vendredi 11 août 2017

Compte rendu de « Le Théâtre de la Mémoire » de Giulio Camillo (première partie).


Pic de la Mirandole, une des influences de Camillo.

Je me suis rendu compte, plusieurs semaines après avoir écrit mon article « Histoire de la Mnémotechnie : Moyen Âge, Renaissance & Dix-Septième siècle » que j’avais oublié de mentionner le travail de Giulio Camillo (1480-1544), un érudit italien, qui a consacré toute sa vie à la fabrication d’un édifice qu’il appela le Théâtre de la Mémoire et qui était un gigantesque théâtre décoré d’images, conçu afin de mémoriser l’ensemble des connaissances de l’époque.
Vers la fin de sa vie, Camillo consacra sept matinées à dicter à Girolamo Muzio une esquisse de son Théâtre. Après sa mort, le manuscrit passa entre d’autres mains et il fut publié à Florence et à Venise en 1550 sous le titre L'Idea del Theatro dell' eccellen. M. Giulio Camillo. C'est cet ouvrage qui nous permet de reconstruire le Théâtre dans une certaine mesure. Il a été traduit en français sous le titre Le Théâtre de la Mémoire de Giulio Camillo aux éditons Allia et comporte sept chapitres. 
Je vais vous donner un résumé du texte de chacun de ceux-ci avec des commentaires explicatifs par rapport aux croyances de l’époque et de l’auteur. Il y a dans l’exposé de nombreuses citations, en particulier de cinq auteurs qui font partie comme Giulio Camillo de ce que l’on a appelé la Renaissance hermétique : Marsile Ficin, Pic de la Mirandole, Giordano Bruno, Campanella et John Dee. Ce courant tenta à l’époque de concilier la religion chrétienne et les sources antiques (néo-platoniciennes, pythagoriciennes et hermétiques) dans l’objectif implicite de justifier l’exercice de la magie. Un point commun entre ces auteurs est l’importance donnée à la mnémotechnie comme base de leur instruction spirituelle. C’est par la mémoire artificielle qu’on peut constituer cet espace intérieur dont les images opéreront dans nos vies comme des talismans.
 Le texte du chapitre d’ouverture « Le premier degré » commence ainsi : « Les plus anciens et les plus sages auteurs avaient toujours pour habitude de ne livrer dans leurs écrits les secrets divins que recouverts de voiles obscurs, afin de n'être compris que de ceux qui ont des oreilles pour entendre, comme dit le Christ (Matthieu 11, 15), c'est-à-dire de ceux que Dieu a élus pour comprendre ses très saints mystères. »
Commentaire : Ces auteurs sont les prisci theologi, c'est-à-dire les anciens sages dépositaires, selon la conception de la Renaissance, de la révélation essentielle et secrète de la philosophie et de la religion. Voici ce qu’en dit Marsile Ficin dans sa Théologie platonicienne : "Le premier, dit-on, fut Zoroastre, chef des Mages ; le second, Hermés Trismégiste, prince des prêtres égyptiens; à Hermès succéda Orphée; aux mystères d'Orphée fut initié Aglaophème; à Aglaophème succéda en théologie Pythagore, à Pythagore Platon qui renferma, développa, illustra dans ces écrits toute leur science. [...] Tous ces théologiens enveloppaient de fictions poétiques les mystères sacrés de la divinité, pour les empêcher de tomber dans le domaine du profane.
 « Mélissos, un philosophe grec, dit ainsi que les yeux des âmes vulgaires ne peuvent supporter les rayons divins. L'exemple de Moïse le confirme encore, car lorsqu'il descendit de la montagne sur laquelle il avait parlé à Dieu par l'intermédiaire de l'Ange, ce n'est que le visage caché par un voile qu'il pouvait être regardé par le peuple (Exode 34, 33-35). Et les Apôtres, ayant vu le Christ transfiguré, c'est-à-dire se détachant en quelque sorte de l'épaisseur de l'humanité pour aller vers la gloire de la divinité, n'eurent pas assez de force pour le regarder et s'évanouirent (Matthieu 17, 1-6).
Commentaire : Dans le texte de l'Exode, ce n'est pas aux hommes, mais à Dieu que Moïse cache son visage. Cette interprétation provient de la lecture de saint Paul (2 Corinthiens 3, 7), reprise par Pic de la Mirandole dans l’Heptaplus.
 Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés  à tous !