Contact et retrait en Gestalt-thérapie
Je viens de lire un livre que j’ai
trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la
Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de
ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une
poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls.
Cet article est la suite de celui-ci.
Voici le résumé de ce livre.
Je suis
bloqué, ne sachant s'il faudrait parler de mon ami mort, Paul Weiss, qui
faisait partie intégrante de mon intérêt croissant pour le Zen, ou continuer à
raconter mon voyage autour du monde. Je constate qu'en parlant de Paul mon
écriture se fait de plus en plus petite. En effet, je me sentais souvent petit
en sa présence.
Paul, si
seulement je pouvais faire plus que de vous sortir de ma poubelle. Si seulement
je pouvais vous ramener à la vie. Vous étiez solide et authentique, sage et
cruel. Généralement, d'une exigence cruelle envers vous-même. Vous vous
discipliniez en demeurant dans la posture du lotus, et en exigeant de vous-même
une pensée claire et honnête. N'acceptant jamais de compromis pour l'essentiel.
Vous avez été
une des rares personnes que j'aie écoutées dans nia vie. Même si ce que vous
disiez me semblait absurde sur le moment, je l'encaissais au niveau des tripes
et le laissais mûrir. Presque toujours cela portait fruit.
Ses
commentaires n'étaient pas toujours critiques. Il me donna une fois un bon coup
d'épaule. J'essayais de venir à bout de Heidegger et Paul fit cette remarque :
« Qu'as-tu besoin de Heidegger ? Tu as dit la même chose mieux que lui, et plus
lucidement. »
Paul et Lotte
formaient le plus étonnant des couples. C'était un tombeur, et elle était
indestructible. Lotte posait les questions les plus agaçantes avec le plus
exquis des sourires (Lotte est douce et charmante, elle fait bien la cuisine
viennoise), et il lui tombait dessus avec violence et amour.
J'ai rencontré
Lotte pour la première fois après une conférence que j'avais faite à la «
Société pour l’avancement de la psychiatrie » sur « la théorie et la technique
de l'intégration de la personnalité ». Elle se mit à travailler avec moi. Nous
devînmes, et sommes restés, très bons amis.
Paul, qui
faisait des recherches sur le cancer, avait une grave névrose obsessionnelle.
Il travaillait surtout avec Lore et devint un excellent thérapeute, surtout
dans les cas limites. En dehors de la Gestalt-thérapie, il s'était passionné
pour le Zen, avait fait plusieurs voyages au Japon et invité ici quelques
moines zen. Lotte se plaignait de cette invasion de leur maison si bien tenue.
Dès lors, je
devins de plus en plus fasciné par le Zen, sa sagesse, son potentiel, son
attitude non moralisatrice. Paul essayait d'intégrer le Zen à la
Gestalt-thérapie. Pour ma part, je tentai plutôt de créer une méthode viable
d'ouverture vers cette sorte de transcendance humaine de soi, pour l'homme
occidental. Je fus encouragé en cela par Aldous Huxley, qui présenta Gestalt-Thérapie comme « le seul livre
psychothérapique qui vaille la peine d'être lu ».
Du point de
vue du Zen, mon séjour au Japon fut un échec. Cela renforça ma conviction que,
comme en psychanalyse, il y a quelque chose qui ne va pas s'il faut des années
et des décennies pour n'aboutir à rien. Le mieux qu'on puisse dire, c'est que
la psychanalyse engendre des psychanalystes comme l'étude du Zen des moines.
Autant leur
valeur à tous les deux, en tant qu'élargissement de la conscience et libération
du potentiel humain, doit être affirmée, autant leur efficacité doit être niée.
Ces méthodes ne peuvent être efficaces puisqu'elles ne sont pas centrées sur
la double polarité du contact et du retrait sur le rythme de la vie.
Hier je
n'avais pas du tout envie d'écrire. J'avais donné à Kay les premières pages de
cette section à taper. Après cela, j'avais ressenti un vide, rien pour me
guider, rien pour remplir le vide du néant.
