, dans mon corps qui ne savait plus que faire, tout était transmis sur l'impossibilité d'effacer et l'inutilité de regretter...

La pleine conscience nous apprend que l'expérience est aussi importante que le savoir : lire sur la pleine conscience, ce n'est pas comme la pratiquer. Écouter un CD d'exercices de méditation pour prendre connaissance de son contenu, ce n'est pas comme faire ces exercices.

L'expérience, comme voie d'accès au réel, ne remplace pas le savoir, la raison ou l'intelligence, mais elle les complète. Et il n'y a rien de plus simple que l'expérience, il suffit de prendre le temps : il faut juste s'arrêter pour éprouver. Pour regarder, écouter, sentir, il faut suspendre notre action ou notre mouvement. Faites-le. Maintenant. Arrêtez de lire. Arrêtez de lire, fermez les yeux et prenez conscience. Notez de quoi est composée votre expérience, juste ici et maintenant. Pendant une minute, maintenant, tout de suite. Personne, absolument personne ne peut le faire à votre place. Et personne, absolument personne ne pourra non plus méditer à votre place. Fermez les yeux.


Résumé.

Vivre, c'est vivre l'instant présent. On ne peut pas vivre dans le passé ni le futur: on ne peut qu'y réfléchir, y spéculer, y ressasser ses regrets, ses espoirs, ses craintes. Pendant ce temps, on n'existe pas. Se rendre régulièrement présent à la richesse de nos instants de vie, c'est vivre davantage.

Nous le savons, bien sûr, nous l'avons lu et entendu ; nous l'avons même pensé. Mais tout ça, c'est du bla-bla : il faut maintenant le faire, pour de vrai ! Rien ne remplace l'expérience de l'instant présent.


Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.



« Vivre l’instant présent » dans « Méditer jour après jour » de Christophe André (dixième partie).




 La pie de Claude Monet.


Cet article est la suite de celui-ci. 

Vivre l’instant présent.

C'est maintenant, juste maintenant. Tout à l'heure, ce sera autre chose : la pie se sera envolée, le soleil sera plus haut dans le ciel, l'ombre de la haie aura reculé... Ce sera ni mieux ni moins bien ; ce sera juste différent.

Alors, c'est maintenant qu’il faut arrêter ses pas, sentir l'air froid qui pique l'intérieur du nez, écouter tous les bruits amortis, admirer cette incroyable lumière des soleils de neige. Rester là aussi longtemps que possible, sans rien attendre de particulier. Surtout pas. Mais simplement rester là en faisant de son mieux pour percevoir les innombrables richesses de cet instant : les morceaux de neige qui tombent des arbres, dans un petit bruit moelleux ; la blancheur bleutée de l’ombre de la haie ; les petits mouvements de la pie qui cherche un peu de chaleur au soleil. Tout est parfait, il ne manque rien pour que cet instant nous comble.

En pleine conscience, se rendre simplement présent à cet instant de grâce, ordinaire et lumineux.


Décider d'habiter l'instant présent

Ce que nous apprend la pleine conscience, c'est à ouvrir les yeux. Cet acte est important car il y a en permanence autour de nous des mondes que nous négligeons. Ici et maintenant. Nous pouvons y entrer en arrêtant le cours automatique de nos actes ou de nos pensées.

Ce qui facilite l'accès à ces mondes de l'instant présent, ce sont certaines grâces extérieures, certes, comme le soleil, la neige et la pie du tableau de Monet. Mais aussi la décision de se mettre, le plus souvent possible, en position d'être touché, contacté, frappé par la vie. Il s'agit d'un acte de conscience volontaire, il s'agit de décider d'ouvrir la porte de notre esprit à tout ce qui est là. Au lieu de nous réfugier dans l'une ou l’autre de nos citadelles intérieures : ruminations, réflexions, certitudes et anticipations.

Cet acte est un acte de libération. Libération de nos pensées sur le futur ou le passé : la pleine conscience nous ramène dans le présent. Libération de nos jugements de valeur : la pleine conscience nous ramène dans la présence. Notre esprit est encombré de tant de choses ! Parfois importantes, parfois intéressantes. Et parfois complètement vaines et inutiles. Elles sont autant d'obstacles à la vision, autant d'obstacles à notre lien au monde. Nous avons besoin du passé et du futur, besoin de souvenirs et de projets. Mais nous avons aussi besoin du présent. Le passé importe, le futur importe. La philosophie de l'instant présent, ce n’est pas dire qu'il est supérieur au passé ou au futur. Juste qu'il est plus fragile, que c'est lui qu'il faut protéger, lui qui disparaît de notre conscience dès que nous sommes bousculés, affairés. C’est à lui qu’il faut donner de l’espace pour exister.
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Ressentir plus que penser : la conscience immergée

Méditer en pleine conscience, ce n'est pas analyser l'instant présent, ou du moins pas comme on le croit. C'est l'éprouver, le ressentir, de tout son corps, sans mots. Ce n'est ni habituel ni confortable de se passer ainsi durablement du langage pour traverser des moments de notre vie. Et pas facile : ne pas parler, passe encore, mais ne pas penser ! Juste éprouver, se connecter. Pourtant, nous avons tous déjà fait cette expérience.


Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.



Compte rendu du livre « Trouver la bonne distance avec l’autre grâce au curseur relationnel, être attentif sans se faire envahir, ferme sans être rejetant » de Catherine Deshays (première partie).





  
Le livre en question.


Je viens de lire un livre que j’ai trouvé très instructif et subtil pour les professionnels de l’accompagnement psychologique. Il s’agit de « Trouver la bonne distance avec l’autre grâce aucurseur relationnel, être attentif sans se faire envahir, ferme sans être rejetant » de Catherine Deshays. L’auteur est médecin psychiatre et didacticienne en Gestalt-thérapie.

L’ouvrage montre à toute personne à l'aide d'un outil simple à utiliser comment poser les limites entre elle et les autres et préserver bien-être et qualité relationnelle. Il aide à garder l'esprit d'accueil et à construire l'empathie tout en restant à l'intérieur du cadre de la relation — soins, amitié, travail, encadrement, accompagnement, etc. — notamment en situations émotionnellement chargées.

Les coachs, les éducateurs, les psychothérapeutes, les médecins et les professionnels du soin, tout comme les managers et leurs équipes, y trouveront les repères pour travailler plus sereinement.

Dans l’introduction « Les affects incontournables dans la relation », l’auteur conseille de « Prendre le temps de l’entrée en contact ».

Prendre le temps de l’entrée en contact.

Attardons-nous quelques instants sur l'importance du soin apporté à l'entrée en matière dans toute situation d'entretien ou relationnelle. L’auteur du livre commence presque toujours ses stages de formation à la relation et aux entretiens par la proposition suivante : commençons par être attentif à la présence de chacun, et au comment de cette présence. Prendre le temps de se regarder vraiment, et de voir qui est là, les visages connus, les visages vus pour la première fois, et les impressions ressenties qui en émergent. Prendre le temps de s'attarder sur le confort, procéder à certains réajustements : y a-t-il assez de lumière ? de chaleur ? d'espace ? Elle invite les participants à s'exprimer sur la conscience qu'ils ont de ce qui est présent là pour chacun d'eux.

Très souvent, il y a de la surprise à commencer ainsi. Certains disent qu'ils ne savent pas quoi dire à propos de leurs ressentis, d'autres expriment un « ça va bien » assez indéfini. Un silence embarrassé peut alors prendre de la place. Porter attention à sa présence fait d'emblée nouveauté en posant un regard sur soi, sur l'environnement qui n'est pas habituel. Et il n'est pas rare que rapidement un participant manifeste son empressement de « commencer vraiment ». Parce que ce n'est pas commencé ? Tout ce qui est vécu et éprouvé n'aurait pas de valeur ni dans l'instant, ni pour la suite de l'entretien ? L'efficacité est en général assimilée à la production, à l'action, à un résultat. La préséance est associée à des bavardages ou au mieux à des politesses inutiles, sources de perte de temps. Nous croyons aller plus vite et nous pensons gagner du temps en supprimant ce qui semble nous égarer du  centre du sujet. Ce temps pris est celui de la possibilité  d'un apprivoisement mutuel.

Nous verrons que l'ambiance est le terreau de l'efficacité et elle commence par le soin de l'entrée en matière dans la situation qui réunit les protagonistes et qui va imprégner toute la suite du travail. On ne fait pas deux fois une première impression. Il y a plusieurs façons de dire bonjour, de créer des conditions favorables pour que des processus émergent qui sont des signatures de personnages. Il s'agit de « perdre du temps » pour en gagner.

Loin d'un « prêt-à-relationner », le propos de l’auteur se veut être une sensibilisation à la complexité de notre humanité. Elle propose quelques repères pour agir avec plus de discernement, pour mieux comprendre ce que vous êtes en train de sentir et d'éprouver afin d'arriver à donner sens et à vous orienter dans la situation.


Voilà. C’est tout pour le moment comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.