lundi 27 février 2017

Quelques notions de Gestalt thérapie : la frontière-contact (cinquième partie).





Le cycle du contact




Cet article est la suite de celui sur la théorie du « self ».

La frontière-contact

Élément essentiel de la « géographie gestaltiste », la frontière­-contact est le lieu d’échange où se négocie le contact avec l’environnement. On utilise couramment la métaphore de la peau pour illustrer la frontière­contact. Comme la peau, elle est surface de séparation et espace sensible et dynamique de la rencontre. Mais à l’inverse de la peau, elle est impalpable, puisque lieu virtuel.

Si je marche pieds nus sur l’herbe, cette expérience se manifestera à la frontière­-contact entre mon pied et l’herbe, au niveau de ma peau. Si je suis coupée de mes sensations, il ne s’y passera aucun échange. Si je suis présente à mon plaisir et à mon corps, je vais peut-être accentuer ou prolonger ce moment. Si je déteste la sensation du froid sous mes pieds, je vais immédiatement me rechausser! Je m’ajuste à mon environnement selon un mouvement d’attraction, de répulsion, d’évitement, d’intégration... Les auteurs de Gestalt ­thérapie écrivaient: « Tout contact est un ajustement créateur de l’organisme et de l’environnement».
C’est à la frontière­-contact que le thérapeute observe le déroulement de l’échange et de ses éventuelles perturbations. Ce repérage s’effectue en évaluant l’ajustement du client avec son fonctionnement interne, avec son environnement et avec le thérapeute.

Le cycle du contact
Toute expérience ou création peut être envisagée sous l’angle d’un cycle évolutif qui comprend un début, un point culminant et une fin.
Au moment où je rédige ce paragraphe, j’ai envie de vous communiquer quelque chose, une idée. C’est le besoin prégnant du moment. Je cherche, je tâtonne, quelques mots émergent qui ne me conviennent pas... toute mon attention est mobilisée dans cette action. J’essaie, je m’approche de la forme voulue, je me décourage, puis je finis avec soulagement par trouver la formule adéquate, c’est le « plein contact », l’aboutissement de mon besoin. Je peux alors relâcher cette tension et laisser émerger l’expérience suivante.
Pendant cette recherche, une série d’étapes sont apparues avant que j’atteigne mon but. C’est ce que la Gestalt­ thérapie nomme « le cycle du contact ». Les différents théoriciens de la Gestalt ont repéré un certain nombre de stades dans ce cycle. Perls et Goodman, pour leur part, ont déterminé quatre phases dans ce processus : le pré­-contact, la prise de contact, le plein contact, le post­contact (ou retrait).

Pré-contact
C’est l’amorce d’une sensation, d’un mouvement intérieur, d’une stimulation, l’émergence d’un besoin nouveau. Dans le flot de ce qui nous traverse, sur le fond de notre expérience, une figure s’impose. Vous lisez ce livre, et depuis un moment l’envie de bouger et de vous détendre émerge. Vous l’avez peut-être laissée de côté pendant un moment, mais elle se fait plus pressante et vient au premier plan. C’est le moment du pré-­contact, la rencontre avec un besoin dominant.

Prise de contact
Le besoin émergeant s’impose. Vous décidez d’y répondre, vous vous levez et vous reposez ce livre. Votre attention se détourne de l’expérience précédente et se mobilise vers la nouvelle. Sur le fond de votre expérience, c’est le besoin de bouger qui devient la figure dominante. Votre énergie est alors dirigée vers la satisfaction de ce besoin. Serge Ginger nomme cette phase « l’engagement » car le choix pourrait aussi déboucher sur un « non­engagement », et sur la disponibilité à l’émergence d’une autre figure. Vous pourriez décider de poursuivre votre lecture, ou de poser votre livre et de laisser vacant votre esprit, de rester disponible à une autre manifestation interne ou à une sollicitation externe.

Plein contact
C’est la rencontre avec l’expérience choisie. Vous bougez, éprouvez le plaisir de vous dégourdir les jambes, ouvrez la fenêtre. Vous êtes en phase avec votre besoin, l’action et l’énergie déployées pour y répondre. C’est le plein contact de l’expérience. Précisons que le plein contact n’implique pas forcément un vécu positif. Rencontrer intimement une méduse, alors que vous nagez, vous incite instantanément à passer à la phase suivante, c’est­à­dire au retrait immédiat.

Retrait, post-contact
À tout besoin satisfait répond une phase de retrait, de digestion et de latence. Ayant bougé selon votre envie, vous êtes comblé et disponible pour l’émergence d’un nouveau processus. C’est la phase du « désengagement ».
Chez une personne qui fonctionne de manière fluide, ce cycle du contact se déroule sans écueil. Dans sa manière de s’adapter à ses besoins et son environnement, elle parvient à maintenir un juste équilibre, une homéostasie simple et régulière. Un besoin émerge, elle en prend conscience et décide d’y répondre ou de le laisser s’éteindre. Ce besoin a créé une excitation, une stimulation, une tension, qui pourront trouver satisfaction dans une réponse appropriée. « Je commence à avoir froid, j’attends un peu, puis j’ai réellement la chair de poule qui s’installe. Je me lève pour prendre un pull et je retrouve enfin un peu de chaleur. Mon besoin est satisfait. La tension est relâchée. » C’est un autre cycle qui peut alors émerger. Mais cette expérience n’est pas toujours vécue selon un schéma aussi simple et fluide.

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

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