Un millier de
fleurs en plastique
Ne font pas
fleurir un désert
Un millier de
fantômes vides
Ne remplissent
pas une chambre.
Et puis, la
nuit dernière, l'exploration tâtonnante a repris, dans différentes directions.
Plus que des souvenirs et des expériences, je veux sauver du naufrage ma
philosophie de la Gestalt. Je veux me faire comprendre dans un langage
accessible à tous. Je veux apporter une théorie vivante qui soit exacte sans
être rigide. Je veux, je veux, je veux, moi, moi, moi, moi.
Qu'est-ce que
« Moi » ? Une composition d'introjections (comme l'a suggéré Freud), une chose
que le neurologue peut localiser dans le cerveau, l'organisateur de nos
actions, le capitaine de mon âme ? Rien de cela. Un petit enfant n'a pas encore
de « je ». Il parle de lui-même à la troisième personne. Les Esquimaux
utilisent la troisième personne du singulier pour « je ». Certaines tribus du Pacifique Sud disent «
ici » à la place de je ».
Nous avons vu
que la Gestalt biologique, qui émerge en tant qu'organisateur transitoire,
prend le contrôle de l'organisme dans son entier. Chaque organe, les sens, les
mouvements, les pensées se subordonnent d'eux-mêmes à tel besoin qui apparaît
et, dès que ce besoin est satisfait, tournent casaque et changent de nature,
puis se retirent à l'arrière-plan. Dès qu'apparaît le besoin suivant, toutes
les parties se mettent à son service, et, chez un être en bonne santé,
concourent toutes à l'accomplissement de la Gestalt. Toutes les parties de
l'organisme s'identifient temporairement avec la Gestalt émergente.
Un processus
similaire se produit au niveau social. En cas de danger, d'inondation, de
tremblement de terre, à l'occasion de la célébration d'une victoire, beaucoup
de gens s'identifient avec l'événement et y participent, se joignent aux autres
pour assister à l'événement et y contribuer.
Le « je »,
c'est l'expérience de l'image au premier plan. C'est la somme de tous les
besoins qui émergent, le comptoir de règlement de leur satisfaction. C'est le
facteur qui reste constant dans la relativité des rapports entre demandes intérieures
et extérieures. C'est le facteur de responsabilité pour tout ce à quoi il s'identifie
: Respons-able, capable de répondre à la situation — pas « responsable » dans
le sens moraliste d'accepter des obligations dictées par le devoir.
Dans l'exemple
du déséquilibre hydrique : les deux affirmations « J'ai soif » et « Je n'ai pas
soif » sont non pas des contradictions logiques, mais des états différents de
déshydratation ou de non-déshydratation.
Jusqu'ici,
tout va bien ! Nous reconnaissons que « je » n'est pas une chose statique, mais
le symbole d'une fonction d'identification. Cependant, nous ne sommes
certainement pas sortis de l'auberge. Tout d'abord, quand Freud parle
d'introjection totale, il veut dire aussi processus d'identification. Si une
jeune fille a introjecté sa mère, dit-il, elle s'identifie tellement à elle
qu'elle se comporte « comme si » elle était sa mère.
De plus le
terme « identification » est un terme descriptif et ne nous dit pas grand-chose
de ce qui se passe réellement.
Finalement, ce
terme a besoin d'être clarifié davantage : « identification » doit être
distingué de « identification à » et d' « être identifié avec ».
Il semble à
présent que nous ayons à jouer à des jeux d'adaptation sémantique. Un des buts de ma philosophie est
d'être cohérente, c'est-à-dire applicable à tous les événements qui se
produisent, dans le monde inorganique aussi bien que dans le monde organique.
Plus le support intellectuel embrassera de choses, moins il y aura
d'instabilité au niveau plus élevé des superstructures.
Depuis ma
rencontre avec Friedlander, j'ai appris l'art des polarisations adéquates. Le
contraire de l' « identification avec » c'est l'aliénation. L'aliénation de soi
est devenue l'un des termes importants de la psychiatrie existentielle.
Voilà. C’est tout pour le moment comme
dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième
siècle. Amitiés à tous.